Lors de la dernière finale de Coupe de France à Bercy, la presse a pu assister à une conférence qui se proposait de présenter le prochain mondial 2012 avec, à la manoeuvre,
Mika Sulin, Président du Comité d'organisation. Ce fut un verbiage digne d'un tour-operator vendant ses circuits, et ceci au détriment d'un certain nombre d'informations qui auraient pu être susceptibles d'intéresser les journalistes, comme les infrastructures prévues ou encore les événements sportifs organisés en marge de ce rendez-vous. Mais le pire fut bien la véritable fuite de Monsieur Sulin, ponctuée d'allégations folkloriques qui allait accompagner la première question posée par votre serviteur sur le prix des billets suédois.
A cette question, très simple, qui fut transmise à l'intéressé par une traductrice embarrassée :
"Ne trouvez-vous pas que le coût des billets sur Stockholm est totalement excessif avec l'absence de billets vendus à l'unité ? Comment justifiez-vous que, par exemple, pour voir la Suède, les amateurs locaux doivent acheter des billets pour quatre rencontres au minimum ? Pour une famille de quatre personnes, le prix est ainsi de plus de 500 euros la journée sans compter les frais annexes comme un sandwich ou une boisson... il ne semble pas normal que, pour voir la Suède, on doive aussi payer pour voir l'Italie ou le Danemark ? les médias suédois protestent, une réaction ?
Ce manager modèle selon l'IIHF allait nous jouer un grand numéro d'esquive qui débutait par une réponse totalement à côté de la plaque, que l'on peut résumer par
"effectivement il y aura des billets pour tout le monde". Devant l'insistance de ce Français qui avait l'outrecuidance d'insister en Anglais, le grand Président précisait alors
"que l'on n'avait pas compris (on avait le texte qui confirmait nos dires sur les genoux), qu'il nous remerciait pour cette excellente question, et que oui, des billets individuels seraient vendus partout, y compris en Suède."
Une méconnaissance surprenante du dossier que nous allions vérifier avant de publier cet article, nos correspondants suédois nous précisant que, comme nous l'avions bien lu et comme nos lecteurs peuvent le voir par eux-mêmes sur le site de l'épreuve, il n'y aura aucune vente de billets individuels sur Stockholm...pour le moment.
Des Suédois qui soulignaient également que Sulin s'est bien gardé de jouer ce numéro sur place car il savait qu'il se ferait rentrer dedans sans ménagement par une presse quasi-unanime pour dénoncer les dérives financières de ce mondial.
Le mécontentement suédois
Au-delà de l'exemple de cette conférence de presse, on trouve, dans ce mondial suédois plus que Finlandais, une dérive des prix inquiétante. Alors que la candidature conjointe franco-allemande pour 2017 a pour mérite d'avoir été décidée dès le départ, le couple suédo-finlandais illustre parfaitement les limites d'un mariage arrangé par la Fédération Internationale. Ainsi, mis main dans la main pour se partager le gâteau (pardon, la compétition), les deux partenaires n'ont pas choisi d'adopter la même stratégie et la fuite de Monsieur Sulin illustre parfaitement son incapacité à justifier la politique du voisin suédois que ses fonctions de Président conduisent pourtant bien à devoir assumer.
Côté Finlandais, on a équilibré les affaires avec des billets collectifs mais également des ventes individuelles susceptibles de répondre aux besoins de tous les publics. Les 12.000 premiers acheteurs se voyaient offrir des places pour une rencontre Finlande-Russie en extérieur, de quoi faire mieux passer des tarifs pas donnés avec du "69 euros" en moyenne sur les secteurs les plus éloignés de la glace.
Notons que Monsieur Sulin a fait face à des questions également peu aimables en Finlande,
précisant en retour qu'il paierait, lui, 195 euros pour une rencontre sportive et qu'il l'avait déjà fait à plusieurs reprises, un modèle de déclaration qui a eu le don d'énerver la presse Finlandaise pourtant moins concernée.
Côté suédois, on allait au contraire mettre en place un système d'offres qui oblige tous les acheteurs à se procurer un pass pour 4 rencontres. A titre d'exemple, si vous prenez l'offre n° 7 (prise au hasard) qui comprend les rencontres suivantes :
1er jour : Suède-Lettonie et République Tchèque-Allemagne
2ème jour : Norvège-Danemark et Italie-Russie
Au-delà des problèmes d'horaires avec des rencontres très tôt dans la journée et des spectateurs qui peuvent avoir une activité professionnelle, vous l'aurez compris, on paye pour deux jours complets de manière forcée, mais à quel prix ?
Dans cet exemple, le prix le moins cher qui vous place franchement loin de la glace et à des hauteurs qui nécessitent des jumelles ou un regard exclusivement tourné vers l'écran de télévision, on tourne par personne autour de
100 euros (101,87 euros, tx de change du jour).
Vous voulez être plus proche, oh rien de bien fantastique avec des places en courbe haute, mais à
170 euros (170,17 euros, tx de change du jour). De bonnes places ? Pour l'organisation toutes celles qui correspondent globalement aux hauteurs classiques sur des patinoires de Magnus comme Rouen ou Grenoble, il vous faudra débourser
340 euros (340,91 euros, tx de change du jour).
Ne voulant pas effrayer nos lecteurs, nous n'évoquerons pas les quarts de finale ni les formules
VIP à partir de
395 euros la rencontre de poule qui, elles, ne manquent pas, au contraire de solutions pour les familles nombreuses (heu juste 4 personnes, cela existe), chômeurs et autres maudits pauvres comme diraient nos amis de la Belle Province.
