Habitués aux premières places dans une élite française assez hétérogène, la claque était assez difficile à encaisser d’autant qu’elle traduisait un jeu offensif peu efficace en série finale et des performances en retrait de la part de certains joueurs cadres. Aujourd’hui, avec un même entraîneur désormais plus au fait du hockey français, que doit-on attendre de la nouvelle cuvée des brûleurs ?
On remarquera tout d’abord plusieurs évolutions importantes qui rompent avec les principales caractéristiques de Grenoble ces dernières saisons. Lors du titre il y a deux ans, Grenoble était une équipe avec une forte ossature française, composée en quasi totalité de joueurs expérimentés, et présentant dans l’absolu un profil plus défensif qu’offensif. Aujourd’hui, un examen rapide de l’effectif isérois laisse transparaître une baisse significative du recrutement français, l’apparition dans l’effectif de quelques jeunes joueurs débutants à ce niveau. En revanche, après avoir mesuré le fonctionnement de la Magnus ainsi que les forces en présence, coach Lusth semble décidé à donner à sa formation une logique plus défensive encore, renouant même visiblement avec certaines options prises par son prédécesseur. Il est difficile d’apprécier l’impact de tels changements qui expliquent le recrutement effectué, mais on y verra la volonté de construire un groupe plus homogène et qui ne soit pas victime de tensions internes comme ce fut le cas la saison dernière. Ceci dit, après avoir examiné la stratégie suivie, et gardé à l’esprit les échanges avec coach Lusth dont on peut penser ce que l’on veut mais qui lui accepte de dialoguer tactique avec la presse, force est de reconnaître que le puzzle forme un tout assez cohérent, sans prétendre qu’il dissipe toutes les interrogations.
Gardiens : assurance tout Ferhisque
La resignature d’Eddy Ferhi a constitué une excellente opération pour Grenoble qui va pouvoir poursuivre sa collaboration avec le meilleur gardien français en activité dans l’hexagone, lequel sort d’une saison pleine que l’on verra tout de même comme un tantinet moins bonne que la précédente. C’est davantage la faute à une défense plus perméable et à un collectif moins prompt sans doute à faire certains sacrifices qu’à une baisse de qualité individuelle, Ferhi étant également susceptible de jouer un rôle très positif dans le vestiaire.
Le second gardien, qui ne figure pas nominalement parmi l’effectif proposé sur le site de Grenoble proviendra des rangs juniors, un choix judicieux quand on considère d’une part le temps de jeu modeste qui devrait lui revenir, mais également la présence de deux jeunes que sont Normandon et Raibon. Après, difficile de préciser d’entrée l’identité du second titulaire qui pourrait varier tout au long de la saison, avec un Normandon dont le nom semble revenir un peu plus souvent dans la bouche des dirigeants grenoblois, et un Raibon qui a joué davantage que le premier lors des finales espoirs et l’a ainsi remplacé assez avantageusement lors de la première rencontre face à Villard de Lans.
En tous les cas, sauf indisponibilité prolongée de Ferhi, on cherchera ailleurs les faiblesses de Grenoble.
Défense : solidité et danger offensif
La défense qui était traditionnellement le point fort de Grenoble avait connu la saison dernière un sérieux coup de moins bien. Même s’il faut bien reconnaître que l’aide défensive proposée par les attaquants semblait plus en cause que l’abattage même des arrières, on attendait clairement à l’inter saison quelques retouches significatives.
Avec la retraite de Bonnard, auteur d’une dernière saison honorable malgré une blessure, les départ de Woods et Scott amènent quelques remarques. Si Woods n’est jamais vraiment parvenu à s’imposer, Scott en revanche pouvait être crédité d’une bonne année et son départ présenté comme décidé par le club et en rapport avec l’arrivée de Bergström suggère un choix qu’il conviendra de justifier sur la glace.
Au rayon des français, Grenoble pourra toujours compter sur ses trois défenseurs internationaux que sont Amar, Trabichet et Manavian. Pour le premier, capitaine l’année dernière, on parlera de joueur d’expérience dont la constance des performances est un plus incontestable, et dont l’apport offensif est loin d’être négligeable. Avec Trabichet, prototype de l’arrière moderne auquel il ne manque que des centimètres et des kilos pour signer un bail de longue durée avec un club d’une ligue plus prestigieuse que la Magnus, il s’agira de contredire justement ceux qui considèrent qu’un arrière en élite doit au moins peser son quintal et baisser les yeux pour regarder les gens dans la rue. Enfin, Manavian lui ne manque ni de kilos ni de centimètres, et doit confirmer les progrès entrevus la saison dernière. Au menu, la relance et la vision du jeu qui restent à améliorer ainsi que plus de discernement pour éviter les fautes inutiles.
Dernier arrière étranger à rester à Grenoble, Wallin possède plusieurs qualités significatives qui ne sont ni la vitesse, ni la qualité de certaines relances, et pas franchement la férocité défensive dans l’enclave. Cependant, le suédois frappe fort à la bleue, ne va pas en prison pour rien, et dispose d’un mental et d’une intelligence certaine qui en font un coéquipier modèle. Ajoutez les centimètres et les kilos, et vous avez un joueur cadre très convainquant.
