L’histoire a débuté en 2006 lorsque le hockey sur glace français s’est définitivement émancipé en créant sa propre fédération. Ce grand événement s’est produit à Amiens en même temps que les Championnats du monde de la Division 1 qui étaient organisés dans la ville de Picardie. A cette occasion, Luc Tardif, premier président de la FFHG, m’avait invité avec l’intention de me confier une importante mission.
Juste après son élection, ce dernier m’expliqua : « Maintenant que nous sommes devenus enfin indépendants, il faut que notre discipline retrouve sa
mémoire. Grâce à ton expérience de journaliste, je compte sur toi pour créer le plus rapidement possible de véritables archives nationales. Comme tu le sais, il y a deux ans, j’ai déjà rebaptisé le championnat élite senior pour l’appeler définitivement la
Ligue Magnus en m’inspirant du nom de la Coupe que tu as créé. C’est quand même mieux que l’ancien nom de Super 16 ! Maintenant, il faut continuer à améliorer les choses dans le domaine mémoriel. »
Suite à sa demande, la tâche s’annonçait très difficile car - chose incroyable – presque tous les documents historiques du hockey sur glace français (Vidéos, photos, articles, feuilles de match, etc…) avaient
disparu ou avaient été
détruits par l’ancienne fédération de tutelle ! Il était donc urgent de se lancer dans des investigations tout azimut. Un véritable travail d’investigations et d’enquêtes sur le terrain, certes passionnant mais chronophage, qui ne fut pas l’unique initiative qui allait être décidée.
En effet, après plusieurs discussions avec le président de la FFHG concernant la reconstitution de la « mémoire » de notre sport, l’idée s’imposa comme une évidence de s’inspirer également de ce qui se faisait déjà à l’étranger, notamment au Canada, en créant un
« Temple de la Renommée » du hockey sur glace français.
On se mis donc d’accord pour que ce « Hall of Fame » tricolore rende hommage désormais, chaque fin de saison, à cinq joueurs ou personnalités, ainsi qu’à un organe « bâtisseur » qui ont apporté
une contribution majeure à notre discipline. C’est ainsi que, dès l’inauguration du « panthéon » du hockey sur glace français, au mois de juin 2008, plusieurs noms de célébrités ont été ensuite régulièrement exhumés de l’anonymat et rappeler au bon souvenir du grand public comme par exemple ceux de Louis Magnus, Pete Laliberté, Jean Ferrand, Albert Hassler, Léon Quaglia, Albert Kimmerling, Jacques Lacarrière, ou encore Charles Ramsay.
Mais, des joueurs plus contemporains et encore vivants ont été également élus au fur et à mesure dans le Temple de la Renommée comme Christophe Ville, Alain Bozon et son fils Philippe, Cristobal Huet, Laurent Meunier, Pierre Pousse, Guy Fournier ou encore Angela Lezziero et Gwenola Personne pour ne prendre que ces exemples.
Afin de mener à bien l’élection annuelle au Temple de la Renommée de la FFHG, le président Luc Tardif me confia, dès sa création, la responsabilité d’effectuer moi-même en amont une première sélection de personnalités ou de joueurs susceptibles d’être éligibles. Ensuite, mon rôle fut de soumettre chaque année (un mois avant l’assemblée générale) une liste de noms à un petit
comité de sélection composé uniquement de
sept membres qui ont été choisis en tenant compte de leur crédibilité et de leur grande connaissance dans notre sport. Ce sont ces derniers, parmi lesquels se trouvent d’office le président de la fédération, qui sont chargés d’effectuer le choix définitif à partir de cette liste après un vote à huit clos.
A noter que la composition de ce comité de sélection n’est pas constante et a été renouvelée au fil du temps. Actuellement, il se compose du président Pierre-Yves Gerbeau, Axel Escalle, Philippe Lacarrière, Jean Le Blond, Jean-Louis Millon, Marc Peythieu et moi-même.
L’ancien président Luc Tardif me demanda par ailleurs d’animer ensuite la cérémonie de
l’annonce officielle des élus au Temple de la Renommée à l’occasion de toutes les assemblées générales annuelles de la FFHG. J’ai donc l’honneur de présenter cet événement depuis maintenant 15 ans.
Il s’est avéré que cet intermède « mémoriel », qui fut programmé dans un premier temps au milieu du déroulement parfois très fastidieux de l’assemblée générale, a obtenu un tel succès d’écoute auprès de tous les présidents de clubs que cette cérémonie récréative avait tendance à rallonger un peu trop le rassemblement des élus le dimanche. Il fut donc décidé d’avancer ensuite cette cérémonie la veille de l’assemblée générale pour libérer un temps plus important en faveur des débats techniques.
