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crédit Xavier Lainé / FFHG |
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Un peu d’histoire…
Si on peut avoir l’impression que la CNSCG est un acteur récent du monde du hockey en France, sa création remonte à plusieurs années. En 2000, le hockey français n’a pas encore pris son indépendance et est toujours placé sous l’égide de la Fédération Française des Sports de Glace. Eric Ropert en est alors Vice-Président (il claquera la porte de la FFSG quelques mois plus tard) et crée la commission de contrôle de gestion dont il assure la présidence. Bernard Bourandy est alors membre de cette commission, il en deviendra le Président lorsque Luc Tardif arrivera à la tête du hockey français. C’est à ce moment que la CNSCG entre réellement dans le paysage du hockey français.
Un hockey français qui vit alors une situation bien compliquée. A la fin des années 1990, la Ligue Elite compte 7 clubs, dont 6 sont en quasi cessation de paiement, le 7ème, Rouen, sortant lui tout juste d’une situation similaire. Le besoin de mettre en place des règles de gestion financière et l’organe chargé de les contrôler s’impose alors aux dirigeants du hockey français. Dans la difficile cohabitation du hockey au sein de la FFSG, la CNSCG tarde à prendre sa place et son action ne démarre vraiment qu’à partir de 2004. L’objectif est d’avoir un organe indépendant chargé de contrôler la viabilité financière des clubs et d’éviter les dépôts de bilan. Dès sa création, elle met en place un encadrement des masses salariales des clubs, rapidement assorti de « déplafonnement » pour l’utilisation de jeunes joueurs français.
La CNSCG aujourd’hui
Si, à ses débuts, la CNSCG présidée par Bernard Bourandy est composée de 5 membres à dominante sportive, elle s’est aujourd’hui étoffée et professionnalisée. Tous les membres de la CNSCG sont issus du monde de la finance et de la comptabilité. « L
’idée est que cette commission agisse de manière uniquement technique et sans affect » précise Eric Ropert.
Aujourd’hui composée de 10 membres, elle est présidée par Maurice Barnéoud, un Commissaire aux Comptes. Tous sont bien évidemment bénévoles et leur mission se décompose en 3 phases.
Les missions de la CNSCG
La commission contrôle les clubs de Magnus, D1 et D2 (la FFHG considère que compte tenu des budgets des équipes de D3, il serait contre-productif de les soumettre à la Commission, puisque cela créerait des contraintes, et donc des coûts, pour les clubs concernés.)
Les clubs doivent remettre leurs comptes à la CNSCG le 15 ou le 30 juin (date plus lointaine pour les clubs ayant un commissaire aux comptes.) Les membres de la CNSCG travaillent alors en binôme pour étudier les documents remis par les clubs. Ils peuvent être amenés à convoquer les dirigeants des clubs si la situation financière l’impose.
Pour les clubs ayant été placés sous contrat d’objectif financier, la CNSCG assure un contrôle tout au long de la saison sur le même principe d’un binôme affecté à un club qui est chargé de faire un rapport aux autres membres, les décisions se prenant de manière collective.
La CNSCG a également pour rôle de proposer à la FFHG les évolutions des règlements liés à son domaine de compétence.
Quels sont les documents remis à la CNSCG ?
On l’a vu, les clubs doivent remettre en juin leurs comptes à la Commission. Sans entrer dans des détails trop techniques, il est intéressant de comprendre la nature des documents demandés aux clubs.
Les clubs ont l’obligation de clore leur exercice comptable le 30 avril (les choses sont un peu différentes pour les clubs omnisports, mixant des sections artistiques et hockey, à l’image de Chamonix ou des Français Volants, mais ils doivent rendre des comptes pour leur section hockey au 30 avril.) Un exercice correspond alors à une saison. Les clubs vont donc envoyer dans quelques jours à la CNSCG leurs comptes pour la saison 2013-2014. Ces comptes se composent classiquement du bilan (situation des actifs et des dettes) et du compte de résultat (charges et produits). Ils doivent également fournir une analyse de certains postes (masse salariale, recettes…) ainsi qu’un budget prévisionnel pour la saison à venir.
