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Hockey sur glace - Ligue Magnus
MES FORTES ÉMOTIONS POUR LA CENTIÈME !
 
Depuis le début de sa carrière de journaliste Tristan Alric, créateur de la Coupe Magnus, a vécu parfois des moments très émouvants. Il profite de sa centième « Tribune Libre » pour révéler des épisodes qui l’ont marqué durablement sur le plan humain.
 
Media Sports Loisirs, Hockey Hebdo Tristan Alric le 28/11/2024 à 11:00
Tribune N°100

 
 
MES FORTES ÉMOTIONS POUR LA CENTIÈME !


Pour fêter ma centième « Tribune Libre » qui représente quatre ans de collaboration régulière avec Hockey Hebdo (depuis janvier 2020), je voudrais profiter de ce chiffre symbolique pour faire partager à mes lecteurs quelques émotions inoubliables que j’ai pu ressentir en participant depuis plusieurs décennies à l’actualité du hockey sur glace français.
Le métier de journaliste, dans un sport à la recherche permanente d’une plus grande reconnaissance, nécessite d’avoir du sang-froid et un certain recul sur les événements. Toutefois, malgré mon expérience, il m’est arrivé que je ne parvienne pas à contenir mon émotivité au point d’arriver parfois à fendre mon armure. Est-ce une sensiblerie ridicule et une faiblesse condamnable ? Ou bien, est-ce une qualité humaine respectable que je n’ai pas pu cacher parfois en public ? Je laisse le soin à mes fidèles lecteurs d’en juger en lisant certaines confidences inédites.
 

UN DISCOURS DIFFICILE À TERMINER


Je prendrai comme premier exemple ce jour du mois de juin 2016 pendant lequel, à la fin de mon discours, devant tous les présidents de clubs réunis en assemblée générale pour annoncer la neuvième promotion du « Temple de la Renommée » de la FFHG, j’ai été submergé par l’émotion et incapable de terminer mon exposé pour rendre hommage à l’ancien entraîneur Thierry Monier. En effet, j’étais un ami proche du célèbre coach du club de Courbevoie. Or, la veille de son décès brutal pendant une intervention chirurgicale (au mois de juillet 2007 à l’âge de 56 ans), j’avais pu discuter encore avec lui par téléphone.
Allongé sur son lit d’hôpital, Thierry restait confiant et me tenait des propos rassurants avec un humour qui correspondait bien à ce personnage jovial et très sympathique. Malheureusement, quelques heures plus tard, j’ai donc appris la triste nouvelle de son décès sur la table d’opération.
En 2016, pendant cette fameuse promotion du Temple de la Renommée, j’ai terminé mon discours concernant le regretté Thierry Monier en disant : « Comme je crois aux forces de l’esprit, je suis sûr que de là-haut, Thierry, tu nous regardes… » D’un seul coup ma voix fut brisée par l’émotion. Un long silence se fit dans la salle avant que je parvienne à reprendre mes esprits et conclure en balbutiant difficilement quelques mots presque inaudibles et secoués de sanglots.
Au risque de paraître ridicule devant tous les présidents de clubs qui étaient présents dans la salle, ce jour-là, j’ai laissé parler mon cœur en montrant publiquement ma vulnérabilité. Sur le coup, j’ai regretté cette défaillance. Mais ce qui m’a rassuré, c’est que quelques jours après mon intervention son épouse Marie-Claude et sa fille Marie-Céline m’ont contacté toutes les deux pour me remercier depuis leur village de Tugéras-Saint-Maurice en Charente-Maritime. Elles avaient été touchées et pour moi c’était l’essentiel.
 

