ON EST EN TRAIN D’EFFACER NOTRE HISTOIRE ! |
Aux mois de mai et juin derniers, j’avais consacré deux tribunes successives (fait exceptionnel) pour évoquer la situation alarmante du club de l’
ACBB à cause de la menace de fermeture imminente de sa patinoire à Boulogne-Billancourt. Si j’ai tant insisté pour mettre en lumière ce problème, c’est pour essayer d’attirer l’attention de mes lecteurs sur sa gravité. Comme je l’ai déjà expliqué, il s’agit d’essayer de sauver un
monument en danger de mort, affirmation qui a servi de titre à mon premier article. Ma crainte était malheureusement prémonitoire puisqu’elle vient de s’avérer justifiée.
Contrairement à la promesse faite par Pierre-Christophe Baguet, le maire de Boulogne-Billancourt, qui avait accepté un sursis, contre toute attente les événements se sont précipités. Au lieu de patienter comme promis jusqu’à la fin de l’année 2024 pour prendre une décision, le cas de la patinoire « Fédérale » a été réglé dans la précipitation. En effet, cette piste de glace emblématique, surnommée ainsi car elle fut pendant 15 ans le siège de la Fédération Française des Sports de Glace, a définitivement fermé ses portes avant même la reprise du championnat au mois de septembre !
DISPARITION D’UN PATRIMOINE HISTORIQUE
Malgré une mobilisation locale très importante et spectaculaire de tous les patineurs et des supporters initiée par l’association « Patiner à Boulogne » (manifestations devant la mairie, dans la rue et une pétition rassemblant 36.000 signatures dont plus de 10.000 habitants de la ville), la sentence est donc tombée brutalement aussi tranchante et cruelle qu’une lame de patin. Revenant sur sa promesse la municipalité leur a dit d’une manière que je traduirais ainsi trivialement : « Allez, circulez, il n’y a plus rien à voir ! » Du coup, la patinoire, qui était fermée depuis la fin du mois de mai dernier, n’a pas pu rouvrir comme prévu à la rentrée.
Devant ce revirement inattendu, que je considère comme un diktat municipal, j’avoue que je suis tombé des nues ! Comment est-il possible d’accepter sans réagir la disparition de ce véritable patrimoine historique ? C’est d’autant plus choquant que ses conséquences sont terribles puisqu’elle concerne non seulement le hockey sur glace français, mais aussi le patinage artistique !
Dans cette triste affaire, ce qui m’indigne, c’est qu’on assiste, dans un silence désormais « assourdissant » et dans une résignation très regrettable, à un véritable séisme sportif qui est mis volontairement sous l’étouffoir. Car il suffit de connaître un tant soit peu la longue histoire de ces deux disciplines de glace pour comprendre l’aspect dramatique de cet événement.
C’est un peu comme si, pour faire une comparaison, on avait annoncé à la rentrée la fermeture définitive de la patinoire de Chamonix, le « temple » du hockey sur glace français, ainsi que l’arrêt simultané du célèbre club de la Haute-Savoie avec ses 30 titres de champion de France. Imaginez le traumatisme que cela aurait provoqué !
Pour moi, ce qui se passe aux portes de Paris, est d’une gravité équivalente au regard de notre histoire. La fin de la patinoire « Fédérale », avec pour conséquence celle des clubs de patinage artistique et de hockey sur glace de Boulogne-Billancourt, signifie l’effacement en forme d’autodafé inacceptable d’un chapitre complet et majeur de l’histoire de ces deux sports.
Je fais également le parallèle avec le traumatisme que suscita à l’époque la fermeture définitive en 1958 de l’ancien vélodrome d’hiver (appelé familièrement Vél’ d’Hiv’) dans lequel de très nombreux matches de hockey sur glace avaient attiré des foules considérables notamment avant la seconde guerre mondiale. Concernant l’actualité beaucoup plus récente, je partage donc la très vive émotion ressentie par les nombreux patineurs de l’ACBB que l’on a vu se mobiliser et protester devant la mairie sur la photo ci-dessus.