Quelles décisions peut prendre la CNSCG ?
L’analyse de la CNSCG est purement financière : le club peut-il faire face à ses obligations ? En connaissant la situation passée (à travers les comptes certifiés qui donnent une image de la situation à la date du 30 avril), la Commission juge de la crédibilité des budgets prévisionnels qui lui sont présentés. L’objectif est de s’assurer de la pérennité des clubs et d’essayer de maintenir une équité sportive qui a pu faire défaut par le passé (cf. les déboires passés de certains champions de France contraints de mettre la clé sous la porte après un titre acquis avec des budgets déséquilibrés.)
La Commission rend ensuite un avis sur la validation d’un club dans une division dans laquelle il a été sportivement admis. L’avis, motivé, peut, par exemple, être le suivant : « le club X a un déficit à l’issue de la saison passée, son budget prévisionnel ne nous semble pas crédible, les éléments et explications que nous ont fourni ses dirigeants ne sont pas de nature à assurer que le club pourra faire face à ses obligations la saison prochaine, le club n’est donc pas validé financièrement dans sa division. » Avant d’en arriver à une telle décision, la plus lourde qu’elle puisse prendre, la CNSCG prend le temps d’échanger avec les dirigeants des clubs concernés et de les rencontrer.
La CNSCG dispose également d’une gamme de sanctions moins fortes : validation sous condition (de fournir certains documents avant une date donnée par exemple), mise sous contrat d’objectif (résorption d’un déficit ou diminution de la masse salariale par exemple), retrait de points ou amendes.
La CNSCG peut également demander à ce que la Commission Disciplinaire (un autre organe de la FFHG) prenne des sanctions à l’encontre d’un dirigeant pour non respect des règles financières (ce fut notamment le cas de l’ancien président de Grenoble.)
Il est important de souligner ici que le respect du futur cahier des charges de la Ligue Magnus (
voir à ce sujet l’article de Laurent Labrot) n’entre pas dans les prérogatives de la CNSCG. Indirectement, la Commission vérifiera que les conséquences financières de ce cahier des charges ont bien été prises en compte dans les comptes prévisionnels.
Le club bénéficie d’un droit d’appel auprès de la commission d’appel à qui il peut, éventuellement, fournir de nouveaux éléments. Cette commission d’appel reçoit le club concerné avec le rapport de la CNSCG et laisse le club lui présenter les motifs de son appel et/ou les nouveaux éléments de nature à répondre aux inquiétudes de la CNSCG. La commission d’appel a toute liberté de confirmer ou d’infirmer la décision de la CNSCG. Ce fut par exemple le cas d’Epinal la saison dernière. D’abord invalidé par la CNSCG suite à des contrats d’objectifs non respectés, le club a pu apporter à la commission d’appel les éléments nécessaires pour être finalement validé en Magnus, sous conditions et notamment avec signature d’un contrat d’objectif avec la Commission d’appel.
Si la commission d’appel confirme la décision de la CNSCG, le club peut entamer un recours en conciliation devant le CNOSF, dernière juridiction sportive avant la saisie des tribunaux administratifs. De la même manière, le Président de la FFHG peut saisir le CNOSF s’il n’est pas d’accord avec la décision de la Commission d’appel. Chacune des parties expose alors ses arguments et le conciliateur du CNOSF fait une proposition, basée sur le respect du droit et des règlements de la FFHG, pour régler le différent. Le CNOSF étant un organe sportif, il ajoute une « sensibilité » sportive à sa recommandation (par exemple, « la FFHG a respecté ses règlements et sa décision est fondée mais, si on prend en compte l’esprit, ne pourriez-vous pas vous mettre d’accord en réglant le problème de la façon suivante »). Si une des parties refuse cette conciliation, elle peut alors saisir les tribunaux administratifs.
