L’iceberg, plein à craquer, est ce soir le théâtre de l’ultime bataille de la saison régulière entre les Chamois de Chamonix et l’Étoile Noire de Strasbourg. Alors que les deux équipes ont la certitude de participer aux playoffs, le match de ce soir promet une rude compétition, car les Strasbourgeois, tout comme les Chamoniards, ne sont pas assurés de leur place au classement. Chacune des deux équipes peut encore changer drastiquement le visage des playoffs avec une victoire ou une défaite ce soir. L’Étoile Noire, actuellement 11ème, joue gros face à Chamonix et a la possibilité de gagner deux places dans le classement de la Ligue Magnus, alors que les Chamois sont actuellement huitièmes et entendent bien le rester.
Arbitres : Monsieur Bliek assisté de Messieurs Loos et Caillot
Buts : Strasbourg : ; 46:41 Paul Bradley (ass David Brissette Cayer) ; 58:33 Hugues Cruchandeau (ass Maxime Mallette et Elie Marcos) Chamonix : 34:48 Carl Lauzon (ass Arnaud Hascoët et Brent Patry) ; 48:28 Richard Aimonetto (ass Alexandre Audibert et Brent Patry) ; 60:16 Carl Lauzon (ass Richard Aimonetto)
Pénalités
24 minutes dont 10 à Hiadlovsky contre Strasbourg
12 minutes contre Chamonix
Photo : JC Simonin
Marcos à l'attaque
Le match commence tranquillement, les deux équipes se jaugent et le palet va et vient, sans s’installer véritablement d’un côté ou de l’autre. Obligatoirement, cela ne débouche sur aucun tir en début de rencontre. Une fois que le premier tir est décoché, par Patry, le jeu chamoniard démarre en trombe, et le portier strasbourgeois est mis à rude épreuve. Tout semble sourire aux chamois, qui construisent rapidement et se procurent des tirs redoutables, mais c’est sans compter une erreur de Terrier, qui écope d’une pénalité mineure et offre à Strasbourg le premier powerplay du match. Reprenant le match en main, les jaunes et noirs profitent de la supériorité pour s’offrir quelques belles occasions, mais le spectacle est de courte durée, puisque Tarantino est envoyé au banc lui aussi, annulant de ce fait l’avantage numérique. En sortant de sa prison, Terrier redonne le jeu de puissance à son équipe, mais les Chamois ne parviennent pas à transformer l’essai, et leur powerplay est exempt de tirs.
Les deux équipes tricotent, les palets sont semés comme les miettes de pain du petit poucet, et aucune équipe ne parvient réellement à contrôler la rondelle. Les Chamois montrent une fougue et une énergie remarquable, bien décidés à en découdre, en vertu de leur position très favorable au classement, sans toutefois réussir à concrétiser.
Strasbourg parvient finalement à remonter devant Hardy et à s’installer en zone chamoniarde, mais il faut attendre une faute de Tobiasson et donc un avantage numérique pour assister enfin à des tirs menaçants. Entre autres, Devin sert son capitaine, Marcos, juste devant le but, qui soulève le palet en un lobe, mais le portier des Chamois bloque son tir.
Le rythme du jeu, après un premier round d’observation, est sans cesse brisé par les pénalités à répétition et la période est rarement jouée à forces égales. Les deux équipes ont bien du mal à construire et seules quelques actions d’éclat sont notables dans un tiers-temps relativement plat. Les Chamoniards sont pourtant acharnés et réussissent souvent à berner la défense adverse, et seul Hiadlovsky oppose un rempart aux multiples tirs. C’est notamment le cas lors d’un vigoureux tir des Chamois, bloqué mais pas gelé par le gardien : le palet rebondit lentement en direction de la ligne de but, laissant à peine le temps à Hiadlovsky de le dégager de la jambière.
Les locaux répondent peu et sont visiblement menés, en dépit du score encore vierge de la rencontre.
Face-offs : 8 - 12
Tirs : 8 - 15
Photo : JC Simonin
Contre la balustrade
Au retour des vestiaires, Marcos se démarque et entame la période avec un tir puissant en diagonale, qui termine sa course droit dans la mitaine du gardien. La période démarre bien plus nerveusement côté Strasbourgeois, mais leur élan est brisé très rapidement par une pénalité. L’arbitre ne laisse décidément rien passer.
Au premier tir de Chamonix en powerplay, le palet est gelé par Hiadlovsky, et un mur de défenseurs se dresse autour de lui pour couper court à toute velléité de castagne devant les buts. Quelques coups sont rapidement échangés, et Cruchandeau et Gras vont cirer le banc en prison. Malgré la supériorité numérique de Chamonix, Lehtisalo s’empare du palet et remonte seul sur le côté gauche. Il s’essaie en revers juste devant le gardien, mais son tir est repoussé.
