CASTRES : LE SAUVETAGE QUI DONNE ESPOIR !
|
La fermeture définitive de la patinoire « fédérale » de Boulogne-Billancourt, ainsi que la disparition des deux célèbres sections de patinage et de hockey du club omnisports de l’ACBB, ont provoqué
un véritable séisme qui a sérieusement ébranlé toutes nos certitudes. Les passionnés des sports de glace restent traumatisés par cet événement qui constitue à mes yeux un « d’autodafé historique » comme je l’ai expliqué en détail dans une tribune précédente.
L’émoi est d’autant plus grand qu’il y a eu auparavant d’autres fermetures très choquantes pour nos patineurs et nos hockeyeurs concernant notamment les patinoires du Vésinet, de Saint-Ouen ou encore de Colombes pour parler uniquement de la région parisienne. Du coup, on se demande maintenant avec inquiétude si on ne risque pas d’assister dans les prochaines saisons à
un « effet domino » dévastateur.
L’avenir de l’ensemble des patinoires françaises n’est-il pas tout simplement compromis à moyen ou à long terme ? Faut-il être aussi alarmiste concernant le futur très aléatoire de tous nos clubs ? Pour faire une métaphore, notre « galerie des glaces », que représentent l’ensemble des patinoires de l’hexagone, va-t-elle faire bientôt partie de l’histoire ancienne comme le château de Versailles ?
LES PATINOIRES INJUSTEMENT STIGMATISÉES
On connait les arguments qui sont utilisés pour démanteler inexorablement notre parc de patinoires malheureusement vieillissant qui pourrait aboutir prochainement à un scénario catastrophe. Les trois principaux griefs avancés sont : « Installations trop coûteuses, beaucoup trop énergivores et qui entrainent une gabegie financière ». Il est difficile, sauf d’être de mauvaise foi, de contester ces reproches et de balayer d’un simple revers de crosse le bien fondé de ces critiques.
D’autant que Philippe Aubertin, le président de la holding « New Friends », sponsor du hockey français (Ligue Magnus) avec sa filiale Synerglace, est un homme expérimenté. L’ancien directeur de la patinoire de Mulhouse a un jugement qui compte. Or, il me confiait récemment avec franchise et lucidité : « Il faut que le monde des patinoires réagisse vite en proposant un modèle de piste de glace zéro carbone. Si on ne préconise pas un concept beaucoup moins énergivore, nous n’arriverons pas à trouver de nouveaux investisseurs. » Si je reste malgré tout optimiste pour l’avenir c’est qu’il y a quand même des raisons d’espérer !
Réputées énergivores, les patinoires sont-elles, comme les piscines, menacées de fermeture ? Président du Syndicat national des patinoires (SNP) et directeur du Parc Olympique de Méribel, Yann Pesando a dressé, il y a deux ans, pour la « Gazette des communes » un état des lieux de la situation plutôt rassurant. Il a confié au journaliste David Picot son relatif optimisme.