UN HOCKEYEUR INJUSTEMENT OSTRACISÉ


Autre moment très intense émotionnellement dans ma carrière de journaliste fut mon déplacement à Chamonix en 2008 pour rendre visite à l’ancien hockeyeur international Raymond Gilloz qui m’a gentiment reçu dans son chalet familial. Celui qui fut le capitaine de l’équipe première de Chamonix entre 1962 et 1968 me raconta avec visiblement beaucoup d’émotion le grand paradoxe de sa brillante carrière sportive.
En effet, le célèbre numéro 4 des « Chamois » avait réussi l’exploit inattendu de participer en 1956 aux Jeux Olympiques d’hiver de Cortina d’Ampezzo en Italie, non pas comme hockeyeur, mais comme représentant de la France en patinage de vitesse sur les distances de 500, 1500 et 5000 mètres.
Ce dernier me raconta la suite de son histoire : « Je suis parti aux Jeux olympiques un peu en catimini juste accompagné par Jean Heckly qui deviendra plus tard le président de la Fédération française des sports de glace. Malheureusement, à Chamonix je n’étais pas soutenu par mon club de hockey sur glace car j’étais jalousé. Les dirigeants de l’époque n’aimaient pas beaucoup que je mélange les genres. Pourtant des hockeyeurs chamoniards illustres, comme Léon Quaglia et Albert Hassler, avaient fait la même chose bien avant moi. C’est pour cette raison que le club de Chamonix n’a jamais organisé une réception en mon honneur. »
Ce fut la même chose en 1960 lorsque Raymond Gilloz a participé à nouveau aux Jeux Olympiques d’hiver de Squaw Valley aux Etats-Unis en tant que patineur de vitesse. Dans le milieu du hockey à Chamonix cette double casquette sportive dérangeait. « Du coup, on ne parlait jamais de moi, me dit-il. D’autant que je jouais en défense. Il est vrai qu’en plus, après les matches, je ne restais jamais au bar de la patinoire avec mes coéquipiers car, à mon avis, lorsque l’on veut avoir une vie saine, il ne faut pas boire. C’est un peu l’explication de ma mise à l’écart. Mais, croyez-moi, je me suis toujours donné à fond pour notre équipe de hockey sur glace. »
A la fin de son explication avec des sanglots dans la voix, j’ai soudainement vu devant moi un homme âgé et dépité de 76 ans, visiblement en détresse morale, qui pleurait en me disant en conclusion : « Je vous remercie beaucoup d’avoir pensé à moi car j’ai cru qu’on m’avait définitivement oublié… » Cette rencontre fut pour moi un moment terrible et très déstabilisant que je n’oublierai jamais. Grand sportif également sans les patins (il entrainait l’équipe de France de hockey hors de la glace lors des stages de préparation à Chamonix) Raymond Gilloz, est décédé sept ans plus tard à l’âge de 83 ans. Il ne méritait pas cette ingratitude si injuste.
 

LE COMBAT ADMIRABLE D’UN HOCKEYEUR


L’autre souvenir très émouvant qui me vient à l’esprit est beaucoup plus récent puisqu’il date du mois de juillet 2024. En effet, j’ai appris avec tristesse le décès de Christophe Foliard âgé seulement de 55 ans à la suite d’une longue et cruelle maladie. Ancien joueur de hockey sur glace, ce dernier avait défendu successivement les couleurs de plusieurs clubs : Roanne, Saint-Gervais (où il fut sacré champion de France cadet), Nîmes, Dijon et enfin Montpellier. Il fut également arbitre international de roller-hockey et il participa notamment comme « referee » aux championnats du monde de cette discipline pendant l’an 2000 à Amiens.
Pour paraphraser une célèbre chanson de Francis Cabrel, je dirais concernant mon ami Christophe Foliard qu’avec vos yeux d’étranger vous n’auriez rien remarqué. C’était quelqu'un dont on ne parlait pas et je l'aimais pour ça. Christophe était un passionné de hockey sur glace modeste et toujours enthousiaste, une star à sa façon. Je le revois encore avec son jeune fils Alexandre, jouant comme deux gamins avec des mini-crosses dans son appartement à Palavas. Sur les murs, il y avait des photos de hockey partout et des palets alignés sur une armoire.
Victime d’un cancer très agressif, lors de mes contacts très réguliers avec lui au téléphone (il a fini sa vie à Roanne), Christophe me racontait avec un courage très impressionnant l’évolution irréversible de sa maladie digestive mais il ne s’éternisait pas sur le sujet. Il préférait me parler surtout du hockey sur glace, le sport de sa vie qu’il aimait passionnément.
Bien sûr, son décès récent n’a pas fait la une de l’actualité contrairement à celui de Daniel Galland à Gap dont la carrière sportive et politique fut d’une autre dimension. Mais, il n’en demeure pas moins que notre sport a perdu également avec Christophe Foliard un joueur et un homme exceptionnel qui avait toujours le cœur au bord des lames.
 