Contrairement à la première période, sans rythme et presque soporifique, le second tiers ne fait que gagner en vitesse et en intensité. Les deux équipes bataillent ferme pour la possession du palet, qui n’est jamais maîtrisé, toujours volé ou harponné. La cadence débridée tient en haleine le public, qui réagit à chaque action. La patinoire toute entière vibre, devant du jeu presque ininterrompu pendant près de 10 minutes.
À mi-match, Cayer, seul derrière les buts chamoniards, centre à Bradley qui envoie un shoot précis, mais il ne parvient qu’à toucher l’épaule de Hardy. En retour, Lauzon, très menaçant, shoote en direction de Hiadlovsky, qui bloque son tir. Le palet rebondit et retombe juste devant le but grand ouvert, dégagé in extremis par la défense strasbourgeoise, dans un grand “ouf” de soulagement.
Très peu de temps après, Audibert imite Lauzon et décoche le même tir, qui rebondit et glisse lentement devant la cage ouverte. Décidément, le portier Strasbourgeois est bien esseulé et les avants des Chamois sont déterminés à en profiter, donnant des sueurs froides à l’équipe locale. Le jeu est tellement vif et rapide qu’il est étonnant que le score soit encore nul. À 11’03, le gardien de Chamonix sort de sa cage pour dégager. Cayer bondit sur le palet et se précipite pour l’envoyer dans la cage ouverte, mais il touche le poteau qui sonne comme une horrible déception.
En 2 minutes, Strasbourg a su se procurer une abondance d’occasions en or, et les multiples réactions du public attestent de la frustration face à ce palet qui ne veut absolument pas rentrer. Hardy, assisté de ses poteaux, fait un travail remarquable. Le manque de réussite et les occasions manquées d’un cheveu - d’un côté comme de l’autre - créent une tension palpable entre les deux équipes, et les chocs sont un peu plus brusques, les contacts un peu plus forts qu’auparavant. C’est alors que tout bascule. Au bout de 34 minutes sans le moindre but, les Chamois parviennent enfin à débloquer le score. Hascoet, remontant complètement contre la balustrade à gauche, envoie le palet à droite en direction de Lauzon, complètement seul. Ce dernier fait preuve d’une précision impressionnante et expédie la rondelle dans la lucarne, bluffant ainsi le gardien adverse (34’48, 0-1). La façon dont il inscrit ce but donne presque l’impression que c’est facile pour lui, tant son mouvement était calibré. La défense Strasbourgeoise, qui fait souvent défaut pour soutenir le gardien, paie ici ses erreurs.
Le but a tué le rythme effréné, mais les Strasbourgeois bataillent tout de même avec virulence pour essayer d’égaliser avant le retour aux vestiaires. Des multiples centres, renversement, qui débouchent sur des tirs cinglants, mais qui ne trouvent jamais le fond des filets.
Beaucoup moins de pénalités ont été appelées lors de ce tiers, ce qui amène naturellement un jeu très rythmé et très rapide. Les occasions et les tirs se multiplient pour l’Étoile Noire, mais pour eux, ce tiers est la définition même de l’expression “Quand ça veut pas, ça veut pas”.
Face-offs : 7 - 9
Tirs : 11 - 9
Photo : JC Simonin
Les Chamois bloquent l'Étoile
Les chamoniards, en prenant les devants au score, entament la dernière période avec pour seule mission de défendre et maintenir le score. C’est aux hommes de Daniel Bourdages qu’il appartient de faire la différence et de se montrer audacieux. Dans ces conditions, le jeu s’installe assez naturellement en zone chamoniarde. Le palet tourne efficacement, et reste dans les crosses strasbourgeoises la plupart du temps.
En dépit de la pression maintenue par Strasbourg, les Chamois profitent d’un retournement pour chiper le palet et camper devant les buts de l’Étoile. Ils mitraillent véritablement le gardien : 4 tirs en moins d’une minute, dont un shoot spectaculaire de Tobiasson, servi par Gras, mais bloqué par un arrêt tout aussi spectaculaire du portier strasbourgeois. Comme si cela ne suffisait pas, Strasbourg écope d’une pénalité à la suite d’une charge avec la crosse de Dufournet. Mais comme précédemment, les Chamois s’écroulent en powerplay. Le palet circule pourtant bien, mais ils ne parviennent jamais à concrétiser, et très rapidement, une erreur d’Igier lui coûte 2 minute de prison, et annule ainsi l’avantage numérique.
Le gardien chamoniard n’est pas souvent embêté, et les 80 secondes de pénalités en faveur de l’Étoile Noire n’y changent rien. En revanche, à peine Igier remet le patin sur la glace que les jaunes et noirs inscrivent l’égalisation. Alors que le gardien était sorti pour dégager le palet, Cayer l’intercepte et, en arrivant sur la droite, sert Bradley, en embuscade au centre, qui parvient à trouver l’angle que le gardien s’empresse de fermer, mais trop tard (46’41, 1-1). Le but est offert sur un plateau d’argent par le gardien qui fait l’erreur de sortir au mauvais moment, mais qu’importe, il procure l’égalisation aux joueurs strasbourgeois, qui explosent de joie, et avec eux, tout leur public.
