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Hockey sur glace - Ligue Magnus |
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FORMATION : LE SOUCI DU HOCKEY FRANÇAIS |
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Depuis plus de quarante ans Tristan Alric a été l’acteur et le témoin privilégié de l’évolution du hockey sur glace en France. D’abord comme joueur puis comme arbitre. Ensuite, en devenant le journaliste spécialiste du hockey sur glace dans le quotidien sportif L’Equipe pendant plus de vingt ans. Auteur de nombreux livres et d’une récente encyclopédie qui font référence, Tristan Alric a marqué également l’histoire du hockey français en étant le créateur de la Coupe Magnus et des divers trophées individuels. Avec un tel parcours, il est donc bien placé pour avoir une analyse pertinente sur notre sport favori. Le site Hockey Hebdo est donc heureux de lui permettre de s’exprimer régulièrement dans cette rubrique. |
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Média Sports Loisirs, Hockey Hebdo |
Tristan Alric le 05/06/2020 à 11:30 |
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Tribune N°7
Parmi les problèmes qui préoccupent les dirigeants du hockey français, la formation des jeunes joueurs est l’un des plus importants. Personne ne peut nier que la relève est une chose essentielle. On sait que la FFHG tente désespérément de combler depuis des années la lacune concernant la formation des hockeyeurs français. On peut constater l’ampleur du problème puisque, faute d’une relève insuffisante, les clubs s’arrachent les joueurs formés localement (JFL) et sont souvent obligés de passer des accords entre eux pour pouvoir former des équipes complètes. Sans parler de ceux qui n’hésitent pas à piller impunément et sans aucun scrupules leurs voisins. Mis à part quelques centres de formation performants comme à Rouen, Amiens, Angers ou Grenoble ainsi que le HC74, ailleurs c’est un peu « la misère » comme diraient nos cousins canadiens.
Pourtant, dans nos patinoires, il existe différents responsables pour encadrer le hockey mineur. A la base, ce sont des bénévoles, parfois des parents ou encore des joueurs de l’équipe senior qui entraînent les écoles de hockey et s’occupent des U7 comme des U9. Dans l’idéal, ces entraîneurs « autoproclamés » ne devraient-ils pas être systématiquement supervisés par un professionnel ?
Ensuite, il y a des entraîneurs titulaires d’un certificat de qualification professionnelle (CQP) qui travaillent à temps partiel pour entraîner jusqu’aux U13. Là encore, dans l’idéal, ne devraient-ils pas être toujours chapeautés par un véritable professionnel ?
Enfin, il y a les entraîneurs possédant un diplôme d’état (DE) ou un diplôme d’état supérieur (DES). Ces derniers, qui ont une formation plus longue, peuvent devenir managers, formateurs ou entraîneurs du haut niveau. Une fois encore, je pose la question qui fâche : sont-ils placés dans les meilleures conditions pour former ?
Il faut savoir qu’en Suisse par exemple, Philippe Bozon avait quatre ou cinq adjoints à plein temps à ses côtés lorsqu’il entraînait à Genève. De plus, le budget du Servette consacre 1,4 million d’euros au hockey mineur ! Est-ce le cas en France ?
Si je pose chaque fois ces questions volontairement provocatrices, ce n’est pas pour critiquer notre système car il se bat comme il peut avec ses propres armes. Mais pour constater les carences dont sont victimes nos clubs qui manquent cruellement de moyens financiers. Du coup, le niveau de nos entraîneurs diplômés est souvent inférieur (mais pas toujours) à ceux de l’étranger car ce n’est pas le diplôme qui fait la compétence, mais l’expérience ! Dans les pays voisins, les entraîneurs suivent toute leur carrière une formation continue. Cette démarche a été amorcée en France, mais elle n’a pas encore donné de résultats probants. Et puis, pourquoi ne pas le dire, certains entraîneurs français, qui croient avoir la science infuse, pensent, avec un orgueil mal placé, qu’ils vont être dévalorisés si on leur demande de continuer à se perfectionner.
L’autre problème que pose la formation de nos jeunes hockeyeurs, ce sont les clubs basés dans des villes qui ne possèdent qu’une seule patinoire. Ils sont encore les plus nombreux. Avec une seule piste, ils doivent jouer des coudes pour partager les heures de glace avec les séances publiques, le patinage artistique, la danse, parfois la vitesse ou avec des comités d’entreprises. Consciente de ce problème, la FFHG tente, par l’intermédiaire de sa Commission Equipements, de convaincre les nouvelles patinoires de s’équiper si possible d’une deuxième piste mais qui soit fonctionnelle et non seulement un espace ludique.
