Comme je l’ai évoqué dans mes trois dernières tribunes, le hockey sur glace français avait cherché à faire évoluer positivement son image pendant les saisons précédentes en prenant plusieurs initiatives innovantes. Copiant l’exemple des sports d’équipe nord-américains, notamment celui du circuit professionnel de la NHL, certains de nos clubs ont retiré définitivement des
numéros de maillots qui ont été portés par des joueurs emblématiques (voir Tribune 25). Nos clubs ont également adopté des surnoms, souvent inspirés du monde animal, en créant des
logos originaux (Tribune 26). Enfin, les propriétaires des nouvelles patinoires choisissent désormais de leur donner à leurs stades des
noms à consonnance subliminale plus modernes qui sont un moyen supplémentaire pour attirer le grand public (Tribune 27).
Mais pour faire du hockey un spectacle encore plus attrayant et pour tenter de « briser la glace » avec le public, nos clubs utilisent également des
mascottes pendant les matches. Leur but évident de cette animation est de mettre de l’ambiance en distrayant les spectateurs car la présence d’une mascotte dans la patinoire suscite toujours la joie des petits et l’amusement des plus grands. C’est le cas par exemple depuis le début de l’année 2011 avec le sympathique «
Oscar » qui fait régulièrement son apparition à l’occasion des rencontres internationales disputées par l’équipe de France. Malheureusement, pour l’instant l’ensemble des mascottes des clubs français sont au chômage technique à cause de la pandémie du Covid 19 qui a contraint cette saison la Ligue Magnus et de la Division 1 à disputer tous leurs matches à huis-clos et provoqué l’annulation des autres championnats.
Il faut savoir qu’avant la généralisation de cette nouvelle mode d’animation, le club de
Megève a été un précurseur en la matière. En effet, il y a une quarantaine d’années, le club de Haute-Savoie avait adopté
une mascotte inoubliable puisqu’il s’agissait d’un animal vivant ! C’était un
bouc qui connut son heure de gloire dans le Palais des sports de Megève où il avait été surnommé « Louis » pour faire un clin d’œil amical et humoristique à Louis Moratal, un ancien intendant du club connu pour son caractère bien trempé. Ce dernier était très populaire à Megève, à tel point que le célèbre attaquant international tricolore Paulin Bordeleau lui offrit son maillot après le titre de champion de France obtenu par les « Boucs » de Megève en 1984.
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De gauche à droite, « Body-Buddy » de Rouen, « Basajaun » d’Anglet, « Scratchy » de Lyon et « Oscar » le tricolore. |
Hervé Grosset, qui fut sponsor du club mégevan avec son magasin de sport et surtout un fervent supporter de hockey, se souvient avec amusement de ce fameux bouc : « Avant le début des matches, on déroulait un tapis rouge sur la glace puis on faisait monter le bouc au centre de la patinoire pendant la présentation des équipes en le tirant avec difficulté à l’aide d’une corde. Je ne vous dis pas la forte odeur que dégageait l’animal ! Nos adversaires n’appréciaient pas beaucoup cette mise en scène assez originale et très olfactive qui accentuait encore l’influence de notre terroir montagnard. Le bouc « Louis » faisait d’autant plus le spectacle qu’il semblait désorienté et tremblait de froid au milieu de la piste. Mais, je vous rassure, en dehors de la patinoire, on s’en occupait bien car je l’ai gardé personnellement pendant un moment dans la ferme que possédait mes grands-parents. Tous les supporters l’aimaient bien et ils venaient de temps en temps lui donner à manger des morceaux de brioches ou de pain. »
Aujourd’hui le rôle des mascottes est fort heureusement tenu uniquement par
des êtres humains consentants. Déguisés et libres de leurs initiatives, ils improvisent des mises en scène souvent marrantes et ils haranguent les spectateurs dans la patinoire en prenant des pauses volontairement naïves ou maladroites, souvent très drôles, qui font la joie de tous et notamment des photographes. Bref, le spectacle humoristique de la mascotte commence à chaque match. C’est le signal du lancement de la soirée dès que cette dernière fait son entrée très remarquée sur la glace en précédant les joueurs car son apparition déclenche systématiquement des applaudissements nourris.
Dans la Ligue Magnus, les mascottes font désormais partie intégrante du spectacle. En effet, elles sont devenues l’emblème et la marque locale de chaque club. Ces mascottes fétiches, qui sont censées porter bonheur et déstabiliser l’adversaire en connivence avec le public, ont été baptisées avec des noms amusants. Il y a «
Jeff » le loup à Grenoble, «
Gothika » à Amiens, «
Pucky » et «
Puckette » à Angers, «
Chamy » à Chamonix, «
Body-Buddy » à Rouen, «
Joky » à Cergy, «
Rappy » à Gap, «
Basa » à Anglet, «
Boxy » à Bordeaux, «
Rico » à Nice, «
Scorpi » à Mulhouse et «
Le Diable » tout simplement à Briançon.
