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Canadian Press |
René fasel |
Si, pour le Président de la Fédération Internationale de Hockey, le Suisse
René Fasel, il n'est pas pire critique que ses concitoyens (1), force est de reconnaître que son bilan à la tête de la FIHG n'a pas de quoi impressionner grand-monde actuellement. On pourra convenir que la critique est plus aisée que l'action sauf que, dans le cas de Monsieur Fasel, ce sont justement les inactions et manques de résultats qui caractérisent le mieux son mandat actuel.
Après des débuts intéressants à la tête de cette noble institution zurichoise en 1994 (hé oui, déjà 18 ans), l'essouflement, pour ne pas dire le recul, est de mise actuellement, avec plusieurs épées de Damoclès qui pourraient bien frapper leur cible en 2012. Faut-il maintenir un dirigeant à la tête d'une fédération internationale pendant plus de vingt ans ? Si l'on compare un instant avec les usages en vigueur dans le monde politique, la réponse est très clairement négative, mais ceci n'interdit pas l'intéressé de briguer un nouveau mandat en septembre 2012 avec, pour le moment, aucune opposition déclarée. Le hockey mondial serait-il une oligarchie? On peut le penser.
A l'heure des bilans, il est très clair que certaines conclusions s'imposent, mais revenons sur les principaux problèmes actuels. Lors de son arrivée, Monsieur Fasel avait été élu pour moderniser une Fédération internationale en quête d'une reconnaissance mondiale et d'une accession au statut de grande fédération sportive aux côtés des sports majeurs tels que le football et le basket-ball.
Près de vingt ans après, on peut considérer que la mission s'est vue assez bien remplie au départ, avec des premières années positives et plusieurs dynamiques, comme le relationnel avec la LNH, ou encore le dossier des Jeux Olympiques qui a vu le hockey confirmer sa belle exposition lors de ces compétitions. De même, l'entrée de nouvelles fédérations nationales et les aides apportées à ces dernières furent souvent significatives. Le problème cependant, c'est que, comme souvent dans de telles situations de pouvoir, les années passent et l'inaction domine. On peut aujourd'hui très clairement parler, dans le cas de Monsieur Fasel, d'une usure du pouvoir qu'il conviendra d'illustrer avec plusieurs exemples.
Posez cette question pour avoir du succès dans les dîners en ville:
"Quel sport collectif, présent aux Jeux Olympiques et pratiqué de manière très significative dans une majorité de pays européens, n'organise actuellement aucun championnat d'Europe des clubs champions ?" Passons sur la Coupe Continentale, l'auteur de l'article ne souhaitant en aucun cas diminuer le mérite ou dénigrer la superbe victoire rouennaise dans l'épreuve mais devant bien s'interroger sur sa formule ainsi que sur l'absence de toutes les ligues européennes les plus importantes... Malheureusement, la conclusion s'impose d'elle-même, la FIHG s'est montrée incapable, ces dernières années, d'organiser cet évènement, de trouver des sponsors pour cela et s'est même fourvoyée en 2010-2011 en décidant d'annuler l'épreuve au dernier moment. Première conséquence, le procès intenté par le
CP Berne, qui ne règle pas ainsi ses comptes avec la dentisterie fribourgeoise (2), mais qui entend simplement obtenir remboursement des dépenses consenties pour renforcer l'effectif à cette occasion. Pas difficile de comprendre le manque à gagner avec plusieurs affiches proposées à la Bern Arena devant ses 15.000 spectateurs habituels... Après sa victoire devant le
Tribunal Arbitral du Sport (TAS) en octobre 2011 (4), le club s'est vu confirmer qu'il peut parfaitement attaquer la FIHG devant la justice, ce que lui niait au départ une Fédération Internationale soucieuse de rester au-dessus des lois dans cette affaire, et ceci malgré les dénégations de Monsieur Fasel dans la presse suisse (photo 3). Notons que la FIHG a décidé de porter le cas devant le
Tribunal Fédéral Suisse, dernière tentative pour endiguer un probable flot de plaintes de la part d'autres participants à l'épreuve dont le cahier des charges prévoyait une dotation de 10 millions d'euros. Au final, si le Tribunal Fédéral considère que la FIHG est une structure juridique comme une autre, son incapacité à mettre sur pied cette épreuve et à honorer ses engagements pourrait bien la mettre en faillite tout simplement, ce que la presse suisse, toujours policée lorsqu'il s'agit d'évoquer le sujet, s'est bien gardée d'aborder de front.
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Canadian press |
Garry Bettman et René Fasel sont dans un bateau...qui tombe à l'eau? |
Au-delà de ce dossier-phare de la présidence Fasel actuelle, on trouvera de nombreux autres points qui soulignent l'inaction et le peu d'influence de la Fédération. Citons-les brièvement à ce stade.
- Un hockey féminin qui accumule de tels retards que
le Comité Olympique s'est ému de la question et a mis en demeure la FIHG de faire rapidement évoluer la situation sous peine de non participation aux JO. Qui connaît un autre sport avec un tel décalage entre les moyens, cadre sportif et même niveau entre les hommes et les femmes ? Oui, c'était un des points que la FIHG s'était engagée à développer il y a dix ans...
