ACBB : SURSIS TRÈS INQUIÉTANT POUR LA « FÉDÉRALE » |
Dans ma tribune précédente intitulée «
ACBB : un monument en danger de mort ! », j’avais déploré avec de très nombreux amateurs des sports de glace que la célèbre patinoire et son grand club historique soient condamnés à disparaître dès la fin de ce mois de juin. Fort heureusement, la fermeture définitive de la « Fédérale », annoncée de façon soudaine et très brutale par la mairie des Hauts-de-Seine, n’interviendra finalement pas comme prévu avant les vacances d’été.
Mais il ne faut surtout pas se réjouir trop vite de ce report provisoire ! Car il s’agit, à l’heure actuelle, d’un simple sursis puisque la municipalité de Boulogne-Billancourt a accordé une prolongation de la délégation d’exploitation de la piscine et de la patinoire (dont les fonctionnements sont liés techniquement) pour seulement une courte durée de six mois.
Si la piscine est d’ores et déjà sûre d’obtenir une nouvelle délégation de service public pour sa gestion dès le mois de janvier 2025, en revanche le maire Pierre-Christophe Baguet et les élus de sa majorité locale continuent à faire de la résistance et n’ont pas encore voulu acter celle de la patinoire…
UN VERDICT QUI ÉTAIT TRÈS ATTENDU
Comme on l’imagine, la fameuse réunion du conseil municipal de Boulogne-Billancourt, organisée le jeudi 6 juin, a attiré plus de public qu’à l’accoutumée. Il faut dire que la date de cette séance était, comme l’a dit fort joliment le journal Le Parisien, « gravée dans la glace ». En effet, après une mobilisation importante des habitants boulonnais sous toutes les formes possibles (Pétition, tractage, manifestations, réseaux sociaux, articles et émissions dans les médias) plusieurs dizaines de patineurs, hockeyeurs et parents d’élèves sont venues assister le cœur battant au vote crucial concernant le devenir de leur patinoire municipale.
Après délibération, dans un suspense insoutenable, 48 élus au total se sont donc entendus pour accorder simplement un
sursis de six mois à la patinoire tout en remettant toujours en cause sa survie. Par ailleurs, il y a eu deux abstentions et quatre contre cette résolution inquiétante.
Comme on le voit sur cette photo, la mobilisation des patineurs de l’ACBB fut impressionnante avec une marche qui s’est achevée par une manifestation devant l’Hôtel de ville.
Photographe - Jean-Marc Dutertre.
Pour accentuer la pression et tenter de faire changer le projet des élus locaux, quelques jours auparavant les enfants de la section hockey sur glace du club de l'ACBB ont organisé un match de démonstration sur la Grand'Place pour protester contre la fermeture de la patinoire olympique de la ville. Une quinzaine de jeunes hockeyeurs ont joué pendant plus d’une heure au floorball (une variante du hockey sans patin) le samedi 1er juin sur la Grand’Place de Boulogne-Billancourt en présence de leurs parents. Une action symbolique organisée par l’association « Patiner à Boulogne » pour protester contre la disparition programmée de l’emblématique piste de glace, lors de laquelle ils ont été rejoints par une dizaine de patineuses artistiques de l’ACBB.
Il faut souligner par ailleurs que la pétition lancée par le collectif #PatinerABoulogne a recueilli un total impressionnant de plus de 30 000 signatures ainsi que le soutien de nombreuses célébrités sportives, de l’audiovisuel ou encore du spectacle.
UN LONG FEUILLETON DE CRISE
Pour comprendre la genèse de cet événement qui a fortement ému les pratiquants des sports de glace, au-delà même des portes de la capitale, il est bon de rappeler le long processus de la crise dont s’est expliqué la mairie de Boulogne-Billancourt sur son site internet.
2003 : L’équipe municipale alors conduite par l’ancien maire Jean-Pierre Fourcade et son succésseur Pierre-Mathieu Duhamel (jusqu’en 2008) entreprend des travaux conséquents de rénovation de la piscine-patinoire pour une somme de 17 Millions d’euros.
(NDLR : toutefois la patinoire ne concernera que 30 % des travaux et le club de l’ACBB sera contraint de jouer à Athis- Paray après une association provisoire.)