Alors rien d'étonnant que, dans ce pays qui figure tout de même parmi les plus avancés en matière sociale, la presse, et pas seulement sportive, use du lance-grenade pour évoquer cette formule, évoquant ouvertement le boycott dans certains cas....les gens sont méchants !
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Photo: Laurent Lardière |
Mika Sulin à Bercy |
Un succès bien mitigé
Comme notre grand ami, Monsieur le Président Sulin, nous l'a dit avec des trémolos dans la voix à Bercy, les réservations tournent bien, mais ce grand timide aura sans doute parlé de la Finlande, son pays, où effectivement, les affaires avancent correctement sans plus.
En Suède, selon plusieurs sources, les affaires seraient vraiment plus compliquées avec un boycott très clair d'une grande partie de la population locale et un succès plus que mitigé concernant les visiteurs étrangers qui trouvent, par ailleurs, les propositions en terme d'hébergement et d'accueil plutôt salées. Résultat, dans un bel élan de solidarité qu'on lui connaît, la Fédération Internationale remet le couvert et vient de sortir
un petit article pour dire au monde entier qu'il reste encore de la place avec, selon eux,
120.000 places vendues sur les 300.000 disponibles.
Pas de quoi pavoiser quand on sait que ce type de billet se vend généralement bien six mois avant et qu'une grande partie des offres sont écoulées par l'entremise de tour operators qui concluent leurs ventes très longtemps à l'avance.
Même si on peut considérer que l'argent va rentrer encore, il est probable que l'on se dirige tout droit vers l'opération braderie avec, sans doute, des offres qui seront revues à la baisse lors des deux derniers mois.
Au-delà des critiques d'un tel choix économique, car on rappelle tout de même que les mondiaux sont des compétitions organisées par une fédération membre du Comité Olympique, et qui doit appliquer
"de justes tarifications afin d'encourager la promotion de cet événement par le plus grand nombre" (recommandation CIO), la dérive du système paraît désormais évidente.
Pour qui va consulter les offres des agences de voyages, on va se retrouver avec des prix autour de 350 euros par personne pour une nuit d'hôtel et le pack billet, comme évoqué plus haut. Mais ce que dénonce désormais la presse suédoise, c'est également toutes les bonnes combines que ce système permet, avec de la revente massive sur internet, ainsi que le démembrement par des agences des packs en question.
Le voyagiste officiel se permet ainsi de proposer des entrées pour une seule rencontre, mais à des prix très étudiés. Un exemple ? Vous voulez aller voir Italie-Norvège...qui a dit "pas de quoi rêver", eh bien c'est possible, on vous donne une chambre double, une place assez mal située, et
vous payez 215 euros par personne.
Alors, naturellement, on pourra souligner que l'organisation de tels événements coûtent cher, qu'il faut rentabiliser, sauf que, dans le cas présent, on peut s'en sortir dans des conditions beaucoup plus correctes pour le public, à l'exemple de la Finlande qui, mine de rien, donne une leçon au grand voisin Suédois.
Après, il est clair que la profonde incapacité de l'IIHF à vendre des droits de télévision correctement, ainsi que la gloutonnerie de certains intermédiaires, n'arrangent pas les affaires. Si l'on compare avec les mondiaux précédents, ainsi que ceux organisés par d'autres sports collectifs, celui-ci est très nettement le plus cher.
De même, en considérant les finales des deux grandes ligues mondiales que sont
la KHL et la LNH, il y a moyen de s'interroger. Passons sur la KHL, dont les places pour les séries finales restent à des prix
inférieurs à 100 euros pour des places de second niveau, et voyons la LNH. Jusqu'aux demi-finales, vous vous en sortirez à environ
150 euros par personne, ce qui est inférieur aux prix des 1/4 de finales ici car vous allez acheter deux matchs d'un coup.
Pour la finale, nous avons contacté
Hockeyresor en Suède
, agence officielle, par téléphone en leur demandant le coût simplement d'un billet second niveau pour la finale car il n'existe aucune offre claire sinon un pack qui vous vend tout le séjour et voyage. On nous a parlé de 4000 couronnes (
455,31 euros, tx de change du jour) par téléphone en précisant que ce prix ne pourrait être négocié que si nous étions... 3-4. Un seul voyageur solitaire, 4500 couronnes, soit
512,06 euros au tx de change du jour.
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Projet de mascotte pour les prochains mondiaux de hockey |
Combien pour les places les plus hautes à Vancouver l'année dernière pour la finale LNH ? Eh bien, pour les moins chères, 197,25 $...
eh oui, vérifiez ici, soit en euros ...
151,28 euros. On trouvait également des places autour de 230 $ (
176,68 euros pour les intimes), de quoi faire taire certaines légendes qui croient que les finales LNH sont comparables au Super Bowl. Notez au passage que, si vous êtes abonné à l'année, vous allez généralement bénéficier, sur les prix indiqués ici, d'une ristourne autour de 20 %....
Qui a dit qu'en plus en LNH, vous aurez toujours les meilleurs joueurs du monde, ce qui n'est pas le cas des mondiaux....
Retour à la raison
Il serait temps de conclure à la nécessité d'un retour à la raison pour les prochaines compétitions, ainsi que du développement d'un modèle économique qui nous paraît très clairement manquer dans le hockey actuellement pour ce type de compétition. Nous ne pouvons ainsi qu'espérer voir la France et l'Allemagne pratiquer en 2017 des prix qui soient plus raisonnables et de nature à contenter un public qui n'est pas uniquement constitué de privilégiés. A cette condition, on peut parier sur le fait qu'il n'y aura pas besoin d'aller jouer les VRP à l'étranger pour vendre un évènement qui verra le public Français répondre présent pour une majorité des rencontres.