- Une harmonisation des règles du jeu avec l'Amérique du Nord, chantier qui n'a connu pratiquement aucune évolution. Pire, alors que la polémique fait rage en Ligue Nationale concernant la sécurité des joueurs avec, en particulier, les commotions cérébrales, la FIHG, qui travaille sur le sujet depuis dix ans, en est encore à la constitution d'une commission qui serait en charge du sujet. Alors que les critiques frappent très durement
Bettman en Amérique du Nord, la FIHG ne subit pas les mêmes foudres alors que sa responsabilité est aussi grande. A quand enfin des actes sur le sujet ?
- La présence des joueurs NHL aux JO reste suspendue aux décisions du syndicat des joueurs car, malgré plusieurs négociations entre la NHL et la FIHG, aucun accord n'est intervenu sur le sujet. Certes, Monsieur Fasel n'est pas le seul responsable de cette situation car Bettman n'est pas l'interlocuteur positif et de qualité nécessaire sur ce dossier, mais il serait trop facile de faire porter la responsabilité sur le seul dirigeant de la NHL.
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Swisshabs |
René Fasel se défend dans la presse suisse |
- Les relations avec la KHL sont actuellement mauvaises, sachant qu'il n'est normalement pas du rôle d'une Fédération Internationale de juger de la pertinence de voir telle ou telle ligue s'établir dans tel ou tel pays. En dénigrant (4) la possible expansion de la KHL vers la Suisse, Monsieur Fasel souligne du même coup son incapacité à faire bouger des ligues nationales désormais dépassées au profit d'une supertructure à l'échelle du Continent Européen. On pourra dire que ce n'est pas son rôle, entendu, mais en ce cas pourquoi s'opposer aux projets quand ils existent ? Avec les nouvelles franchises prévues à
Prague et Vienne, Monsieur Fasel va devoir revoir très sérieusement sa copie car le public risque de préférer à terme des oppositions de plus haut niveau. Par ailleurs, le CP Berne, pour ne parler que de lui, pourrait également aller vers une telle solution dès lors que la KHL est viable, ce qui est clairement le cas depuis sa création. Il est clair que la FIHG est totalement dépassée sur ce dossier actuellement. Nous ne sommes pas des défenseurs acharnés de la KHL et de certaines de ses outrances, mais force est de reconnaître que cette ligue fonctionne et moins mal que l'on ne veut bien le dire en Suisse et au Canada.
- Les règlements internes de la FIHG, particulièrement pour ce qui concerne les transferts et qualifications des joueurs pour les compétitions internationales, sont totalement à revoir, tant dans leurs applications que dans leurs logiques. Alors que certaines fédérations ont singulièrement musclé leur équipe nationale ces dernières années avec l'aide de naturalisations rapides et dossiers rapidement réglés si l'on considère les règlements normalement en vigueur, d'autres subissent les lourdeurs et l'archaïsme d'un système comme la France avec le cas
Robin Gusse qui ne résisterait pas à n'importe quel recours devant le TAS. Nous sommes au 21ème siècle, il serait temps que les règlement sportifs de la FIHG subissent une refonte sérieuse. Un projet qui figurait parmi les bonnes intentions de Monsieur Fasel il y a quelques années...un projet qui conduirait sans doute la Suisse, pays cher à Monsieur Fasel, à revoir certaines de ses spécificités dans le concert européen comme la non-application du traité
Bossman. Normal, me direz-vous, le pays n'est pas dans l'Europe, sauf qu'il sait parfaitement l'être pour conclure des accords bilatéraux en totale contradiction avec son règlement sportif.
On pourrait poursuivre cet inventaire avec d'autres exemples comme les droits de télévision, l'absence de toute politique sportive à destination de pays en voie de développement, ou encore les conditions de travail des médias qui couvrent les compétitions internationales. Malheureusement, la comparaison avec d'autres fédérations sportives internationales dans des disciplines comparables comme le hockey sur gazon ou encore le rugby ne plaident pas en faveur de la FIHG (voir article sur le prix des places en Suède) .
On peut, au final, considérer que Monsieur Fasel n'est pas le seul en cause car il travaille avec une équipe. C'est totalement vrai mais, en tant qu'autorité principale de la FIHG, il est évident que sa responsabilité personnelle est engagée. Son bilan actuel, et nous espérons avoir contribué à le souligner objectivement, ne plaide pas pour une élection future à la tête du
CIO qui semble figurer dans ses plans à terme après un nouveau mandat FIHG, mais bien, en tout cas, pour un changement à la tête de la FIHG qui devra coïncider avec une nouvelle dynamique indispensable en cette période-clef pour notre sport.
(1) Interview au journal suisse Le Matin que vous pouvez retrouver en cliquant ici
(2) Monsieur Fasel est Fribourgeois et dentiste de formation
(3) Voir (1)
(4) Article site web TSR à consulter en cliquant ici