Pour reprendre l’expression idiomatique employée récemment par Philippe de Villiers dans son dernier livre, on assiste ni plus ni moins à Boulogne-Billancourt à un « mémoricide ». En d’autres termes, cette disparition des deux sections de l’ACBB (hockey et patinage) ainsi que de la patinoire est un désastre et une mise à mort scandaleuse, comme je le répète, au regard de l’histoire nationale des sports de glace.
ACBB : QUATRE LETTRES QUI RESTENT UNE RÉFÉRENCE
Il faut bien se rendre compte qu’en passant par pertes et profits le club de hockey sur glace de l’ACBB (Sa dissolution définitive a été annoncé dès le début du mois de novembre),
on est en train d’effacer notre histoire ! Je rappelle que le club des Hauts-de-Seine est le seul de notre discipline à avoir réussi l’exploit retentissant de gagner à trois reprises et consécutivement la célèbre Coupe Spengler en 1959, 1960 et 1961. A tel point qu’un journal helvétique publia à l’époque un article très élogieux dont le titre resta fameux puisqu’il était : « ACBB quatre lettres qui font trembler la Suisse ! »
Il faut savoir que ce célèbre tournoi international, qui se déroule à Davos depuis presque un siècle, entre Noël et le jour de l’an, est la deuxième plus ancienne compétition planétaire de hockey sur glace après la Coupe Stanley.
Si le club de Boulogne-Billancourt (également champion de France en 1957, 1960 et 1962), tient une place à part dans notre pays, c’est aussi parce que de nombreux joueurs très célèbres ont évolué à l’ACBB avant que certains d’entre eux participent par la suite activement à l’essor du hockey sur glace français.
Ce fut notamment le cas de trois légendaires entraîneurs nationaux canadiens :
Pete Laliberté qui lança ensuite le club de Grenoble. Son camarade
Camil Gélinas fut lui aussi le coach emblématique des clubs de Gap, de Villard-de-Lans, de Chamonix et de Val Vanoise. Quant à
Gaston Pelletier il dirigea également momentanément l’équipe de France (saison 1965-1966) avant de poursuivre sa carrière en Suisse.
J’ajoute à cette liste des noms français inoubliables qui furent membres de l’ACBB comme
Christian Rayon et
Gilbert Itzicsohn qui furent deux anciens capitaines des Tricolores. Sans oublier aussi le gardien de but
Jean-Claude Sozzi ainsi que
Philippe Lacarrière et
Alain Bozon qui ont fait partie eux-aussi de la fameuse épopée à Davos avant de devenir des acteurs très importants de notre discipline. La plupart ont été honorés comme le montrent les quatre photos ci-dessus.
LE « TEMPLE » DU PATINAGE ARTISTIQUE FRANÇAIS
Quatre légendes de l’ACBB en patinage artistique.
De gauche à droite : Alain Calmat, Jacqueline Vaudrecrane, Jacqueline Dubief et Alain Giletti.
Quant au patinage artistique, sa section au sein du club omnisports de l’ACBB participa à la grande renommée de la France et de la ville de Boulogne-Billancourt. En effet, elle compta dans son histoire de nombreux personnages emblématiques dont la célébrité fut pendant longtemps internationale avec l’inusable Jacqueline Vaudecrane (morte à 104 ans) qui entraina successivement Alain Giletti champion du monde en 1960, mais aussi Alain Calmat (ancien ministre des sports) champion du monde en 1965 puis Patrick Péra vice-champion du monde en 1971.
Par ailleurs, Jacqueline Dubief, championne du monde en 1952, patinait aussi à la « Fédérale » tout comme le couple Christiane et Jean-Paul Guhel vice-champion du monde en 1962. Sans oublier de citer un grand personnage retombé malheureusement dans l’anonymat aujourd’hui le patineur de vitesse André Kouprianoff, vice-champion du monde en 1960. Quel autre club français peut dire mieux ?