Premier renfort en provenance de Briançon, le canadien Alexandre Gaudreau-Rouleau figure parmi les meilleurs réalisateurs défensifs de Magnus avec 15 palets mis au fond la saison dernière. Bon joueur d’ECHL, Rouleau est très bon en équipe spéciale, et possède cette hargne qui fait parfois la différence. Grenoble pouvait-il à son échelle trouver mieux en Magnus ou ailleurs ? Franchement vu le budget disponible, on ne voit pas vraiment ou et on peut considérer que les isérois ont fait une excellente affaire.
Second renfort, Calle Bergström provient de Val Pusteria en Italie, après une carrière qui compte plusieurs saison à Mora en suède, club cher à l’actuel entraîneur de Grenoble. Que vaut Bergström ? Le moins que l’on puisse dire, c’est que le sujet a conduit certains forums en ligne à des critiques en règle du recrutement grenoblois, laissant entendre que le suédois était clairement un joueur de seconde zone, lourd, lent. Est-ce fondé ? Hockey Hebdo a demandé à ses petits copains milanais qui connaissent le hockey et ont vu jouer le client ce qu’ils en pensent. Voici leur réponse qu’il ne nous appartient pas de commenter. « Calle est un joueur intelligent et assez tactique, dont la qualité première est la frappe qui est lourde et d’une extrême violence. C’est un bon passeur, relance bien et peut être redoutable dans ses mises en échec d’autant qu’il décode assez rapidement le jeu adverse et va mettre une très forte pression sur le porteur du palet. En Magnus, avec un niveau un peu supérieur à l’Italie, il lui faut une équipe qui ne lui demande pas des passages trop longs sur la glace, sachant qu’il est plus à l’aise avec un rythme contrôlé qu’avec un concours de vitesse. Par contre, au premier jeu de puissance, il rentre et pour peu qu’il ne soit pas le seul danger offensif, il devient un vrai danger sur décalage. Vous aviez Lindstrom qui frappait bien également, Calle est beaucoup plus physique et frappe encore plus fort, il est assez précis en plus pour une puissance pareille. »
On peut voir la défense grenobloise comme plus performante que la saison dernière, et avec un apport offensif susceptible d’être plus important. Extrêmement physique, elle sera clairement un plus dans l’attaque du palet et le jeu dans les bandes, mais pourrait souffrir davantage en contre et jeu très ouvert avec des joueurs rapides et de débordement.
Attaque : nouveau système?
Disons le clairement, l’attaque grenobloise n’a pas répondu à toutes les attentes l’année dernière dans la série face à Briançon, et si l’on excepte Masa qui termine tout de même à 25 buts, on cherchera en vain des compteurs d’impact. La logique défendue en fin de saison par le staff était donc de trouver un gros butteur, mission remplie peut être avec Krayzel mais cela demande confirmation.
Si un simple examen statistique des buts marqués la saison dernière n’est pas en faveur de l’effectif grenoblois, le principe du hockey sur glace est tout de même de terminer les rencontres avec au moins une réalisation de plus que l’adversaire, ce qu’il est beaucoup plus facile de faire lorsque la défense est à la hauteur.
On est donc bien et le recrutement le confirme dans la mise en place d’un système défensif dominant, les clefs de la maison étant confiées à un collectif rigoureux qui exploitera au maximum les jeux de puissances. Toute la question est de savoir si les ajustements prévus accoucheront de solutions moyennes, médiocres, ou si le recrutement opéré en particulier proposera une solidité accrue et même pourquoi pas un collectif sans forcément un butteur type, mais avec de multiples menaces offensives. Notons les départ de Perez qui n'aura hélas jamais eu vraiment sa chance avec une saison pourrie par les blessures, et de Valcak dont la discipline et l'aide défensive était hélas inversement proportionnelle à son activité offensive.
Côté français, on ne peut pas dire que Grenoble dispose de beaucoup de joueurs avec seulement Fleury et Tartari, le jeune Baylacq paraissant promis à un temps de jeu nettement moindre.
Christophe Tartari devra confirmer cette saison les progrès entrevus la saison dernière, et prouver qu’il peut être un international dans la durée avec une efficacité offensive au delà des dix buts annuels. Avec un coach qui croit en lui, c’est possible, d’autant que Grenoble manque un peu d’éléments rapides et susceptibles d’accélérer les affaires.
Damien Fleury présente à peu près le même profil statistique que Tartari, avec un temps de glace un peu plus important. Notons sa bonne première saison à Grenoble l’année dernière qu’il faudra confirmer. Fleury sera incontournable si il parvient à compter en jeu ouvert car sa vitesse est bien au dessus de la moyenne à Grenoble.
La paire tchèque Broz Masa, incontournable l’année du titre, a connu une seconde saison plus difficile avec des épisodes extrasportifs qui ont eu un impact sur le rendement de Broz en particulier. Martin Masa après une première année de très grande qualité a proposé un second exercice assez semblable sur le plan statistique, mais beaucoup moins décisif lors des séries finales. L’apport défensif et la mobilité n’étant pas les qualités principales du joueur, sa dépendance aux passes de Broz est apparue très, trop évidente en fin de saison. A 35 ans, une troisième saison consécutive au même niveau n’est pas évidente.