L’égalisation ouvre grand le jeu, et relance encore un peu plus la frénésie de ce match endiablé. Tout est encore à faire dans ces 12 dernières minutes. Et tout se fait, très rapidement : moins de 2 minutes suffisent aux Chamois, décidément corps et âme dans le match, pour reprendre l’avantage par un but d’Aimonetto. Audibert, à reculons, sert son collègue, qui feint de tirer. Le gardien se couche, et il ne manque plus à Aimonetto qu’à le lober pour inscrire le 2ème but chamoniard (48’28, 2-1).
Le rythme effréné de cette partie commence à se payer et le niveau de fatigue pèse de plus en plus. La défense chamoniarde est agressive et harcèle les attaquants strasbourgeois, qui ont tout le mal du monde à se positionner pour tirer efficacement, ou même à tirer tout court. Comme si jouer contre la montre et les minutes qui s’écoulent ne suffisait pas, une pénalité est appelée contre Strasbourg dans les 5 dernières minutes du match. Dans un scénario qui se répète, les pénalités vont de paire : quelques secondes après la pénalité à l’encontre de l’équipe locale, une autre pénalité est appelée contre les visiteurs. Les Strasbourgeois bénéficient donc d’une supériorité pendant une trentaine de secondes, sans pourtant parvenir à conclure. Tout se répète : ce n’est que quelques secondes après le retour à 5 des Chamois que les Strasbourgeois inscrivent un nouveau but. À moins de 90 secondes de la fin du match, Cruchandeau remonte de loin, le long de la balustrade gauche, puis il décoche une flèche dans un angle complètement improbable, et le palet se faufile entre les jambières du gardien (58’33, 2-2). Cruchandeau offre une égalisation inespérée à son équipe qui exulte, et c’est une Étoile Noire ravie qui arrache les prolongations, ainsi que le point au classement.
La dernière minute, sous très haute tension, se joue en zone Strasbourgeoise. Les Chamois jettent tout dans la bataille pour arracher la victoire avant la fin du temps réglementaire, mais sans succès. Le match se dirige vers les prolongations, parfaite cerise sur le gâteau qu’auront été les 60 minutes de ce match. Les deux équipes se sont livrés une âpre bataille et les prolongations vont se jouer dans une ambiance électrique.
Mais la prolongation ne tient pas ses promesses de grand spectacle : en un éclair, les Chamois s’emparent de l’engagement et font parvenir le palet à Lauzon en attaque. Les Strasbourgeois sont épars, et Lauzon, esseulé, dans la même situation que lors du premier but, envoie le palet dans la même lucarne qu’au premier but, avec la même précision. 16 secondes auront suffit aux Chamoniard pour crucifier la défense et le gardien strasbourgeois.
Face-offs : 11 - 8+1
Tirs : 8 - 8+1 La défaite est cruelle, 16 secondes après la joie d’être revenu juste à temps. Pour l’Étoile Noire, le constat est amer devant tant d’actions et d’occasions, mais encore trop peu de réussite. Avec la fin de la saison régulière, l’équipe strasbourgeoise occupe la place de la moins bonne offensive de la ligue, et accuse un grand nombre de défaites d’un seul but, ou même de défaites en prolongation comme ce soir. Tout se joue à très peu, chaque fois, mais c’est ce “très peu” qui était présent en début de saison et qui fait défaut aujourd’hui. Il manque le petit plus dans la finition, le parachèvement des actions pourtant bien construites.
L’Étoile Noire se tourne désormais vers les playoffs, face aux Dauphins d’Épinal. Ces huitièmes transvosgiens promettent un derby haut en couleur, dès mardi à Strasbourg.
Le constat est tout autre dans le camp de Chamonix. D’une saison en demi-teinte, toujours 11ème ou 12ème, ils sont parvenus à se hisser à la 8ème place lors des 4 derniers matchs de la saison, et surtout à défendre cette place. Ils se déplaceront donc à Morzine mardi, et accueilleront ensuite les Pingouins chez eux vendredi.
Les deux équipes ont fait un match spectaculaire, en particulier une deuxième période à couper le souffle. Les joueurs ont d’ailleurs eu le souffle coupé à plusieurs reprises, tant le jeu était rapide. Il est cocasse de noter que les 2 buts Strasbourgeois ne sont pas en powerplay, mais chaque fois quelques secondes après la fin d’un powerplay, comme si les attaques incessantes finissaient par ouvrir la voie.
Et finalement, il aurait fallu plus de temps à Usain Bolt pour faire l’aller-retour sur la patinoire qu’à Lauzon pour marquer le but en mort subite...
Hommes du match :
Strasbourg : Hiadlovsky
Chamonix : Lauzon
Félicitations aux Chamois, et merci à l'auteur de cet article pour ce très très beau résumé ! On se sent dans la patinoire, et avec le public. Toutes ces références au public nous mettent vraiment dans le bain. Je n'attends que les photos qui vont renforcer un très bon article ; )