HH : Commençons par un retour sur la saison de D1, comment avez-vous trouvé le championnat ?
Eric Ropert : La D1 est de plus en plus dense et cette saison l’a prouvé. Des matches de bon niveau, des affluences au rendez-vous, du bon spectacle. Ce fut un beau championnat.
Un beau championnat qui a accouché d’un beau champion, Bordeaux. Encore une grande ville qui évoluera en Magnus la saison prochaine, c’est une bonne chose pour le hockey ?
Bordeaux est un beau champion, comme l’aurait été Anglet. Anglet est un club historique avec une vraie tradition de hockey et un gros travail de fond. Il n’y a pas de fantasme à la Fédération pour n’avoir que des grandes villes en Magnus pour des raisons économiques. Le mérite sportif prime sur le reste, même si on a mis en place un cahier des charges qui vise, avec les clubs, à développer et structurer le hockey. Anglet est un club structuré qui aurait aussi sa place en Magnus.
Bordeaux a fait un gros travail au niveau de la structuration, de la communication et de la professionnalisation, comme on a pu le voir lorsque l’équipe de France est allée jouer à Mériadeck. C’est intéressant de voir que des clubs qui s’organisent pour évoluer, y compris sportivement, y arrivent.
Revenons sur un des faits marquants de la saison, n’est-il pas inquiétant de ne pas avoir trouvé un 14ème club pour évoluer en D1 ?
Sportivement, faire un championnat à 13 avec un exempt par journée, c’est très compliqué pour les clubs et je comprends que certains aient pu s’en plaindre. On peut s’en inquiéter en se disant qu’il n’y a pas de relève, mais je pense qu’il faut regarder plus loin et je vais répondre en 2 temps.
Devait-on laisser un club s’engager (Montpellier souhaitait se maintenir) ou en « forcer » un autre à le faire en lui faisant prendre des risques économiques et en risquant de fausser sportivement le championnat ? C’est le travail de la commission de contrôle de gestion de leur éviter de prendre des risques.
On a connu des époques où la Fédération ou la Ligue Elite forçait les clubs à monter dans n’importe quelles conditions et derrière on avait des dépôts de bilan. Depuis 15 ans, on a adopté une philosophie qui consiste à solidifier les bases et à voir sur le long terme, donc même si c’est avec regret on préfère un championnat solide à 13 équipes que d’avoir une défection en cours de saison. L’image et la trace que laisse un dépôt de bilan sont catastrophiques.
On le voit avec un club comme Tours qui est un bassin de hockey et qui remplit sa patinoire mais a eu besoin de beaucoup de temps pour se relever et reconstruire après son dépôt de bilan.
Dans l’équation, il faut également avoir à l’esprit le changement de formule de la Magnus qui va amener 2 descentes qui vont contribuer à densifier la D1 (et par ricochet la D2.) Les « trous », s’ils devaient en rester la saison prochaine, ce que je ne souhaite pas, seront comblés par le haut et non par le bas. Ces équipes amèneront une couche de compétitivité supplémentaire et tireront les autres vers le haut en terme sportif et de structure.
C’est un peu la loi des séries, mais en plus d’un championnat à 13 clubs, il y a eu beaucoup de problèmes de calendriers liés à l’indisponibilité de certaines patinoires. La Fédération peut-elle agir dans un tel contexte ?
C’est vrai que le calendrier était apocalyptique. Comme tous les sports français, à l’exception du football qui est en train d’évoluer, les infrastructures, les patinoires en l’occurrence, appartiennent aux collectivités locales, même si elles sont parfois gérées par des structures privées. Dans la D1 de cette année, il faut distinguer plusieurs cas.
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Pauline Bernard |
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Il y a d’abord les problèmes récurrents de Bordeaux, qui évolue dans une salle de spectacles avec un équilibre économique propre et qui n’attend pas après le hockey pour faire sa programmation. Il y a ensuite des problèmes conjoncturels comme à Reims et Mulhouse alors que les collectivités sont derrière les clubs de hockey, comme le prouve la mise en place de la structure provisoire à Reims il y a quelques jours. Et enfin la tragédie de Dunkerque qui a été un choc terrible.