Certaines mauvaises langues diront qu’au lieu de payer cher huit ou neuf renforts étrangers, les clubs qui sont capables de trouver de l’argent pour acheter des mercenaires feraient mieux de rémunérer avant tout des entraîneurs pour bien former leurs jeunes hockeyeurs. Nos petits espoirs n’abandonneraient pas précocement dès l’âge de 16 ans. Mais un dilemme se pose aux présidents qui doivent concilier à la fois la réussite de l’équipe sénior, qui est la « vitrine » du club, et la mise en place d’un encadrement performant pour les jeunes.
Il faut savoir progresser étape par étape. Or, la patience n’est pas la principale qualité de certains dirigeants qui veulent obtenir avant tout des résultats immédiats. En d’autres termes, ils font passer le bénéfice instantané avant un résultat à long terme qui réclame du temps. Ils laissent donc souvent un entraîneur qualifié livré à lui-même qui doit se débrouiller avec les moyens du bord. La raison de ce problème récurrent vient de ces présidents qui se disent : « Oh, et puis tant pis, après moi le déluge ! »
Pour essayer d’apporter une aide aux clubs, les ligues, en lien avec la Fédération et la DTN, ont bien créé des postes de Conseillers Techniques de Ligue (CTL) afin de faire passer le message. Mais leur nombre ne leur permet que de faire du saupoudrage avec des interventions ponctuelles dans les clubs. De son côté la FFHG a étoffé comme elle le pouvait son staff fédéral, mais elle doit avant tout assurer l’encadrement des diverses équipes nationales. La Fédération est obligée de tenir compte d’un contexte dont elle n’a pas la maîtrise totale, notamment pour maintenir un nombre de cadres techniques suffisant car ces derniers sont détachés par plusieurs ministères comme celui des sports, de l’éducation nationale ou encore de l’intérieur.
En d’autres termes, pour bénéficier d’une présence maximum de ces cadres indispensables qui sont, ne l’oublions pas, des fonctionnaires d’état, la FFHG doit donc « marcher sur des œufs » et tenter avec beaucoup de diplomatie de convaincre en permanence les représentants de l’état, car elle n’est pas l’employeur direct mais elle est chargée seulement de l’opérationnel. Là aussi il y a une importante nuance dont il faut tenir compte pour identifier la cause réelle. Vouloir bien faire est une chose, mais pouvoir en est une autre !
Les quelques réussites remarquables du hockey tricolore, comme nos sept joueurs français ayant évolué au total dans la NHL et certains autres qui ont réussi à faire carrière à l’étranger, prouvent que nos hockeyeurs sont capables d’être aussi talentueux que dans les autres pays pour peu qu’ils soient placés dans les meilleures conditions de formation. Mais, ces succès, c’est malheureusement l’arbre qui cache la forêt ! Car à l’heure actuelle le hockey sur glace français n’a pas des structures d’enseignement assez efficaces pour reproduire ces cas particuliers à une grande échelle.
Trop de clubs, par manque d’argent, ou par l’unique désir du résultat à court terme, se retrouvent dans l’obligation de cacher ce problème comme la poussière qu’on met sous le tapis. Et lorsqu’un club joue véritablement le jeu de la formation, il n’est pas toujours récompensé de ses efforts et devient le « fournisseur » de ses concurrents. En attendant une amélioration du système, la justice voudrait que le club vraiment formateur soit mieux protégé et bénéficie d’un dédommagement lorsque ses meilleurs éléments cèdent aux offres des clubs les plus fortunés.
Avant il y avait les transferts payants, mais ils ont disparu. Restent encore les indemnités de formation qui varient de 3000 à 15 000 euros selon le nombre d’années de prise en charge dans les centres de formation. Mais, pour utiliser une métaphore, au lieu de créer quelques rares « centrales d’achat », le hockey français ferait mieux, de garantir une meilleure formation de ses jeunes en multipliant dans la totalité de ses clubs des petits « commerces de proximité » où le produit serait local et susciterait une plus grande fidélité.