UNE REMISE DE COUPE TARDIVE MAIS SYMBOLIQUE


Une autre séquence émotion se déroula au mois de d’avril 2023 puisque j’ai étés invité pour la toute première fois à remettre officiellement la Coupe Magnus aux côtés du président de la FFHG Pierre-Yves Gerbeau. Ce dernier profita du centième titre de l’histoire du champion de France senior (créé en 1906) pour me faire venir à Rouen lors de l’ultime match de la série finale remportée à domicile face à Grenoble. Cette invitation mit donc un terme à une anomalie qui durait depuis… 38 ans !
Je tiens à préciser tout de suite, sans fausse modestie, que je n’ai jamais été demandeur dans le passé pour participer à cette cérémonie protocolaire de fin de saison sauf dans ce cas précis car le moment me semblait symbolique.
Même si je n’en veux surtout pas au nouveau président de la FFHG de cette longue ignorance (car il n’y est pour rien), j’avoue que j’ai été touché et très ému de cette invitation officielle bien que tardive. Je l’ai confié avec des larmes dans les yeux à Pierre-Yves Gerveau et au directeur général de la FFHG Eric Ropert lorsque nous nous sommes revus à la sortie de la patinoire de Rouen.
Cet événement m’a appris qu’il faut savoir rester lucide et admettre une triste réalité : notre discipline est parfois maladroite en termes de communication. Croyez-vous que si le créateur du bouclier de Brennus était encore vivant de nos jours, la fédération de rugby ne l’aurait pas invité régulièrement à remettre le célèbre trophée portant le nom de son créateur ?
Je vous le répète, je ne suis pas à la recherche de ce genre de protocole mais cet oubli par manque de culture mémorielle persiste encore un peu dans notre discipline malgré des efforts indéniables depuis la création de la FFHG en 2006. Il reste encore des efforts à faire.
J’en veux pour preuve cette autre anecdote : après la remise officielle du trophée et le tour de piste des champions de France pour saluer leurs supporters, il a fallu que je vienne expliquer moi-même aux joueurs de Rouen que j’étais le créateur de la Coupe Magnus pour qu’ils acceptent, à la fois interloqués mais très enthousiastes, de prendre une photo avec moi (voir ci-dessous) dans la précipitation et une totale improvisation.



NOMMÉ EXÉCUTEUR TESTAMENTAIRE OU DÉLÉGATAIRE


Mon métier de journaliste de hockey sur glace m’oblige parfois à jouer un rôle totalement inattendu, qui certes m’honore, mais qui suscite chez moi de l’émotion et une grande responsabilité. C’est le cas concernant deux amis proches qui ont été des acteurs très importants dans l’histoire de notre discipline et avec qui je continue à avoir des contacts très réguliers malgré leur retraite sportive. Je m’efforce, autant que possible, que leurs contributions majeures en faveur du hockey sur glace français restent reconnues par tous et ne tombent pas dans l’oubli qui serait très injuste au regard de l’histoire de notre discipline.

 


Jean-Louis Millon
(77 ans) est un dirigeant stakhanoviste qui a exercé de multiples fonctions. Ancien arbitre international, il a été ensuite de toutes les « batailles » qui ont été menées depuis des années par le hockey sur glace français. Il fut également président de la Ligue de l’Île de France pendant 33 ans. Elu en même temps au Comité national de hockey, il devint d’abord responsable de l’équipe de France juniors U18 puis il a supervisé cette fois de l’équipe de France juniors U20.
En 2000 ses responsabilités devinrent encore plus importantes puisque Jean-Louis Millon a été élu à la fois vice-président de la FFSG et, surtout, président du CNHG, autrement dit à la tête du hockey sur glace français avant de passer le relais en 2004 à Luc Tardif. Or, il y a trois ans, mon ami Jean-Louis m’a étonné en me demandant de jouer dans le futur un rôle complètement inattendu et très émouvant.
« Lorsque je serai mort, je veux que ce soit toi qui lises mon éloge funèbre lors de mon enterrement. J’ai déjà demandé à mon fils Ludovic de te recevoir en Touraine si les obsèques ont lieu là-bas. Ou alors, mon épouse Nadine t’accueillera à La Rochelle si la cérémonie se déroule dans la ville où nous habitons. Ceci dit, j’espère mourir en bonne santé car dans ce cas on souffre moins ! » J’avoue que son humour m’a laissé perplexe.