2009 : Apparition des premières et importantes malfaçons (
NDLR : que la piscine) dix recours judiciaires successifs furent engagés par l’équipe municipale pour aboutir à un dédommagement des assurances limité à… 3,5 Millions d’euros (perçus seulement en 2020). La Ville est contrainte alors de procéder à de nouveaux travaux de reprises de malfaçons (16 M€).
2019 : Nouvelle DSP (Délégation de Service Public) pour cinq ans jusqu’au 30 juin 2024. La Ville reste propriétaire du bâtiment mais délègue sa gestion à un exploitant privé.
(NDLR : Avant ce fut la société Vert-marine puis Récréa.)
2020 : L’Union européenne adopte une réglementation d’usage et de vente des fluides frigorigènes imposant (au plus tard en 2030) une mise en conformité complémentaire du système de froid de la patinoire.
2023 : Face à cette nouvelle contrainte, après de nombreux échanges avec les clubs, des crédits supplémentaires ont dû être inscrits au budget de la Ville, à hauteur de 40 000 euros en tenant compte des différentes subventions institutionnelles d’une hauteur globale de 2,3 Millions d’euros.
L’exploitation de la patinoire se complique dès la rentrée du mois de septembre avec, selon la mairie, les conséquences du réchauffement climatique (pics de chaleur, notamment lors de la remise en glace et plus récemment en 2024). La verrière en façade pénalise fortement la performance énergétique de la structure. Les systèmes de chauffage et de refroidissement étant communs, la température des bassins de la piscine atteint près de 33°C ! Près de 10 millions de litres d’eau potable ont ainsi dû être injectés entre août et octobre 2023 ! Face à cette dégradation, les élus décident du gel du changement de système de gaz réfrigérant et lancent un audit de l’équipement afin de limiter cette gabegie.
(NDLR : Le problème vient en fait uniquement d’une fuite des fluides mal diagnostiquée et a donc rien à voir avec le réchauffement car les aérocondenseurs sont défectueux.)
2024 : Nouveaux incidents liés au climat (
NDLR : argument faux car ils sont dus uniquement aux pannes) trois millions de litres d’eau potable sont injectés pour le maintien de la glace de la patinoire et le refroidissement de la piscine.
La mairie prétend alors que le calendrier réglementaire de la DSP (Délégation de Service Public), sous contrôle préfectoral, nécessite une décision : soit s’engager pour cinq nouvelles années dans des conditions aléatoires et sans maîtrise des coûts, soit fermer l’équipement.
Au mois de mai un audit général conclut à la nécessité d’engager immédiatement de nouveaux travaux d’urgence, pour un montant de 8,3 Millions d’euros qui ne peuvent néanmoins garantir l’adaptation du bâtiment aux conditions climatiques évolutives…
Dans la poule B de la Division 3, l’équipe senior de l’ACBB a terminé cette saison en huitième position
du championnat de France.
Photographe - Jean-Marc Dutertre.
CONCLUSION DÉFAVORABLE DE LA MAIRIE
Voici les arguments de la mairie concernant la patinoire :
« Une fréquentation qui dépasse largement les limites de Boulogne-Billancourt car les cinq clubs qui utilisent la patinoire comptent moins de 1 000 adhérents dont un peu moins de 500 boulonnais. De plus, le nombre d’entrées « loisirs » chaque année est de 54 000 dont 17 000 boulonnais, soit 31,5%. Par ailleurs, près de 70 % de ces utilisateurs « loisirs » proviennent d’autres communes dont essentiellement des 15e et 16e arrondissements de Paris... Il s’agit donc d’un investissement sans fin pour des résultats aléatoires Depuis 2004, la Ville aura dépensé en investissement 29,5 millions d’euros. Chaque année, le coût total de fonctionnement est d’1 Million. Avec les 8,3 Millions de travaux complémentaires, cela représente une charge nette pour la Ville de 30 euros par usager à chaque utilisation de la patinoire, y compris les parisiens et habitants des autres communes du Grand Paris. Les sports de glace doivent se réinventer. Si le dérèglement climatique nous impose de revoir les modes de fonctionnement de nos villes très urbanisées, il en est de même pour des sports qui nécessitent, pour s’exercer, une quantité d’énergie déraisonnable. Dans ces conditions et compte-tenu du caractère historique de l’équipement inauguré en 1955, qui a abrité pendant 15 ans le siège de la Fédération Française des Sports de Glace, le Maire a proposé aux fédérations nationales de reprendre la gestion de la patinoire, soit directement, soit sous le contrôle de l’Etat, la ville étant prête dans cette hypothèse à céder l’équipement pour 1euro symbolique. »
UN VERDICT QUI LAISSE PLANER LE DOUTE
La délégation de service public confiée au prestataire Récréa qui devait prendre fin au 30 juin de cette année sera donc prolongée de six mois. « Nous saluons la décision de la mairie de ne pas fermer brutalement la patinoire au 31 mai 2024 », a réagi le collectif « Patiner à Boulogne » dans un communiqué. Il regrette toutefois le délai accordé. « Six mois ne sont pas suffisants ! Avoir douze mois de visibilité est la seule option pour permettre aux clubs et associations sportives de se projeter, avec leurs adhérents et leurs éducateurs, sur la saison sportive 2024-2025 », déplore-t-il.