Dans les autres divisions l’imagination a fait également son œuvre avec des mascottes affublées de noms tous aussi sympathiques. En Division 1, il y a par exemple «
Slapy » à Dunkerque, «
Dinger » à Brest, «
Vipy » à Montpellier, «
Doggy » à Cholet, «
Léo » à Caen, «
Avernix » à Clermont-Ferrand, «
Rempy » à Tours, «
Corso » à Nantes ou encore «
Marny » à Neuilly-sur-Marne.
Quant au club de Strasbourg, dont la mascotte est un yéti tout blanc, elle est surnommée provisoirement «
Georges » du prénom de la personne qui l’anime car elle n’a pas encore de nom officiel. La mascotte du club du Mont-Blanc, qui est également un yéti avec un masque plus expressif et agressif, n’a pas elle aussi de nom pour l’instant.
En Division 2, on peut citer juste pour l’exemple, la mascotte «
Halley » à Meudon, «
Belou » à Toulouse, «
Jauvany » à Vaujany, «
El Diablo » à Valenciennes, «
Paco » à Colmar ou encore le sympathique «
Gaston » à Villard-de-Lans.
Quant à la Division 3, les spectateurs peuvent compter également sur les facéties de plusieurs mascottes comme le «
Scratchy » à Lyon, «
Picpuck » à La Roche-sur-Yon, «
Slapy ice » à Limoges, «
Quenotte » à Asnières, «
Slappy » à Compiègne, «
Renardeau » à Orléans ou encore «
Cari » à Dammarie-les-Lys.
Mais, il y a encore d’autres mascottes qui divertissent le public lors des matches de hockey comme «
Evi le Yéti » à Evry-Viry ou encore le débonnaire «
Bibou » à Brive. Qu’importe la division, on a partout le sens de l’humour et de la fête ! En effet, la liste des mascottes du hockey sur glace français n’a cessé de croitre pour le plus grand plaisir des spectateurs. Du coup, pour leur fabrication les clubs ont fait appel parfois à une société spécialisée. Ce fut par exemple le cas du club de Clermont-Ferrand pour créer ses deux versions du sanglier « Avernix », qui ont été commandées à la société « Auvergne Jouets » située à Arconsat dans le Puy-de-Dôme, un atelier à l’origine de la célèbre peluche du lion du Crédit Lyonnais.
On remarquera que pour donner un nom à leurs mascottes, la grande majorité des clubs se sont inspiré directement de leurs logos en adoptant une appellation très proche à la fois judicieuse et rigolote. C’est par exemple le cas pour les Gothiques d’Amiens avec « Gothika », les Boxers de Bordeaux avec « Boxy », les Corsaires de Nantes avec « Corso », les Remparts de Tours avec « Rempy », les Vipers de Montpellier avec « Vipy », les Rapaces de Gap avec « Rappy » ou encore les Jokers de Cergy avec « Joky ». Mais je donne une mention particulière aux dirigeants des Comètes de Meudon car ils ont fait le choix très astucieux de baptiser leur mascotte « Halley » un nom qui fait évidemment référence à la célèbre
Comète de Halley qui fut visible depuis la terre en 1986.
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De gauche à droite, « Rappy » de Gap, « Jeff » le loup de Grenoble, « Boxy » de Bordeaux et « Avernix » la mascotte de Clermont-Ferrand |
Le rôle très particulier de la mascotte impose à celui qui en a la responsabilité de posséder certaines prédispositions. A savoir ne pas être timide, avoir le sens du spectacle, être chambreur, avoir toujours la pêche et être capable si possible patiner même si ce n’est pas obligatoire. En effet, « Dinger » la mascotte de Brest a confié dans une interview avec fierté et sans doute un peu d’exagération : « Je dois être l’une des rares mascottes, pour ne pas dire la seule, Ligue Magnus et Division 1 confondues, qui patine ! »
Qu’importe, après avoir participé au coup d’envoi du match sur la piste (en patins ou en chaussons), la mission de ces véritables stars locales n’est pas terminée loin s’en faut. Pendant toute la rencontre, la mascotte déambule dans les tribunes pour tenter de chauffer le public devenu par moment un peu trop amorphe. Le costume que porte la mascotte n’est pas lourd mais il fait très chaud souvent à l’intérieur et parfois, vu que c’est un rôle très physique, l’animateur du déguisement s’autorise à faire des pauses.
