10 octobre 2007, Pittsburgh. L'un des plus grands espoirs du hockey canadien fait ses débuts en NHL. Ce soir-là, pour sa première apparition au plus haut niveau, celui qui a été drafté en cinquième position en 2005 fait face à celui qui a entendu son nom être appelé en premier par les Penguins la même année. Un duel Carey Price-Sidney Crosby qui permet aux fans de jouer aux apprentis devins, et de regarder les futures stars de la ligue à l’œuvre en imaginant quel sera leur rôle demain. En NHL, comme avec la sélection canadienne. Les fans du Canadien de Montréal, eux, n'ont d'yeux que pour leur jeune portier (20 ans), dont ils attendent tant.

Annoncé comme le futur Patrick Roy grâce à ses faits d'armes avec les Bulldogs de Hamilton en Ligue américaine de hockey (il remporte, comme le légendaire gardien du Tricolore, la coupe Calder), Carey Price, également champion du monde junior avec Team Canada, est attendu comme le prochain messie qui pourra mener la franchise la plus titrée de l'histoire vers un nouveau sacre.

En plus de son titre en LAH, il vient déjà d'inscrire son nom dans l'histoire du hockey en devenant le premier joueur de moins de 20 ans à remporter la distinction de joueur le plus utile lors des séries de la compétition. Alors pour confirmer ce statut, le jeune gardien sort le match (presque) parfait. Il arrête 26 des 28 tirs de Pittsburgh. Résultat : les siens s'imposent 3-2. Son chemin vers les sommets de la ligue ne fait que commencer.

Price of Glory

Francois Lacasse/NHLI via Getty Images

15 avril 2008, Boston. Catapulté titulaire suite au trade envoyant Cristobal Huet chez les Capitals de Washington, Carey Price brille dans les cages des Habs. Lors de ce Game 4 face aux Bruins, il enregistre un blanchissage. Et accomplit son destin : Carey Price devient ainsi le premier rookie de la franchise à ne pas encaisser de but lors d'un match de playoffs depuis Patrick Roy en 1986. Les Canadiens l'emportent 1-0. Rebelote lors du Game 7, ponctué par un festival offensif de Montréal (5-0). Les récompenses arrivent. Le jeune homme est désigné dans la All-Rookie Team. Des débuts réussis, en somme.

Price s'est déjà offert une place parmi les meilleurs gardiens de la ligue. Pour preuve, en 2009, à seulement 21 ans, il participe à son premier All-Star Game en tant que titulaire dans la sélection de la Conférence Est. Un événement qui, cerise sur le gâteau, se déroule à Montréal. Pour sa deuxième saison dans la cour des grands, il retrouve les Bruins en série avec, cette fois, une réussite en berne. Boston inscrit au moins quatre buts dans chaque manche et balaye le Canadien (4-0). Les critiquent pleuvent sur le sophomore, pour qui les ennuis ne font que débuter.

Sa troisième saison en NHL est un énorme passage à vide. Jaroslav Halák lui chipe sa place de titulaire. Si bien que Carey Price ne devient pas l'un des protagonistes du beau parcours du CH en playoffs, qui se hisse jusqu'en finales de conférence. À l'été 2010, les dirigeants de sa franchise doivent faire un choix : Price et Halák sont tous deux restricted free-agents, et le Tricolore opte finalement pour le premier, tradant le second vers les Blues de Saint-Louis.

Pur hasard ou résultat de la confiance qui lui a été accordée, Price remonte la pente. L'exercice suivant, il glane 38 victoires en saison régulière avec son équipe, tourne à une moyenne de 2,35 buts par match, et à un taux d'efficacité de 92,3%. Le All-Star Game lui retend les bras. Il redevient l'une des pièces
maîtresses de son effectif. Dès lors, sans celle-ci, le Canadien a bien du mal. Exemple : lors des playoffs de 2013, sa blessure dans le Game 4 pèse lourd dans l'élimination des siens face aux Senators. Idem en 2014 : après avoir dégoûté les Bruins en sortant 29 shoots lors du Game 7 (3-1), Chris Keider des Rangers de New York lui assène une violente charge, et amenuise les chances de qualification du CH. Mais le gardien s'apprête à frapper encore plus fort.

Un gardien aux mains d'argent

24 juin 2015, Las Vegas. Fort d'une saison exceptionnelle, Carey Price marque l'histoire. Déjà assuré de co-détenir le trophée William-Jennings du gardien ayant encaissé le moins de buts (189), avec Corey Crawford, le gardien des champions, les Blackhawks de Chicago, il se voit également décerner le trophée Vézina du meilleur gardien de la saison, le trophée Hart du meilleur joueur de la saison selon les journalistes, ainsi que le trophée Ted-Lindsay du meilleur joueur de la saison selon ses pairs.