De son côté, pour répondre à cet argument d’éloignement de ses patineurs locaux, la mairie de Boulogne travaille déjà avec la commune voisine de Meudon pour l’accueil des licenciés des cinq clubs concernés à savoir l’ACBB hockey sur glace, l’ACBB sports de glace, l’école de glace de la ville, le Paris hockey club ainsi que les Vikings Hockey Boulonnais 92.
Comme on le voit, le problème de la patinoire « Fédérale » reste toujours en suspens avec une épée de Damoclès sur la tête et son sort n'est pas encore réglé loin s’en faut. Cette piste de glace historique n'a donc droit qu'à un sursis provisoire même si la municipalité, poussée dans ses derniers retranchements après avoir subi une très forte contestation locale très médiatisée, s'est engagée, au cours de ce fameux conseil municipal, à mener selon la déclaration de Christine Lavarde, (sénatrice et conseillère municipale LR de Boulogne-Billancourt) : « une réflexion sur le devenir sportif de l'équipement abritant actuellement la patinoire municipale ».
De gauche à droite : Matti Prévost, entraineur diplômé et joueur Division 3 formé au club. Mouloud Menceur, président de l'ACBB Hockey sur Glace et Nordine Mahdidi, entraineur principal, ancien directeur du pôle espoirs au club de Rouen.
Photo Jean-Marc Dutertre.
LE PRÉSIDENT DE L’ACBB RESTE INQUIET
Président du club de hockey sur glace de l’ACBB depuis 2021,
Mouloud Meneur ne cache pas son inquiétude pour un avenir très proche : « Six mois de sursis, c’est trop insuffisant ! Il est impossible pour un club comme celui de hockey sur glace, avec ses adhérents et ses salariés, d’imaginer finir la prochaine saison en décembre. Quatre mois seulement de compétition, c’est totalement inimaginable ! Concernant maintenant la remise en état de notre patinoire, il faut simplement remettre prioritairement en état les aérocondenseurs qui sont la cause principale de nos soucis. Nous sommes prêts à financer les travaux à hauteur de 300 000 euros grâce à l’aide d’un entrepreneur de Boulogne-Billancourt qui est un hockeyeur qui a, de plus, une fille patineuse artistique et un garçon hockeyeur. Le financement de ces travaux de réparation ne font sens que dans la perspective d’une
saison complète jusqu’au mois de juin 2025. Nous attendons donc la décision prochaine du maire car personne ne va se projeter sans un accord ferme de prolongation. »
L’ABSURDITÉ D’UNE SAISON ÉCOURTÉE OU DISPUTÉE À L’EXTÉRIEUR
En effet, le fait de dire qu’un club ne peut inscrire ses diverses équipes dans le championnat de France de hockey sur glace que dans la seule hypothèse de disputer les compétitions jusqu’au bout de la saison relève du bon sens ! Tout comme il est inimaginable également de croire que le club de l’ACBB ou que la FFHG, même en association avec la FFSG, puissent reprendre à leur compte la gestion de la patinoire de Boulogne-Billancourt après l’avoir acheté pour un euro symbolique comme l’a proposé avec mauvaise foi et une certaine perfidie la Mairie des Hauts-de-Seine !
Sans parler de la situation totalement insoluble et ingérable qui consisterait à expatrier, comme le suggère les élus boulonnais, l’ensemble de leurs clubs de glace dans la ville voisine de Meudon (distante de 5 kilomètres) où les heures de glace sont déjà occupées à plein temps par les associations locales.