André Ville (85 ans) fut président du club de Saint-Gervais. Il est le père et le grand-père de plusieurs hockeyeurs internationaux qui portent son nom à commencer par son fils Christophe et ses deux petits-fils, Gabin et Malo. Il a marqué également l’histoire du hockey sur glace français en étant à plusieurs reprises membre du Comité national de hockey (CNHG), mais surtout le Directeur technique national adjoint en charge de l’équipe de France senior de 1984 à 1992. Présent à tous les championnats du monde aux côtés des Tricolores, André Ville avait également la lourde tâche de s’occuper en même temps de tous les calendriers des championnats de France, de défendre les dossiers au CNOSF et d’animer la première commission de contrôle de gestion des clubs !
Bref, ce dernier a très mal vécu, ce qui se comprend, que les dirigeants de l’ancien comité national de hockey sur glace l’aient laissé complètement sur la touche après sa retraite sportive en 1992 lui offrant comme simple « cadeau » une invitation pour assister en catimini à un match de l’équipe de France B à Megève.
Pour essayer de réparer cet oubli regrettable, lors de la création de Temple de la Renommée en 2008, j’ai proposé au président Luc Tardif (qui a accepté) qu’André Ville fasse partie du comité de sélection dans lequel il resta quelque temps. En revanche, ce dernier m’a chargé de respecter une consigne : « Je te demande de veiller à ce que je ne sois jamais élu au Temple de la Renommée. Pour moi, ce qu’on m’a fait ça correspond à un mémoricide pour reprendre l’expression de Philippe de Villiers. Et puis, dans ce panthéon, il y a trop de monde. Il y a déjà mon fils Christophe, c’est bien suffisant. » Je ne désespère pas de le faire changer d’avis un jour lors de nos entretiens téléphoniques réguliers.


HISTOIRE D’UN TROPHÉE DE LA LIGUE MAGNUS


Un dernier souvenir très marquant remonte à l’année 1980 lorsque je participais pour la troisième fois, en tant que joueur et arbitre, au stage d’été privé du célèbre entraineur national canadien Gaétan Laliberté dans la station de l’Alpe d’Huez. A l’époque, j’étais le rédacteur de l’ancien magazine « France Hockey » et j’avais profité de l’occasion pour offrir, un an auparavant, quelques maillots de hockey à ses stagiaires sur lesquels étaient imprimés le nom du magazine.
Lors d’une discussion avec « Pete » ce dernier me fit cette confidence qui me bouleversa : « Tu te souviens du jeune joueur de Strasbourg très sympathique qui s’appelle Jean-Pierre Graff à qui j’avais offert un de tes maillots ? Malheureusement, il vient de décéder d’une tumeur au cerveau. Comme c’était un grand passionné qui lisait toujours ton magazine, il a été enterré en portant le maillot de France Hockey. » Cette nouvelle me fendit le cœur et m’affecta profondément pendant tout le stage.
Pour rendre hommage à ce jeune très prometteur qui est parti beaucoup trop tôt, lorsque j’ai pris l’initiative de créer les différents trophées de la Nationale A (Ligue Magnus aujourd’hui), j’ai décidé spontanément d’attribuer le nom de Jean-Pierre Graff au trophée récompensant « le meilleur espoir » du championnat de France senior.
Des hockeyeurs célèbres comme Christophe Ville, Philippe Bozon, les frères Maurice et François Rozenthal, Pierre Pousse, Kevin Hecquefeuille, Laurent Meunier, Pierre-Edouard Bellemare et, beaucoup plus récemment, Dylan Fabre (2023) et Quentin Tomasino (2024), ont perpétué depuis sa mémoire en remportant cette distinction. Ce fut ma façon de rendre un hommage posthume au jeune Jean-Pierre Graff dont le nom reste désormais gravé dans l’histoire du hockey sur glace français.

Le montage photos que vous pouvez voir ci-dessus représente le jeune joueur de Strasbourg avec trois portraits de lui encore inédits. D’abord, à droite, lors de sa trop courte carrière dans le hockey mineur en minime puis en cadet. Sur la photo de gauche qui est en couleur, le regretté Jean-Pierre Graff est habillé d’un survêtement de sport au moment où il gardait encore un espoir de guérison après son traitement de chimiothérapie qui l’obligeait à porter un complément capillaire.

 




Depuis plus de quarante ans Tristan Alric a été l’acteur et le témoin privilégié de l’évolution du hockey sur glace en France. D’abord comme joueur puis comme arbitre. Ensuite, en devenant le journaliste spécialiste du hockey sur glace dans le quotidien sportif L’Equipe pendant plus de vingt ans. Auteur de nombreux livres et d’une récente encyclopédie qui font référence, Tristan Alric a marqué également l’histoire du hockey français en étant le créateur de la Coupe Magnus et des divers trophées individuels. Avec un tel parcours, il est donc bien placé pour avoir une analyse pertinente sur notre sport favori. Le site Hockey Hebdo est donc heureux de lui permettre de s’exprimer régulièrement dans cette rubrique.
 


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