Par ailleurs, pendant de nombreuses années, le Ministère de la jeunesse et des sports a demandé que tous les brevets d’état de patinage artistique soient organisés systématiquement sur la patinoire dite « fédérale » leur donnant ainsi un label officiel et une garantie de grande qualité. Une preuve supplémentaire de l’importance stratégique de cette piste de glace devenue un lieu mythique.
UN CLUB QUI A FINANCÉ LES SPORTS DE GLACE
Il faut se souvenir que le hockey sur glace français a également bénéficié pendant une dizaine d’années (entre1955 et 1965) d’une aide financière considérable accordée généreusement par le club de l’ACBB surtout grâce à la Famille Potin élue dans le Temple de la Renommée de la FFHG en 2015. Grâce à la manne pécuniaire de ces riches commerçants, beaucoup de matches internationaux furent organisés et retransmis dans la patinoire de Boulogne-Billancourt qui est devenue du coup à l’époque un centre névralgique du hockey sur glace français.
L’équipe de l’ACBB en 1960.
Premier rang, assis de gauche à droite : Philippe Potin (président), Marc Parent, Stewart Cruikshank, Camil Gélinas, Philippe Lacarrière, Robert Pons (kiné).
Deuxième rang : Gaston Pelletier, Hubert Nivet, Jeannine Potin (sponsor), Pete Laliberté (entraîneur-joueur), Christian Rayon, Jean Paupardin.
Troisième rang : André Longuet, Georges Baudin, Gilles Dupe (gardien), Edmond Cochet (gardien), Gérard Alezard, Elvin Friedrich.
Je rappelle qu’au mois de mai 1959, deux clubs de la NHL, les Bruins de Boston et les Rangers de New York, ont fait exceptionnellement escale en France à l’occasion d’une tournée organisée en Europe pour disputer deux matches exhibition sur la patinoire de Boulogne-Billancourt. Tout simplement parce qu’elle était considérée comme une étape « incontournable ». Par ailleurs, le club actuel de Grenoble fut également créé à l’origine par l’ancien président de l’ACBB Philippe Potin.
Devenu ensuite le président de la Fédération des sports de glace, ce dernier aida également d’autres clubs français comme celui de Chamonix en participant financièrement à la construction de la deuxième patinoire de la station de Haute-Savoie. Par ailleurs, c’est grâce au carnet de chèque de la famille Potin que l’équipe de France de hockey sur glace a pu effectuer plusieurs tournées de préparation à l’étranger notamment au Canada.
DE NOMBREUX LICENCIÉS RESTENT INCONSOLABLES
Bref, plusieurs grands personnages du hockey sur glace français aujourd’hui disparus et qui sont dans notre panthéon doivent
se retourner dans leurs tombes en voyant la disparition définitive du club de l’ACBB et de sa célèbre patinoire ! Je pense à Jacques Lacarrière, Philippe Potin, Jean Tarenberque, Pete Laliberté, Camil Gélinas, Michel Vuilly, Thierry Monier, Michel Abravanel ou encore Paul Lang. Mais aussi, ne l’oublions pas, à André Catelin, l’ancien président de la Ligue des arbitres (LNAF), qui n’avait cessé de militer jusqu’à la fin de sa vie, malheureusement sans succès, pour que l’on baptise la patinoire de Boulogne-Billancourt du nom de « Jacques Lacarrière » puisque ce dernier en fut le créateur avec le soutien de son ami Georges Guérard, l’ancien président de la FFSG.
Je pense aussi à la profonde tristesse que doivent ressentir aujourd’hui d’autres passionnés toujours vivants comme Axel Escalle, le responsable des compétitions à la FFHG qui fut pendant 15 ans le trésorier du club de l’ACBB ou encore Luc Mainfray président du club pendant 5 ans avant de rejoindre ensuite le Comité directeur fédéral. J’ajoute la peine profonde d’ancien joueurs comme Patrice Metayer, Warren Demirdjian et Didier Provost qui n’ont cessé de soutenir avec passion et à la moindre occasion la cause de leur club de cœur. Mais je ne peux pas évidemment les citer tous car la liste serait trop longue !