Jamais aucun gardien n'avait auparavant réussi à remporter quatre distinctions individuelles. En accomplissant une telle prouesse, Carey Price devançait ainsi la légende Dominik Hašek, qui a remporté les trophées Vézina, Hart et Ted-Lindsay en 1997 comme en 1998. De même, il devenait le premier gardien vainqueur des trophées Hart et Vézina au cours d'une même saison depuis José Théodore en 2002. Il succède également à ce dernier en tant que dernier joueur du Canadien à avoir remporté le trophée Hart.

Autre preuve de son importance dans l'histoire du Tricolore et de sa saison exceptionnelle : Carey Price, auteur d'un exercice 2013-2014 à 2,32 buts encaissés et un taux d'efficacité de 92,7%, a dépassé ses propres standards avec une moyenne d'1,96 but par match et un taux d'efficacité de 93,3%. Surtout, il a battu le record de victoires glanées par un joueur du CH (42, co-détenu par Jacque Plante et Ken Dryden) grâce à 44 victoires.

Alors comme c'était attendu hier, c'est aujourd'hui acté : Carey Price est en haut de l'affiche de la NHL. Tout seul. Il a régné sans partage sur la ligue durant cette saison, et fait taire les critiques qui l'entouraient. Celles qui disaient qu'il n'était pas assez régulier. Pas assez décisif en playoffs. Et tout simplement pas meilleur que les autres très bons portiers, qu'un Tuukka Rask, qu'un Henrik Lundqvist ou qu'un Cory Schneider. De sa distinction de meilleur gardien des JO l'an passé, lors du sacre du Canada, à sa saison pleine avec Montréal, Carey Price a prouvé qu'il pouvait faire plus que tutoyer tous ces noms. Le hic : il lui reste encore à mener sa franchise vers un titre pour passer du héros à la légende.

Carey Price à la recherche du (vrai) bonheur

nhl.com, getty images

9 avril 2015, Montréal. S'il a encaissé trois buts, Carey Price dépasse le fameux record de Jacque Plante et Ken Dryden grâce à une victoire en prolongation acquise aux dépens des Red Wings de Detroit. Deux jours avant de ponctuer sa saison par une 44ème victoire face aux Maple Leafs de Toronto, le portier savoure sa joie. Il lâche : « J'en suis très fier. J'avais commencé à croire en mes chances d'améliorer le record au cours des derniers matchs. Je suis content que ce soit fait. Je vais pouvoir diriger toute mon attention vers les séries éliminatoires. »

Car Carey Price le sait mieux que quiconque : il sera également jugé par les fans des Habs comme par tous les observateurs sur sa capacité à mener son équipe vers les sommets de la NHL. Et ce d'autant plus qu'il évolue au sein de la franchise la plus titrée de la ligue, qui attend son 25ème sacre avec impatience. La saison régulière des Habs a fait espérer les fans : la franchise a réalisé son meilleur bilan depuis 26 ans, et terminé première de la Division Atlantique.

De quoi nourrir de grandes ambitions à l'aube des playoffs. Montréal se détache d'abord des Senators d'Ottawa (4-2). Arrive ensuite le Lightning de Tampa Bay, sweepé par Montréal l'an passé. Les Floridiens résistent cette fois beaucoup mieux. Dans ses buts, Price réussit à relancer son équipe grâce à 24 arrêts dans le Game 5 remporté par les Canadiens (2-1), dont un sauvetage spectaculaire sur un lancer de Valtteri Filppula. Pas suffisant pour offrir la qualification à Montréal, qui est éliminé lors de la manche suivante.

Véritable rempart et sauveteur de sa franchise toute l'année, Carey Price aura pu compter sur les qualités défensives d'Andreï Markov et de PK Subban. Il a terminé les playoffs avec une moyenne de 2,23 buts encaissés, et un taux d'efficacité de 92%. Mais, après avoir garni son armoire de trophées individuels, il compte bien se remettre en route pour s'offrir la plus belle des récompenses collectives : la coupe Stanley. « Carey n'est pas satisfait de ses séries. Il veut être bien meilleur », a expliqué l'instructeur des gardiens de l'équipe, Stéphane Waiter, après les play-offs. Un an après avoir remporté la coupe Calder, Patrick Roy mettait la main sur la coupe Stanley. Il l'a également gagnée en 1993 avec le Tricolore. Le dernier sacre des Habs. Puis en 1996 et en 2001 avec l'Avalanche du Colorado. Pour se glisser encore davantage dans les habits de l'ancienne légende de la maison, Carey Price sait ce qu'il lui reste à faire.