Figurant depuis plusieurs années comme l’en des meilleurs passeurs de Magnus, Ludek Broz a connu l’année dernière une saison difficile avec des blessures et l’accident domestique de sa petite fille. Peut-il renouer avec son niveau lors de la première saison à Grenoble ? Quel est l’impact exact du joueur dans le vestiaire car il semble un leader dans le groupe, et quelles seront ses relations avec les suédois majoritaires dans l’équipe ? Pour toute réponse, Lusth indique qu’il lui laissera jouer son jeu et cela semble le plus important. Pas de soucis question niveau si son corps le laisse tranquille ?
Au rayon des déceptions de la saison dernière, Johan Forsander a certainement été en tête de classement à Grenoble. Arrivé avec l’étiquette du butteur entrevus à Morzine-Avoriaz, 6 buts et 15 assistances plus tard, il faut clairement dire que le compte n’y est pas. Un temps blessé, mais jamais convainquant sur la glace, et pas forcément toujours très positif en dehors, Forsander serait il toujours Grenoblois sans son contrat de deux ans, nous pensons que non. Pourra t’il cette saison améliorer son niveau, c’est toute la question qui fera la différence entre un passage à vide à oublier et un recrutement négatif dans la durée.
Passons sur Julien Baylacq qui va devoir apprendre cette saison pour évoquer les arrivées.
Avec les arrivées conjointes de Martin Jansson et d’Anders Nilsson en provenance de Mora, club relégué cette année au second niveau suédois, Grenoble propose un recrutement inédit en France. Certes, les deux joueurs ne sont pas des hommes d’impact, leur apport offensif était minime l’année dernière (respectivement 2 et 7 buts et 10 et 13 points), mais on parle tout de même de deux éléments d’un club qui évoluait en élite suédoise avec un même profil défensif, extrêmement physique, et qui étaient sur le même bloc. Sans vexer personne, les deux compères pourraient bien compter davantage en Magnus vu la différence de niveau, et si l’on passe à 15-20 buts par tête avec en plus un abattage défensif très performant, plus personne n’aura envie de sourire. Alors qu’en pensent nos collègues suédois comme P.Armsson qui les ont vus jouer ? « Je suis très surpris par ce recrutement, on prend généralement des joueurs qui marquent des buts, des passeurs, mais pas des spécialistes des tâches défensives et de la récupération. Ici, on a deux joueurs physiques, très difficiles à jouer cette saison, dont l’objectif était la pression sur l’adversaire et la mise en échec des attaquants. Jansson est un vrai joueur de duel, au niveau d’un arrière pour la récupération, Nilsson est plus proche de Petersson que vous avez eu l’année dernière, en plus défensif et avec de très bonnes mains. Je ne connais pas Grenoble mais comme le niveau est plus faible en France, ils vont vraiment poser des problèmes. à tout le monde. Avec eux, Grenoble disposera d’un bloc défensif très performant, par contre je ne sais pas du tout ce que cela peut donner offensivement en France. »
Plus connu que les deux joueurs précédents, Mitja Sivic est le second briançonnais à venir à Grenoble. Passé par Lubjana avant les hautes alpes, le slovène est monté très fortement en régime lors des séries finales avec 7 buts contre 11 en saison régulière. Joueur rapide, très actif, il pourrait bien être la bonne surprise du début de saison à Grenoble, ayant l’habitude de se créer de nombreuses occasions en mouvement. Une bonne affaire et un bon complément à un collectif plus musclé que rapide.
Enfin, pour terminer, sans doute le plus gros client offensif du lot avec le tchèque Ludek Krayzel en provenance directe de Zvolen en extraliga slovaque. Claquer 17 buts et 42 points dans une telle ligue est une performance significative qui devrait placer Krayzel dans les cinq meilleurs réalisateurs français de la prochaine saison si il arrive à Grenoble à son niveau et le garde. Certainement le joueur le plus excitant du recrutement grenoblois et vraiment l’un des gros clients de la prochaine Magnus.
Alors ?
Grenoble a fait son recrutement et il est tout sauf stupide. Il répond en tout cas à deux priorités. La première est de disposer d’une défense qui permette comme en suède de limiter les occasions de but pour l’adversaire et de proposer un positionnement de glace plus homogène qui favorise les relances et le jeu à mi glace. De ce point de vue, Grenoble est sur le papier un gros client. La seconde est de pouvoir constituer des équipes spéciales capables de perforer en jeu de puissance, avec une collection de snipers tout à fait respectable. Si le score peut être assuré partiellement par ces éléments, Grenoble pourra s’épargner la présence de nombreux butteurs, ayant par ailleurs deux réalisateurs très respectables avec Masa et Krayzel . Il faudra ceci dit que tout le monde fasse son boulot en particulier en défense, et que l’entente entre les joueurs soit meilleure que la saison dernière. Au final, un groupe très intéressant à suivre dont on pourra regretter le faible nombre de français, mais qui devrait proposer un hockey très sérieux et engagé.
|