Pour avoir des équipements neufs, plus dédiés à notre sport, on espère que le travail que nous faisons avec les clubs, l’organisation du mondial et d’autres actions créeront un cercle vertueux qui donnera plus de crédibilité à notre sport. Il pourrait alors devenir plus naturel pour les collectivités ou des investisseurs privés d’investir dans des patinoires.
Une façon de traiter à court terme le problème n’aurait-elle pas pu être d’inverser les matches. C’est un peu dur pour les équipes qui connaissent des problèmes mais au moins on aurait pu assister à un championnat plus « régulier » et avoir un classement plus lisible ?
Notre règlement est assez clair. On fait un projet de calendrier, qui tient compte des indisponibilités de glace, qui est envoyé aux clubs pour validation. Ils ont alors la possibilité de demander des changements, des inversions… Quand on a le retour de tous les clubs, le calendrier est publié et devient officiel, il ne peut alors être modifié qu’avec l’accord des clubs concernés. Ça peut par exemple être le cas à Bordeaux si un évènement est organisé à Meriadeck à la date d’un match après publication du calendrier.
Il faut bien se rendre compte que notre poids, contrairement au football, ne permet pas de sortir un calendrier et de demander aux clubs de le respecter. Pour faire un parallèle avec Meriadeck, le stade de Lille qui développe des activités annexes au foot attend les dates des matches de ligue 1 pour faire sa programmation des autres évènements.
Même si la Mairie de Bordeaux et l’exploitant de la salle, avec qui nous avons échangé, vont faire beaucoup d’efforts la saison prochaine, notre sport n’a pas encore assez de poids pour s’affranchir de toutes les contraintes liées aux infrastructures. C’est une réalité qu’il faut prendre en compte.
Projetons-nous maintenant sur la saison prochaine. Quel sera le principe des montées et des descentes ?
Le principe sera le même entre la Magnus et la D1 qu’entre la D1 et la D2. Il y aura 2 descentes directes de Magnus en D1 et de D1 en D2. Et un barrage entre le 12ème de Magnus et le champion de D1 d’un côté (
sur une série en 3 matches avec avantage de la glace au 12ème de Magnus) et le 12ème de D1 (q
ui devrait être déterminé à l’issue d’un play-down entre les équipes classées de 9 à 12 sur des séries en 3 matches) et le champion de D2 de l’autre (s
érie en matches avec avantage de la glace au club de D1).
Attention, ce principe de barrages ne sera en vigueur que la saison prochaine. Compte tenu de la difficulté de se maintenir pour les clubs qui montent en Magnus, nous avons considéré avec les clubs qu’il serait encore plus difficile pour le champion de D1 de remplacer le 12ème de Magnus que ça ne l’est aujourd’hui de remplacer le 14ème. On s’est donc mis d’accord sur ce mécanisme, qui doit être entériné lors de la prochaine AG mais a déjà été accepté par tout le monde. C’est un « amortisseur » mis en place pour cette année et à priori on repartira ensuite sur un système classique de montée-descente.
On a réuni les Présidents de clubs avant les championnats du Monde pour bien réexpliquer la situation de ce qui sera une saison de transition pour amortir les descentes.
On restera donc sur une D1 à 14 clubs pour les saisons à venir ?
C’est un championnat qui tourne bien avec un budget moyen en légère augmentation, de l’ordre de 600 000 euros (
610 000 euros en moyenne en 2013-2014 selon le site de FFHG) en incluant le hockey mineur. En Magnus, on change le format pour augmenter le nombre de matches et se mettre au niveau des championnats des pays que nous rencontrons aux championnats du Monde. Les clubs se sont structurés pour passer une étape et absorber ce nombre de matches plus élevés.