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De gauche à droite : Jean Ferrand, Jean Julien, Albert Hassler, Pete Laliberté |
Cette responsabilité de présentateur officiel du Temple de la Renommée m’a permis de vivre souvent des moments très forts émotionnellement. Certains épisodes me reviennent en mémoire comme par exemple lorsque en 2014 le très sympathique
Jean Julien (deuxième photo ci-dessus) ne put retenir ses larmes sur l’estrade en recevant le maillot de hockey floqué de son nom et sa médaille. Ce fut une cérémonie très émouvante qui permit de rendre hommage à juste titre à cet ancien agent de maîtrise de l’usine des biscuits « Lu », reconverti par la suite en chauffeur de taxi, qui a apporté une contribution majeure au hockey sur glace français grâce à un investissement personnel discret mais à tout point remarquable notamment comme arbitre. En effet, Jean Julien a officié notamment sans relâche et avec le même enthousiasme pendant plus de vingt-six ans atteignant un total impressionnant de 2150 matches dont 100 matches au niveau international.
De plus, Jean Julien continue d’être le responsable officiel de la table de marque lors de tous les championnats du monde de hockey sur glace qui sont organisés en France. Il supervise également la table de marque lors de la grande finale de la Coupe de France à Bercy.
Autre moment fort, lorsque en 2010 Patrice Pourtanel (qui sera élu quatre ans plus tard) vint évoquer la mémoire de son père
Claude Pourtanel qui était décédé. Visiblement très touché par cet hommage posthume, son fils Patrice, dont on connait le solide tempérament, se dévoila humainement comme jamais en public pour évoquer avec beaucoup d’émotion la vie du patriarche du club de Viry-Châtillon.
Afin de faire taire certaines critiques qui reprochaient encore au regretté et fantasque « Père Pourtanel » d’avoir eu parfois dans le passé des écarts de conduite et des coups de sang devenus légendaires, j’ai tenu à rappeler au comité de sélection du Temple de la Renommée (certains membres étaient un peu réticents à son égard), puis aux présidents des clubs, que si Claude Pourtanel avait été parfois excessif, ce n’était pas par méchanceté et par vice, mais uniquement à cause de
sa passion débordante pour le hockey sur glace. Une grande qualité de cœur qui méritait bien cette indulgence et cette reconnaissance. L’assemblée générale acquiesça d’ailleurs mes propos avec des applaudissements nourris.
Concernant l’histoire du Temple de la Renommée, mon souvenir le plus marquant fut incontestablement la promotion de l’année 2016 avec, entre-autre, l’élection du regretté
Thierry Monier, l’entraîneur emblématique du club de Courbevoie et des équipes de France juniors. En effet, lors de mon discours de présentation, je fus bien involontairement emporté par l’émotion et ma voix se brisa pendant plusieurs secondes en achevant mon discours sur cet ami de longue date lorsque je prononçais ces mots : « Comme je crois aux forces de l’esprit, je sais qu’en ce moment Thierry tu nous regarde de là-haut… » Pour la première fois, je n’avais pas pu rester neutre comme le nécessite le rôle de maître de cérémonie, mais personne ne m’en a tenu rigueur et je ne regrette pas cette défaillance.
Dans un contexte cette fois beaucoup plus joyeux et anecdotique, on a également pardonné à l’ancien attaquant international
Philippe Rey son entrée pour le moins « spectaculaire » sur l’estrade lors de son intronisation au Temple de la Renommée en 2015. En effet, le célèbre capitaine de Chamonix ne se soucia pas du protocole et ne s’embarrassa pas des convenances lors de cet événement en arrivant habillé de façon très « exotique » avec un bermuda et un t-shirt coloré ! Il ne manquait plus qu’une paire de tongs aux pieds pour parfaire cette étonnante apparition qui ne manqua pas de provoquer un murmure amusé dans l’assistance. Sacré Philippe ! Le contraste fut saisissant avec la tenue et la discrétion beaucoup plus conventionnelle et élégante de l’ex-international Christian Pouget qui fut élu dans la même promotion que son camarade de Gap.
Cette « décontraction » vestimentaire de Philippe Rey me rappelle une autre image très décalée, celle de l’ancien international
Paul Lang qui n’avait pas pu se rendre à la cérémonie de son élection au mois de juin 2017 car il vit désormais à Tahiti. Du coup, le célèbre attaquant tricolore s’est rendu au siège de la FFHG quelques mois plus tard, en plein hiver, pour recevoir son trophée en dévoilant un bronzage tropical qui a fait sensation !
Il faut remarquer que le Temple de la Renommée de la FFHG comporte une très grande majorité de personnes élues
à titre individuel qui sont actuellement au nombre de 62 « récipiendaires » comme disent nos amis canadiens. Certains esprits caustiques pensent qu’il faudrait peut-être limiter un peu plus désormais le nombre d’élus pour éviter à terme « de racler les fonds de tiroirs » car le hockey français est une petite famille. Le débat reste ouvert !