« Sur un plan conjoncturel, nous nous situons sur une excellente dynamique, avec même des chiffres-records en termes de fréquentation : 22% d’augmentation sur l’hiver 2021-2022 par rapport à 2019-2020, dernière année de référence. Depuis la rentrée, la tendance se poursuit. C’est le signe que les patinoires contribuent à cette mise en mouvement de la population : les gens ont besoin de bouger avec cette notion de liberté et de pratique collective. Nos équipements y répondent d’autant plus que nous n’avons pas augmenté les prix : 8 euros en moyenne le ticket d’entrée avec la location des patins. Après, sur le plan énergétique, je ne cache pas que nous sommes tendus… »
DES INAUGURATIONS MALGRÉ LE MARASME
Plusieurs événements récents comme l’inauguration du Palais Omnisports Grand-Est de Marseille en 2009 (pour un coût de 45 millions d’euros), de l’Aren’Ice de Cergy-pontoise en 2016 (42 millions d’euros), puis de la nouvelle patinoire Iceparc d’Angers en 2019 (38 millions d’euros) et enfin celle de Dreux en 2024 (11 millions d’euros) en même temps que celle de Douai (21 millions d’euros), prouvent qu’il y a toujours des investisseurs assez téméraires pour croire encore que ces stades de glace peuvent être rentables en prenant en compte les nouvelles contraintes environnementales. Comme le souligne Philippe Aubertin : « N’oublions pas que la patinoire est aussi le seul endroit ludique qui peut réunir tous les âges et toutes les classes sociales dans un même lieu. Dans le public qui fréquente nos patinoires on retrouve mélangés des patineurs des quartiers pauvres avec ceux venus des résidences beaucoup plus aisées. Il y a une réelle mixité. C’est un argument important qui n’est pas assez mentionné. »
Je reste d’autant plus optimiste qu’une nouvelle patinoire - dit-on exemplaire - doit voir le jour également à Chamonix le « temple » du hockey sur glace français, mais aussi, plus au sud, à Nice en prévision des Jeux olympiques d’hiver qui seront organisés en France en 2030. Mais avant de compter sur d’hypothétiques nouvelles constructions de patinoires dans l’hexagone qui demandent des mises de fonds importants, si on prenait tout simplement exemple sur ce qui vient de se passer très récemment ?
Je pense à la ville de Bourges où sa patinoire (56m x 26m) fut rouverte après avoir été détruite en partie par un incendie dans le local de rangement des patins en août 2017. Mais je pense aussi au sauvetage et à la résurrection beaucoup plus récente des sports de glace à Castres car dans ce département du Tarn où la mairie a pris exactement le contre-pied de la décision désastreuse de celle de Boulogne-Billancourt. C’est bien la preuve que la disparition de nos patinoires n’est pas une fatalité !
LE CLUB DE CASTRES RENAÎT DE SES CENDRES
En effet, on a craint pendant un moment que la patinoire de Castres (56x26 et 1000 places) qui se trouve dans le complexe sportif de l’Archipel, était définitivement condamnée. Fermée au mois de mars 2022, l’agglomération de Castres-Mazamet a pris la sage décision de mandater la société Synerglace et un artisan local pour rénover la piste de glace afin de la mettre aux normes et rendre la seule patinoire du département du Tarn beaucoup moins énergivore. Ce fut pourtant une décision drastique courageuse sur le plan politique car cette défaillance structurelle avait provoqué une hausse des charges de 500 000 euros sur une infrastructure déjà déficitaire. Cet exemple de renaissance prouve que « quand on veut on peut » sans profiter, comme à Boulogne-Billancourt, de ce prétexte financier sensible et d’excuses fallacieuses pour faire disparaitre brutalement un club qui était pourtant fédérateur.
Après deux ans de travaux la patinoire de Castres a donc pu rouvrir très récemment (le vendredi 1er novembre 2024) pour un coût global de 3 millions d’euros. Afin de sauver sa piste de glace qui attirait 70 000 personnes par an avant sa fermeture (42 700 habitants à Castres) toutes les institutions locales et extraterritoriales se sont mobilisées. Voilà un sauvetage qui donne espoir !
Une subvention à hauteur de 70 % a été allouée à la fois par le département, la région, l’état et même l’Europe ! Selon le journal local de la Dépêche « ce financement a permis de faire une cure de jouvence à cette patinoire vieille de 30 ans qui, par exemple, utilisait un gaz qui n’est plus autorisé pour fabriquer la glace. Il y a donc désormais un nouveau système qui fabrique le froid pour chauffer l’eau de la piscine, l’air de l’Archipel ou encore l’eau des douches. »
LES HOCKEYEURS EXPATRIÉS SONT REVENUS
Après l’arrêt brutal des activités du club de hockey sur glace de Castres en 2022, Damien Pozzobon a laissé la place de président à
Julien Bressoles (photo ci-contre). Ce dernier, gendarme de profession, est un ancien hockeyeur âgé de 37 ans qui joue toujours actuellement en senior loisir sous le maillot du nouveau Castres Hockey Club. « Pour l’instant, on est engagés en Trophée Fédéral (D4) et il n’y a pas encore de hockey mineur à l’Archipel, dit-il. Mais nos meilleurs éléments jouent avec les Bélougas de Toulouse. »
La direction du club semble être entre de bonnes mains très sécurisantes puisque le coach de Castres,
Fabien Husson, est aussi un policier qui a profité des deux ans d’interruption de la patinoire pour faire une formation fédérale tout en faisant partie de l’équipe de hockey sur glace des Forces de l’Ordre surnommée « Les Sentinelles ».