Il faut noter qu’il peut arriver parfois que la personne qui a la responsabilité de la mascotte soit paradoxalement introvertie et très timide dans la vie privée. Pourtant, une fois déguisée, elle arrive à se métamorphoser complètement dès lors qu’elle revêt le costume de la mascotte qui lui permet de jouer son rôle incognito. Grâce à ce déguisement amusant qui assure l’anonymat, une transformation « psychique » se produit inévitablement qui peut transfigurer les plus réservés puisque désormais tout lui est permis derrière le masque ! Quand un enfant ou un adulte enlacent ou embrassent une mascotte et se font prendre en photo à ses côtés, c’est le personnage imaginaire qui est apprécié et ses admirateurs oublient totalement son « support » humain.
Enfin, il est important de préciser qu’une mascotte peut aussi jouer parfois
un rôle social insoupçonné comme l’a expliqué un jour dans une interview « Chamy » le trublion facétieux du club de Chamonix. Ce dernier a en effet raconté : « A la fin d’un match, un supporter d’une trentaine d’années est venu me voir. Il m’a dit que ça n’allait pas bien dans sa vie. Qu’il était triste, qu’il avait du chagrin et qu’il avait besoin de câlins… » L’homme-chamois en peluche a donc joué involontairement le psychologue en tentant de le consoler pendant de longues minutes en discutant avec lui, un moment intime et émouvant qui l’a visiblement beaucoup marqué.
Toutefois, concernant la fameuse mascotte « Chamy », créée en 2014, il faut noter qu’on lui a attribué un autre rôle social particulier au pied du Mont-Blanc. En effet, à la suite d’un partenariat, la mascotte de Chamonix devait porter à sa création, non seulement un maillot aux couleurs du club pendant les matches, mais aussi arborer sur le torse le slogan « En route vers les sommets » de la compagnie des remontées mécaniques de la station. Par ailleurs, dans le dos de la mascotte étaient inscrits les noms des quatre principales destinations de la compagnie des téléphériques CMB : Brévent-Flégère, Montenvers, Aiguille du Midi et Grands-Montets. Bref, à Chamonix, on a donc demandé à la mascotte locale de servir aussi d’homme-sandwich dans le but de faire la promotion de la station auprès des nombreux touristes.
Comme on le voit, le rôle de la mascotte n’est pas anodin. Déambuler en costume dans la patinoire, monter sur la glace, grimper dans les gradins, prendre des photos avec des spectateurs ou des partenaires et même des joueurs, tout en distribuant des goodies est une véritable mission ! Ce n’est pas sans raison si au Canada il existe des
coaches de mascottes pour former des candidats à ce genre d’animation qui peut paraître à première vue superficielle et anecdotique. D’autant qu’en Amérique du nord les caméras ne se privent pas de filmer les facéties de la mascotte locale qui n’est pas bénévole comme chez nous. Dans le circuit pro de la NHL les mascottes occupent donc une part encore plus grande dans l'animation aussi bien des avant-matchs que pendant les pauses entre les tiers-temps et à la fin de la rencontre.
Ainsi, la quasi-totalité des franchises de la NHL (sauf les Rangers de New-York) possèdent depuis un nombre d'années variable une mascotte. Il y a par exemple «
Youppi » à Montréal, «
Spartacat » à Ottawa, «
Fin the Whale » à Vancouver, «
Gritty » à Philadelphie, «
Iceburgh » à Pittsburgh, «
Sabretooth » à Buffalo, «
Stinger » à Colombus, «
Tommy Hawk » à Chicago, «
Louie » à Saint-Louis ou encore «
Gnash » à Nashville.
Le circuit européen concurrent de la KHL a également des mascottes qui mettent de l’ambiance dans ses clubs continentaux comme «
Zubrik » à Minsk, «
Barsyk » à Kasan, «
Gladiator » à Moscou, «
Hawk » à Omsk, «
Snowman » à Novosibirsk ou encore «
Leo » à Sotchi.
Preuve qu’on prend le rôle des mascottes très au sérieux, notamment outre-Atlantique, pour l’anecdote, Tim Smith, l'homme qui incarnait depuis treize ans «
Bailey the Lion », la mascotte des Kings de Los Angeles dans la NHL, a fait la une de l’actualité et a provoqué un véritable scandale public en étant poursuivi par la justice. En effet, il a été définitivement renvoyé des Kings au mois d’octobre 2020 après avoir été accusé de harcèlement moral et sexuel par une femme. Comme on le voit, on ne badine pas avec l’animateur de la mascotte même s’il est caché à l’intérieur car il représente le symbole du club !