De toute évidence, la formation est le gros soucis constant dans le hockey sur glace français. Mais qu’on se rassure, le problème se pose également avec autant d’acuité à l’étranger. Toutefois, la différence notoire, c’est que les grandes nations de hockey n’ont pas mis la charrette avant les bœufs ! Elles ont commencé par construire d’abord une base solide en privilégiant en priorité la formation des jeunes et on voit les résultats au niveau international.
Je rappelle qu’en 1992, l’équipe de France junior U20 occupait la 12e place au classement mondial. Aujourd’hui, presque trente ans après, nos jeunes Tricolores ont rétrogradé en 16e position et ont été dépassés par des pays théoriquement moins forts comme l’Autriche (11e), la Pologne (12e) ou le Danemark (13e). Quant à l’équipe de France junior U18, elle occupait la 8e place mondiale en 1991 et nos jeunes actuels ont rétrogradé aujourd’hui à la 15e place mondiale. Depuis toutes ces années, notre formation a-t-elle porté ses fruits si on excepte l’éclosion spontanée de quelques surdoués ? Ces classements en courbes déclinantes parlent d’eux-mêmes…
Mais, on ne doit surtout pas en faire uniquement le reproche aux 27 entraîneurs nationaux qui se sont succédés depuis nos débuts internationaux chez les juniors U20. Ni aux 31 coaches qui ont dirigé jusqu’ici nos juniors U18. Car ceux-ci ont servi souvent injustement de « fusibles » en leur faisant porter le chapeau. S’il y a une stagnation de nos jeunes hockeyeurs au niveau international, la plus grande responsabilité incombe d’abord et avant tout aux clubs. A ceux qui n’ont pas voulu, ou à ceux qui n’ont pas pu, utiliser un cadre performant pour faire progresser leurs joueurs au fil des années. Faute de pouvoir se doter d’un système de formation plus compétitif et surtout généralisé dans toutes les patinoires, notre sport, privé de tri sélectif, en est réduit à espérer chaque années faire des miracles.
Pour avoir une chance de rendre l’enseignement de base de nos hockeyeurs plus efficace, il faudrait déjà que les clubs français réservent en priorité leurs meilleurs entraîneurs pour former les jeunes car ce sont souvent les joueurs qui bénéficient de cet encadrement privilégié qui réussissent le mieux pendant leurs carrières. Cela tombe sous le sens, mais encore faut-il vouloir (et pouvoir) mettre cet encadrement performant en place. Par ailleurs, si on observe les différents parcours que nos équipes de France juniors U20 et U18 ont effectué ces dernières années sur la scène internationale, ce ne sont pas en fait les Tricolores qui régressent, mais plutôt les autres nations qui progressent plus que nos jeunes représentants. La nuance est importante ! En restant dans un fonctionnement de formation minimaliste qui stagne, et en absence d’une véritable prise de conscience de l’ensemble de nos clubs, la situation actuelle risque de perdurer encore longtemps.
Déjà, il faudrait penser à désacraliser les titres nationaux des U20 et U18. Car les clubs français sont victimes d’un effet pervers en sacrifiant souvent la formation au long cours. En effet, nos coaches savent qu’ils jouent en permanence, leurs CV, leurs salaires et leurs primes s’ils n’obtiennent pas rapidement de bons résultats. Cette situation les pousse à privilégier le gain à court terme plutôt que de faire un réel travail de fond. A leur décharge, c’est le système actuel qui leur impose ce comportement pervers qui pousse à la facilité et au « gagne-petit ». Dans des pays réputés pour leurs bons systèmes de formation, comme la Finlande, la Suède ou la République tchèque, les coaches étrangers ont moins cette épée de Damoclès qui les menace au-dessus de leurs têtes et sont plus sécurisés. Du coup, ils sont plus investis et motivés pour servir avant tout les intérêts supérieurs de leurs pays.
Concernant la relève de la Ligue Magnus, la FFHG ne maîtrise pas également tous les paramètres qui devrait mieux motiver nos jeunes espoirs. Elle n’a pas les moyens d’imposer une formation plus efficace aux clubs car elle ne finance pas cette compétition. Sans vouloir la dédouaner de toutes ses responsabilités, le rôle de la fédération se cantonne à fédérer. Elle organise et impose juste un cadre pour les joueurs formés localement (JFL) qui est accepté, parfois aux forceps, car tout le financement de ce championnat est à la charge des clubs. Ce sont ces derniers qui ont finalement le dernier mot au moment de faire des choix. Difficile dans ces conditions d’obliger tous les clubs à entrer dans un cycle de formation plus vertueux et d’inverser durablement la tendance.