Par ailleurs, des groupes ont été également élus pour leur grande contribution au hockey sur glace français comme par exemple
l’équipe de France sacrée championne d’Europe en 1924 à Milan, la famille
Claret, la famille
Malletroit, la famille
Potin, la famille
Le Blond ou encore plusieurs clubs comme Chamonix, Cergy-Pontoise, Patineurs de Paris, Rouen, Français Volants et l’ACBB. Mais aussi Association pour l’Avenir du Hockey Français (AAHF).
Il faut noter que parallèlement au Temple de la Renommée, plusieurs personnalités sont citées régulièrement chaque année à titre de remerciement dans la catégorie annexe des
« Méritants » pour leur aide et leurs actions de terrain, accomplis souvent dans l’ombre et l’anonymat. Enfin, il existe une distinction particulière baptisée « Trophée Huet », en l’honneur de l’exemplarité reconnue unanimement de Cristobal. Elle n’a été décernée pour l’instant qu’une seule fois en 2017 au célèbre hockeyeur français du Lightning de Tampa Bay dans la NHL,
Pierre-Edouard Bellemare, pour son comportement exemplaire hors de la glace.
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De gauche à droite : Philippe Rey, Pierre Pousse, Luc Tardif, Jean Tarenberque |
Pour l’anecdote, il est arrivé parfois que je subisse des pressions « amicales » pour qu’un joueur ou une personnalité soient élus au Temple de la Renommée. Ce fut par exemple le cas de l’épouse d’un ancien dirigeant célèbre qui me confia un jour au téléphone : « Je profite que mon mari est absent pour vous appeler en cachette ! Vu sa carrière exceptionnelle depuis tant d’années dans le hockey français, vous ne pensez pas qu’il mérite amplement d’être honoré ? » Cette demande très directe était d’autant plus déplacée que j’avais justement proposé depuis deux ans déjà le nom de ce dirigeant dans ma présélection.
De plus, j’ai dû expliquer à cette brave épouse qu’elle me donnait trop d’importance car il s’agissait d’un vote
collectif et que l’élection se prenait donc en commun en soumettant toutes les propositions à l’avis des six autres membres qui composent le Comité de sélection. Je lui ai donc expliqué que ma voix n’était donc pas décisionnaire.
Dans la situation inverse, l’ancien président du club de Saint-Gervais,
André Ville, qui exerça plusieurs hautes fonctions fédérales, notamment celle de directeur technique national adjoint ainsi que de manager de l’équipe de France, m’a demandé expressément de ne jamais soumettre sa candidature au Temple de la Renommée dans lequel il mériterait pourtant amplement de faire partie prétextant son peu d’appétence « pour les médailles et les honneurs ». Son avis est respectable, mais la principale raison de son refus est que ce dernier a été visiblement blessé et très affecté par le comportement désinvolte de l’ancienne fédération des sports de glace qui mit un terme à ses fonctions nationales d’une manière très injuste en 1992. Je ne désespère pas de le faire revenir sur sa décision pour rejoindre dans le Temple son fils Christophe Ville qui fut élu en 2011.
Je terminerai en évoquant également avec émotion plusieurs hockeyeurs ou personnalités qui ont malheureusement disparu après avoir été présents lors de leur élection au Temple de la Renommée de la FFHG comme par exemple
Jean Vassieux en 2013 et
André Catelin en 2019. Dans ces deux cas, j’ai pu constater, après un long échange avec eux dans les coulisses de leur intronisation, que leur joie et leur fierté étaient grandes d’avoir été ainsi reconnus et mis à l’honneur par leur sport favori avant leur décès. Je pense notamment à André Catelin, déjà très diminué par la maladie et son grand âge, qui accepta quand même de venir, non sans difficulté, à Cergy pour assister à son intronisation. Le hockey sur glace français a eu ainsi la possibilité de leur rendre hommage de leur vivant.
Enfin, comment ne pas évoquer l’élection exceptionnelle - car il fut le seul élu - de
Luc Tardif, lors de la dernière assemblée générale au mois de juin 2022. A cette occasion le nouveau président de l’IIHF fit venir auprès de lui sur l’estrade sa fidèle épouse Dalila et expliqua, au bord des larmes, que « sans elle à ses côtés depuis plus de 46 ans, il aurait été incapable d’accomplir un tel parcours de vie. » Le lendemain de la cérémonie, Luc Tardif me confia dans un ultime texto qu’il m’envoya sur mon téléphone portable : « Merci pour ton discours et ta longue collaboration, mais maintenant j’ai tourné la page… » Un message personnel qui se voulait en forme d’adieu mais auquel j’ai répondu : « Non, tu n’as pas encore tourné la page car pour toi un nouveau chapitre s’ouvre avec ta présidence de la Fédération internationale. Tu vois, le hockey n’en a pas encore fini avec toi ! »