Vue d’ensemble de tous les « expatriés » du club de l’ACBB, hockeyeurs, patineurs et dirigeants réunis.
Pour dénoncer cet énorme gâchis, il convient de prendre en compte également - c’est finalement le plus important aujourd’hui - le sort et le désarroi des nombreux encadrants, entraîneurs, parents et pratiquants du club de l’ACBB des sports de glace devenus sans domicile fixe. Cela inclus donc les 120 licenciés du patinage artistique devenus inconsolables tout comme les 350 licenciés de la section hockey qui se retrouvent désormais eux-aussi abandonnés et sans glace devant la porte close au numéro 1 de la rue Victor Griffuelhes.
Plusieurs autres clubs « loisirs » qui avaient leurs habitudes et leurs activités à la « Fédérale » sont impactés également par cette fermeture prématurée et donc définitive sauf revirement : l’AC Boulogne-Billancourt, le Paris Hockey Club et les Vikings de Boulogne. J’ajoute que c’est un gros problème aussi pour les habitants de la ville puisque selon le recensement officiel près de 120 000 personnes venaient patiner sur cette glace chaque année.
EXODE MASSIF DE TOUS LES HOCKEYEURS ET PATINEURS
Moloud Menceur, président de la section hockey sur glace de l’ACBB : « Théoriquement, la patinoire devait rouvrir le 1er octobre avec un mois de retard mais ce ne fut malheureusement pas le cas. Ce qui est incroyable, c’est qu’il n’y a eu aucune communication sur ce revirement de la mairie ! La seule chose qui a pu rouvrir, c’est une salle de danse qui se trouve au premier étage. Pour notre club, c’est évidemment une catastrophe ! Du coup, notre équipe de Division 3 n’a pas pu être réengagée cette saison dans le championnat de France. La seule formation qui continue toujours à défendre le maillot de l’ACBB, c’est celle des loisirs mais elle a été contrainte de s’exiler pour s’entraîner et recevoir ses adversaires dans la nouvelle patinoire de Dreux qui se trouve à 70 kilomètres. Quant à nos jeunes hockeyeurs du hockey mineur, ils ont dû se disperser en urgence dans d’autres clubs franciliens comme Meudon, Courbevoie, Cergy et les Français Volants. Malgré cela, nous avons subi une grande perte puisque la moitié de nos 350 licenciés ont arrêté ! Quant à nos quatre entraîneurs (Nordine Mahdidi, Corentin Zelko, Pierre Pochon et Matti Prevost), ils ont attendu la décision du grand club omnisports qui a décidé d’une dissolution définitive de notre section avant la fin de l’année 2024. »
UNE AFFAIRE POLITIQUEMENT CLIVANTE
Un match des « légendes » de l’ACBB avait été organisé dans la joie en 2014.
Ce que le président de la section hockey sur glace ne dit pas ouvertement, comme d’ailleurs son confrère du patinage artistique (80 % de leurs pratiquants ont arrêté), c’est que dans cette triste affaire, il est très regrettable que le grand club omnisports « L’Athlétic Club de Boulogne Billancourt » n’a apporté publiquement aucun soutien formel aux clubs de glace. L’abandon, à la Ponce Pilate du président général Jean-Pierre Epars, va à l’encontre à mon avis de la solidarité sportive à laquelle on aurait pu s’attendre logiquement de sa part. Ce dernier a laissé de nombreux pratiquants des sports de glace très amers car ils pensent - à tort ou à raison - que les plus hauts responsables « omni » de l’ACBB sont visiblement trop inféodés et à la solde de la Mairie pour pouvoir contester.
Il est évident que les très nombreuses sections qui composent le grand club de l’ACBB (33 sections et 12 000 adhérents) n’osent pas apporter ouvertement leur soutien aux sports de glace locaux, même si certaines l’on fait en privé, sous peine de subir l’ire de la mairie qui pourrait entrainer une diminution de leurs subventions. Du coup, une chape de plomb est retombée et la rébellion qui avait fait grand bruit dans la rue et sur les réseaux sociaux avant les vacances a été tuée dans l’œuf.