Enfin, il faut prendre en compte un autre paramètre à savoir que la France est un pays avec une grande étendue géographique. C’est un détail qui peut paraître anodin mais il a son importance. En effet, contrairement à nos voisins européens où les distances sont plus courtes, les déplacements de nos équipes représentent une grosse contrainte car les clubs doivent souvent effectuer beaucoup de kilomètres pour trouver des équipes juniors de bon niveau. Or, un bon développement de nos jeunes hockeyeurs nécessite de disputer régulièrement des matches intenses et serrés. Il faudrait donc trouver un système plus harmonieux qui puisse réduire le nombre de kilomètres et augmenter l’intensité des oppositions. La solution passe déjà par une multiplication et un étalement dans toutes les régions des centres de formations performants qui sont encore trop peu nombreux. Tant qu’il n’y aura pas une répartition et un cadrillage plus importants, cette lacune ne sera pas comblée.
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Réactions sur l'article |
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Gondra a écrit | le 08/06/2020 à 12:14 |
En complément, le club voisin de Rouen, c'est Caen. Eh bien à part Raphaël Faure et ça commence à remonter, y a pas de mouvement de Caen vers Rouen. On est loin d'un pillage. |
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Gondra a écrit | le 08/06/2020 à 10:06 |
@Corneaffûtée, on peut savoir de quel pillage de clubs voisins il s'agit ?
c'est un peu une légende urbaine ce truc de "pillage impuni et sans scrupules", je t'invite à regarder les faits.
Pour ce qui est de Rouen, il y a le plus souvent quelques jeunes de la région parisienne et certains des Alpes (Villard et ... Grenoble), et ce n'est pas en masse.
Amiens je pense que c'est encore moins de joueurs "importés".
Qui plus est, si ces quelques jeunes partent, est-ce la faute des clubs bien structurés, qui proposent un cursus de formation cohérent, tout en ne négligeant pas les études ?
C'est peut-être aussi aux clubs de départ de se structurer suffisamment et d'avoir une organisation dans laquelle les jeunes prometteurs puissent développer leur potentiel.
Bref on est loin de "pillages sans scrupules" |
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celtil a écrit | le 06/06/2020 à 11:39 |
Bel article qui renvoie en écho à ce que j'avais écrit à la fin de sa Chronique n°5 (sur les Renforts étrangers). Je ne reviendrai donc pas sur ce que j'avais dit, ce serait un copié-collé. Bien sûr qu'il faut encourager les clubs à plus de patience et commençait à essayer de former ses propres forces pour alimenter son équipe première. Donc OUI il faudra penser à dédommager un peu plus les clubs qui font des efforts de formation et voient ses jeunes partir comme une volée de moineaux ailleurs (5-6 départs pour Clermont); OUI il faudrait convaincre les villes de la possibilité de faire une seconde piste, même très simple pour en faire un outil de travail pour les clubs de sports de glace sans que cela leur paraisse une hérésie financière (et d'un autre coté penser que c'est super valorisant de construire une nième piscine, stade ou gymnase sur son territoire). Et OUI effectivement dans un pays ou les études primes tout avec un corps enseignant pas toujours bien souple pour s'adapter à la formation sportive, peut-être voir comment réorganiser les champoionnats -chose certainement pas facile à faire- car je suis parfois effaré par les week-ends surchargés de ces jeunes qui doivent se partager entre les équipes juniors et séniors.(même si les voyages forment la jeunesse!). Pour conclure j'ai tjrs été frappé comme dans certains pays les équipes de juniors, espoirs (l'exemple le plus frappant avec les équipes universitaires en Amérique du Nord)sont mis en valeur, même par les médias, alors qu'en France cela semble assez secondaire surtout pour ces mêmes médias. |
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Cornaffutée a écrit | le 06/06/2020 à 11:24 |
"Sans parler de ceux qui n’hésitent pas à piller impunément et sans aucun scrupules leurs voisins"
Genre au hasard les (seulement) 4 ou 5 centres de "formations" comme Rouen ou Amiens qui concentrent tous les meilleurs joueurs ? Le problème est déjà là... |
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vince18 a écrit | le 05/06/2020 à 21:26 |
En ce qui concerne les U20 ou U18 ? QUE LES ENTRAÎNEURS ARRÊTENT DE SÉLECTIONNER LE FILS DE… LE FRÈRE DE… LE COPAIN DE... |
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