Pour la D1, le développement doit se faire par étape et il n’y a pas de nécessité d’accélérer en amenant des contraintes économiques supplémentaires aux clubs. Il ne faut pas oublier que plus de matches veut dire plus de frais.
Augmenter le nombre de matches est justement une demande qui revient souvent chez les entraîneurs ou les joueurs. Pensez-vous que ce soit envisageable dans un proche avenir ?
Il y a 2 solutions pour augmenter le nombre de matches. Faire un appel d’air par en dessous en augmentant le nombre d’équipes et éventuellement faire 2 poules et une phase finale. Mais aujourd’hui c’est le risque d’un nivellement par le bas. L’autre option serait de diminuer le nombre d’équipes et de faire un double aller-retour.
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Gwenola Maguelonne |
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Quand on entame cette réflexion, il y a quelques éléments à ne pas perdre de vue. D’abord, on est un sport encore en développement et on doit donc proposer une formule lisible et qui puisse être comprise par le plus grand nombre. Si c’est trop complexe, la presse non spécialisée ne va pas s’y retrouver et on va perdre du monde en route. On a connu époque, à la fin de ma carrière de joueur, où la formule changeait en permanence. Nous voulons de la stabilité et une formule pérenne.
Les clubs, c’est vrai en D1 et en D2, veulent évoluer dans un championnat national, avec une image nationale et ne veulent donc pas de poules régionales. Mais dans le même temps, ils veulent plus de matches sans dépenser plus d’argent dans les déplacements. C’est donc une équation difficile à résoudre.
On a apporté une solution aux clubs de Magnus il y a quelques années en créant la Coupe de la Ligue, qui est maintenant amenée à disparaitre. Un des objectifs de cette Coupe était d’offrir plus de matches avec des coûts réduits en faisant des poules régionales dans la première phase.
Pourtant, on l’a dit, les clubs de D1 se professionnalisent et se structurent. Cette évolution peut-elle, à terme, conduire à une formule plus riche en matches ?
Les sportifs veulent jouer plus de matches et on peut le comprendre. Mais il y a une logique, on peut difficilement faire au niveau inférieur, la D1, ce qu’on commence tout juste à mettre en place en Magnus. Economiquement c’est compliqué. Un budget moyen de Magnus est proche d’1,5 M€ (
1.3M€ en 2013-2014 selon le site de la FFHG) et on va seulement passer à une formule avec plus de matches, ce qui est déjà une prise de risque pour ces clubs. On ne peut pas faire prendre ce risque à des clubs moins structurés.
Même si la D1 évolue, il reste une grande disparité entre les clubs du haut et du bas de tableau (
en 2013-2014, le plus petit budget était de 275 000 euros et le plus élevé de 970 000 euros – source FFHG). En haut la majorité des joueurs sont professionnels, en bas la plupart ont un job ou sont étudiants. Avec un budget moyen de 600 000 euros, on ne peut pas avoir une équipe de professionnels capables de jouer les samedis et mardis.
Au-delà du nombre de matches, ce qui est ressenti c’est un manque de rythme. Si on ne peut pas augmenter le nombre des matches, est-il envisageable de raccourcir la saison en la faisant commencer un mois plus tard par exemple ?
On a fait des tests en faisant jouer les clubs de D1 en semaine. C’est très compliqué. Les joueurs doivent prendre des jours de congés. Deux fois dans l’année c’est gérable, toutes les semaines c’est impossible. Si on ramasse le championnat, il faut impérativement jouer en semaine ou le vendredi, ce qui revient au même. Compte tenu de la géographie de la D1, certains déplacements nécessitent de partir la veille des matches. Gérer un championnat avec des équipes dans le Nord, l’Est, l’Ouest, le Sud-Est ou le Sud-Ouest c’est plus compliqué que lorsque les déplacements peuvent se faire en 2 heures.
On en a parlé avec les Présidents de clubs il y a quelques semaines et la majorité a conscience que ce n’est pas possible de jouer 2 fois par semaine. Il faut donc trouver un équilibre entre l’envie légitime des joueurs et les moyens réels des clubs.