La mairie n’a pas hésité, pour se dédouaner, d’invoquer des raisons techniques très contestables et de proposer de façon inique la cession de la gestion de la patinoire « Fédérale » de Boulogne pour un euro symbolique ! Si de nombreuses institutions comme les fédérations de hockey et de patinage, mais aussi le département et la région, ont été sollicitées pour reprendre à leur compte la gestion de la « Fédérale », personne n’a accepté ce marché de dupes, malgré les propositions de quelques mécènes, pour s’occuper de la patinoire de Boulogne-Billancourt qui se retrouve donc à ce jour ingérable et insolvable.
LE DÉMANTÈLEMENT D’UN NOUVEAU CENTRE DE FORMATION
David Zavani, ancien arbitre, joueur, ex-dirigeant et entraîneur des loisirs (père des hockeyeurs Arthur et Vincent) : « La situation est catastrophique car le club de l’ACBB s’était battu ces dernières années pour devenir aujourd’hui un pole formateur majeur très attractif de l’Île de France. Du coup, nous enregistrions un nombre croissant de licenciés venus d’autres clubs franciliens. Le succès était tel que nous commencions à rivaliser avec le grand pole de formation à Rouen. Mon fils Arthur, comme celui de l’ancien président, Gabin Mainfray, sont partis se perfectionner à Rouen et notre entraîneur Nordine Mahdidi, qui est un pur produit des Dragons normands était venu spécialement à Boulogne pour encadrer notre formation locale. Comme vous le savez, les dirigeants du club général de l’ACBB viennent de mettre d’abord sous tutelle notre section hockey sur glace avant de la dissoudre. Cela prouve bien qu’ils pensaient que c’était déjà mort ! Ce sont des années de travail qui sont anéanties ! Du coup, même la Maison du Patin, qui est un magasin emblématique de Boulogne-Billancourt dans l’histoire du patinage et du hockey français, va certainement fermer aussi. »
Au mois de juin 2024 le club de l’ACBB, représenté par Charles Trognon, journaliste sportif et adhérent de la section hockey sur glace, avait reçu des mains du président de la FFHG, Pierre-Yves Gerbeau, le Label Bronze qui récompense le travail de l’équipe encadrante, du bureau et des bénévoles.
DE NOMBREUSES RÉACTIONS QUI FONT DÉBAT
« Interdiction de porter le maillot de l’ACBB ! »
Bruno Salomon, journaliste à France Bleue Paris et à L’Equipe TV (ex-dirigeant du club chargé des sponsors, des réseaux sociaux et de la boutique dont le fils Martin joue au hockey à l’ACBB) : « Lors de l’assemblée générale du club omnisports du lundi 21 octobre dernier, notre section hockey a été mise sous tutelle et le président Jean-Pierre Epars a annoncé, tenez-vous bien, qu’il est hors de question que les hockeyeurs continuent à porter le maillot de l’ACBB à partir du 31 décembre ! En fait, dans cette triste affaire, beaucoup de choses et de promesses ont été faites. Cependant, la mairie de Boulogne parle beaucoup mais ne laisse, comme par hasard, aucun écrit ! Du coup, on peut dire sans prendre de risque quelque chose puis son contraire. On parle maintenant de mettre du padel pour remplacer les sports de glace… Dans ce conflit ubuesque, on a certes perdu le premier tiers-temps avec la fermeture prématurée de la patinoire, mais le match n’est pas encore terminé ! Il reste toujours une lueur d’espoir. En tout cas, on s’y accroche. »
« Paris n’a plus une vraie patinoire »