Un calendrier qui pose question
Le passage devant la CNSCG peut sembler tardif et la procédure bien longue si elle se poursuit en commission d’appel ou même au-delà. Les équipes ont besoin de savoir dans quelles divisions elles vont évoluer avant de faire leur recrutement, et les supporters pourraient avoir du mal à accepter d’avoir payé un abonnement pour une équipe de Magnus au mois de mai et d’apprendre que leur équipe n’est finalement pas validée dans cette division 1 mois plus tard.
Il faut bien ici comprendre le travail que nécessite la préparation des documents financiers par les clubs et leur certification par un Commissaire aux Comptes. A titre de comparaison, une société commerciale dispose de délais bien supérieurs pour boucler ses comptes : ils doivent être approuvés par l’Assemblée Générale des actionnaires dans les 6 mois qui suivent la clôture de l’exercice (on arriverait donc au plus tard au 30 octobre pour une société clôturant son exercice le 30 avril comme nos clubs de hockey) puis déposés au greffe du tribunal dans les 30 jours qui suivent leur approbation. Il semble donc difficile de compresser les délais de remise des comptes par les clubs.
Une fois les documents remis, il faut laisser un temps raisonnable aux membres de la Commission pour les étudier et échanger si besoin avec les clubs concernés. Si les validations sans condition peuvent être rendues rapidement (courant juillet), on peut comprendre que les cas les plus complexes prennent un peu plus de temps avant d’aboutir à une décision qui peut alors intervenir en août, à quelques jours de la reprise de l’entraînement.
Quand on prend conscience de cette chaîne de contraintes, les clubs ont besoin de temps pour clôturer leurs comptes, la CNSCG a besoin de temps pour les étudier, on voit mal comment ce calendrier pourrait être optimisé.
Une équité sportive parfois difficile à maintenir
On l’a vu, un des objectifs de la CNSCG est de garantir, à travers ses décisions, une équité sportive. Si son travail a indéniablement porté ses fruits puisque les dépôts de bilan sont, fort heureusement, devenus une rareté, la longueur du processus de décision peut parfois conduire à des situations plus complexes. On le voit cette saison avec l’incertitude entourant l’avenir du club de Villard-de-Lans et ses conséquences. En cas de non engagement du club en Magnus, ce qui semble se préciser, c’est Brest qui se verrait proposer la place. Le club breton est forcément dans une position difficile au moment de préparer son budget ou de boucler son recrutement sans savoir dans quelle division il évoluera. Et en cas de validation en Magnus, quels seront les joueurs encore disponibles pour le rejoindre ?
Nous avons évoqué le cas de Villard avec Eric Ropert (interview réalisée juste avant le début des mondiaux, la situation a pu évoluer depuis) : « L
e cas de Villard est compliqué, même si cela peut paraître simple vu de l’extérieur. Villard n’est pas un club qui a des problèmes financiers ou des dettes. C’est un club qui annonce, verbalement, que son Président, qui est un grand Monsieur du hockey français et qui finance le club, se retire. Donc le club annonce qu’il n’aura plus les moyens de jouer en Magnus. Cette annonce n’est pas faite directement à la FFHG mais via le site du club ou différents médias. Sportivement, c’est le club de Brest qui a la priorité pour être repêché en Magnus. La réalité, pour respecter nos règlements et une équité sportive, c’est que la seule entité qui puisse se prononcer sur la base de la situation financière passée ou à venir du club, c’est la CNSCG. Et elle n’a pas été informée par Villard. Il faut bien comprendre que ce n’est pas une volonté de fermer les yeux sur une information qui circule ou d’être « tatillons » de notre part. Si les règlements ne sont pas respectés, tout club peut faire appel d’une décision. Et il faut comprendre aussi qu’un club, Villard ou un autre, ne peut choisir la division dans laquelle il va s’aligner. Sinon ça peut vite être un grand bazar. Il y a un organe de régulation, qui fonctionne avec son timing, et il faut le respecter. On a conscience des conséquences pour Brest et on essaie d’anticiper, avec l’aide du club de Villard à qui on a demandé de nous fournir de façon anticipée ses états financiers. De l’extérieur, je comprends que ça puisse paraître simple : Villard ne veut pas jouer en Magnus, donc Brest est repêché. Mais toute décision doit être prise en respect de nos règlements et il faut d’abord que Villard nous fasse officiellement part de sa décision.