A terme, on peut envisager une évolution étape par étape de la D1 qui ira de pair avec la structuration des clubs et leur développement économique, comme on l’a fait avec la Magnus. Mais augmenter le nombre de matches sans s’appuyer sur des piliers solides, c’est trop risqué et ce n’est pas notre philosophie.
La structuration des clubs semble être un enjeu majeur pour la Fédération ?
C’est un point clé pour faire progresser notre sport. Augmenter le nombre de matches par exemple, ce n’est pas seulement un problème économique. Il faut une structure pour organiser les déplacements, un staff médical qui puisse suivre, un responsable matériel qui puisse aussi être disponible… Et si on lui demande d’être plus disponible, il faut le rémunérer. C’est d’ailleurs une des remarques des équipes qui montent en Magnus. Ce qui est le plus difficile à appréhender c’est ce qu’il faut mettre en place, autour de l’équipe, la logistique que requiert la Magnus. Et plus on demande d’investissement et de compétence à l’entourage de l’équipe, plus c’est compliqué de s’appuyer sur des bénévoles. Il faut donc des structures qui tendent vers la professionnalisation.
Revenons sur le championnat et la formule des play-offs qui est assez fortement critiquée depuis quelques saisons. Envisagez-vous de la faire évoluer ?
On a commencé à le faire mais on y va progressivement toujours avec le souci de ne pas bouleverser l’économie des clubs. On tend vers des séries en 3 de 5. C’est le cas des finales depuis 2 saisons et on va progressivement étendre cette formule aux ½ finales. On a eu un débat avec les clubs sur ce qui serait l’ordre des matches le plus équitable dans des séries en 3 de 5. Ça a été assez intéressant, parce que, là encore, il y a des problématiques de coût et de structure. Organiser des déplacements à la dernière minute quand on n’a pas un staff pour le faire, c’est compliqué et ça revient souvent à l’entraîneur ou à un bénévole.
Avec tout ce que nous venons d’évoquer, quel peut être l’avenir et le positionnement de la D1 au sein du hockey français ?
Notre idée directrice est de ne pas déconnecter la Magnus des autres championnats. Petit à petit, on veut garder une cohérence entre Magnus et D1, D1 et D2… Il faut faire progresser tout le monde au niveau structurel, économique…. On n’a pas la volonté de faire de la Magnus une ligue fermée. Il faut que le système de montées-descentes perdure. Le travail que l’on fait avec les clubs de Magnus, on va petit à petit le faire avec les clubs de D1.
A terme, la vision c’est d’avoir une Magnus qui est passée dans une dimension plus professionnelle et que la D1 prenne la place de ce qu’était la Magnus il y a quelques années, un mi-chemin entre professionnalisme et amateurisme. La D2, elle, devra tendre vers ce qu’est la D1.
On va donc vers une harmonisation des grandes règles dans l’ensemble des championnats ?
Absolument. Sportivement, on veut des règles cohérentes entre les championnats. Ce sera le cas l’année prochaine avec les 10 étrangers sans distinction d’origine, avec la limite des transferts qui sera le 15 décembre. Idem pour le système des points qui doit être le même quelle que soit la division. On passe en Magnus à des play-offs en 4 de 7, la D1 passe progressivement à des séries en 3 de 5. Dans le temps, tout cela doit s’harmoniser.
Mais il y aura bien sur des différences. On a ouvert un débat avec les clubs de D1 et de D2 sur les JFL. On considère qu’il faudra mettre en place un système pyramidal et les clubs adhérent majoritairement à ce principe. Si on a, en Magnus, un championnat qui devient professionnel, 10 JFL plus un gardien, on peut imaginer qu’il y ait plus de places offertes à des JFL dans les niveaux inférieurs qui sont par définition moins professionnels. On ne peut pas imaginer un système « en tube » ou tout fonctionne de la même façon de la Magnus à la D3. Donc avoir moins de joueurs étrangers dans les divisions inférieures où les budgets sont plus petits est une piste que nous explorons.