Philippe Aubertin, président de la holding New Friends, sponsor du hockey français avec sa filiale Synerglace : « Vous avez raison d’insister sur le cas de l’ACBB ! Ce qui se passe à Boulogne-Billancourt est en effet désolant car dans la région parisienne la patinoire « Fédérale » était un symbole avec une grande histoire. Il est dommage qu’une ville comme Paris, qui se trouve juste à proximité, n’ait plus désormais de vraie patinoire. Celle de Cergy-Pontoise est malheureusement trop loin à 37 kilomètres. Pour ne pas revivre cette fermeture regrettable, il faut que le monde des patinoires réagisse vite en proposant un modèle de piste de glace zéro carbone. Si on ne préconise pas un concept beaucoup moins énergivore, nous n’arriverons pas à trouver de nouveaux investisseurs. La chance à saisir, ce sont les Jeux olympiques d’hiver de 2030 qui auront lieu en France. J’espère que ça donnera un nouveau coup de boost. Il faut être beaucoup plus inventif dans nos arguments car, pour l’instant, on ne sait pas trop comment se défendre et nous ne sommes pas de bons avocats. Je remarque que la patinoire du Vésinet n’existe plus depuis 2012, celle de Deuil-la-Barre est fermée depuis 2017 et celles de Saint-Ouen et de Colombes depuis 2022. Pendant trente ans les collectivités ont laissé se dégrader leurs pistes de glace et voilà le résultat. »
« Une verrière qui pose aujourd’hui un problème »
Gilles Sergent, président de la société Récréa qui gère la patinoire de Boulogne-Billancourt : « Le grand club omnisports de l’ACBB a une très belle histoire olympique et paralympique à qui on doit le respect. Malheureusement, concernant la patinoire qui a été créée en 1955, elle avait jusqu’ici la grande qualité d’offrir beaucoup de place au soleil avec sa belle verrière. Mais aujourd’hui, il faut bien admettre que c’est devenu un défaut. Par rapport au respect de l’environnement, c’est devenu une hérésie et il ne faut pas oublier qu’il s’agit de l’argent public. En tant que société privée, nous sommes simplement délégataires comme c’est aussi le cas pour la patinoire de Mériadeck à Bordeaux qui est également gérée par Récréa. A Boulogne-Billancourt, on assure l’animation des équipements pendant une période de cinq ans, mais nous ne décidons pas de l’avenir. Je ne sais donc pas ce qui va se passer puisqu’un nouvel appel d’offre est en cours. Or, la patinoire dite « Fédérale » sera exclue de notre périmètre ! C’est-à-dire qu’à partir du 1er janvier 2025, nous gèrerons uniquement la piscine et un espace bien-être. La décision de fermer définitivement cette piste de glace emblématique est purement la responsabilité de la ville de Boulogne-Billancourt. »
« Sportivement et humainement une catastrophe »
Pierre-Yves Gerbeau, président de la FFHG : « Dans cette triste affaire, notre fédération a été très réactive et en tête de pont. Elle a défendu avec beaucoup d’énergie ce dossier depuis six mois. J’ai eu notamment des contacts très animés avec le sous-préfet d’Antony et de Boulogne Benoit Trévisani, mais aussi des conversations très tendues avec le maire de Boulogne-Billancourt. Pour tenter de repousser l’échéance fatale, j’ai même proposé qu’un match amical de l’équipe de France se déroule sur la patinoire « Fédérale » dans la perspective des championnats du monde qui seront organisés en France en 2028. Ce fut peine perdue ! J’ai parlé aussi de ce problème avec l’ancienne ministre des sports Amélie Oudéa-Castéra. Malheureusement, depuis six mois les élus de Boulogne ont fait de nombreuses promesses avant de reculer à chaque fois dans une valse-hésitation insupportable. Du coup, pour aider la section hockey sur glace de l’ACBB, la fédération avait accordé des dérogations, comme pour le club de Colombes, afin que les jeunes de Boulogne puissent continuer à jouer mais uniquement dans l’Île de France. Malheureusement, la fédération a reçu une lettre du club omnisports (au début du mois de novembre) pour annoncer la dissolution officielle de la section hockey sur glace. Humainement et historiquement, je vous rejoins pour dire qu’effectivement c’est une catastrophe. »