A l’époque de la FFSG, j’ai vécu en tant que joueur des décisions prises « sur un coin de table » et sans respect d’aucune règle par les dirigeants de la Fédération. Ces « arrangements » sont la porte ouverte à n’importe quoi. Il a donc fallu mettre des règles en place et il faut s’attacher à les respecter. »
D’une manière générale, les clubs semblent comprendre et accepter le rôle et les décisions de la Commission, même si la partie était loin d’être gagnée en 2000. Eric Ropert «
quand il a fallu annoncer aux 7 clubs de la Ligue Elite qu’on allait les contrôler, seuls deux ont applaudi cette démarche (les Présidents de Rouen et Amiens), les autres ne voulaient pas en entendre parler. Et ça a longtemps été la « guerre » avec les clubs qui traînaient des pieds en ne respectant pas les délais ou en remettant des documents incomplets. Les relations sont beaucoup plus saines aujourd’hui car tout le monde a compris l’intérêt d’une telle démarche. »
Les amendes, une sanction adaptée ?
Sanctionner d’une amende un club en difficulté financière peut être assimilé à tirer sur l’ambulance. Et dans le cas des clubs de hockey, contrairement à ce qui peut se passer dans le football avec le PSG qui ne semble pas affecté par une amende de 20 millions d’euros, l’ambulance n’est pas équipée de vitres pare-balles…
Pour Eric Ropert, les choses sont assez simples : « A
partir du moment où l’on met en place un règlement qui va dans l’intérêt général du hockey et des clubs qui l'ont accepté, malheureusement il y a toujours quelqu’un qui ne le respecte pas. C’est vrai financièrement mais aussi sur d’autres domaines. Imaginons un club qui connaît les règles, signe des contrats d’objectifs avec la CNSCG dont, sciemment, il ne respecte pas les règles. Et se maintient donc dans une division au mépris de l’équité sportive et en pénalisant des clubs qui évoluent au niveau inférieur en respectant les règles. Comment sanctionner ces agissements ?
Sportivement, on peut reléguer le club, ce qui est une arme de dissuasion mais doit rester un cas extrême. On l’a vu avec Mulhouse et Tours il y a quelques années, c’est une décision très difficile à prendre, même si elle est justifiée. On peut envisager des sanctions sportives moindres (retrait de points), des sanctions contre le dirigeant. Mais aussi une sanction financière.
Certes, on n’aide pas le club à se redresser en prenant ce type de décision. Prenons le cas de Grenoble il y a quelques années. Nous nous apercevons en octobre que le club a caché du déficit dans une filiale alors qu’il a été validé en juillet par la CNSCG qui n’avait pas connaissance de l’existence de cette filiale. L’intérêt de tous est que Grenoble continue d’évoluer en Magnus mais, dans le même temps, il a gagné son titre de manière totalement inéquitable. Une sanction financière, c’est une façon de l’obliger à réduire ses autres dépenses pour payer cette amende. Et le seul levier sur lequel il peut jouer c’est de réduire sa masse salariale. On contribue donc, via une amende, à remettre de l’équité entre les clubs. »
Quant à l’extrapolation, ancrée chez certains supporters, qui veut que ces amendes servent à financer la FFHG, il faut mettre les choses en perspective, celles émises par la CNSCG représentent moins de 1% du budget de la Fédération…