Il peut compter aussi sur trois adjoints très motivés qui sont
Aloïs Gélinas,
Guillaume Hue et
Patrick Porcher. Pour l’anecdote, je rappelle qu’en 2010 le célèbre l’attaquant international Maurice Rozenthal, originaire de Dunkerque, déménagea à Castres car son ex-épouse Laure était native de Labruguière, une commune située à 7 kilomètres au sud de Castres. Par ailleurs en 2011, c’est son ami, le défenseur international Karl Dewolf, originaire de la même ville du Nord, qui effectua également le trajet vers le club du Tarn pour venir s’occuper à son tour des « Dogs » et des « Petits Loups » de Castres.
Tel un phénix le club de Castres est donc en train de renaître de ses cendres comme l’explique le président Julien Bressoles : « Nos finances sont saines, mais on a quand même perdu 12 000 euros pendant ces deux ans de fermeture. Privés de patinoire, nos seniors ont continué à disputer des tournois ou des matches amicaux à l’extérieur comme par exemple à Avignon, à Besançon et à Bordeaux. Mais lorsque le chantier de rénovation a commencé, nos licenciés ont continué aussi à jouer au roller sur une dalle d’un gymnase délocalisé à Viviers-Lès-Montagnes qui se trouve à 12 kilomètres. Bien sûr, c’était une manière provisoire de rester en contact et de garder surtout la forme. Mais de 150 licenciés, notre club en sursis est tombé à 60 joueurs pendant cette longue fermeture de la patinoire. Fort heureusement, aujourd’hui nous sommes revenus à 140 joueurs. J’ajoute que notre équipe féminine a disputé le carré final depuis quatre ans avec l’entente Toulouse-Castres et nous sommes bien soutenus par des entreprises locales qui nous accompagnent comme GMC Marbrerie, Peugeot Maurel Castres, Boulangerie Didier et Epicerie de Véro. »
LORE BAUDRIT ET ERIC MALLÉTROIT LES STARS LOCALES
N’oublions pas, par ailleurs, que la célèbre hockeyeuse française Lore Baudrit, est native de Castres ! Cette dernière à un sacré palmarès puisqu’elle est devenue capitaine de l’équipe de France féminine en 2022 après la retraite de Marion Allemoz dont elle était la capitaine adjointe. Devenue professionnelle, Lore Baudrit a d’abord joué avec le club français de Neuilly-sur-Marne avant de s’expatrier à l’étranger au Canada, en Suède puis dernièrement en Allemagne où elle joue cette saison pour le club ERC Ingolstadt.
Notons par ailleurs que depuis 2017, le CHC bénéficie de l’aide précieuse d’Eric Malletroit qui est un personnage important du hockey sur glace français. En effet, issue d’une famille nombreuse (avec quatre anciens hockeyeurs), Eric Malletroit fut d’abord gardien de but aux Français Volants de Paris avant de devenir un célèbre arbitre international qui officia notamment lors des Jeux olympiques d’hiver d’Albertville en 1992, puis aux Championnats du monde de Munich en 1993. Il s’occupa ensuite de la formation des arbitres au sein de la Fédération.
Autant dire que lorsque Eric Malletroit, élu en 2014 au Temple de la Renommée de la FFHG avec sa fratrie, eut la bonne idée de venir s’installer à Castres, les dirigeants du CHC sautèrent sur l’occasion. En effet, l’ancien arbitre vint tout naturellement jeter un œil à la patinoire de l’Archipel et il proposa ses services pour former les jeunes arbitres du club castrais. Les dirigeants ne se sont pas fait prier et l’accueillirent à bras ouverts lui confiant par ailleurs le poste de référent arbitrage.