| Photo: Getty images | Gary Bettman, commissaire de la NHL |
Commençons par un récapitulatif historique de l'affaire, afin de replacer le dossier dans son contexte.
5 Mai – Les Phoenix Coyotes se soumettent au Chapitre 11 de la protection contre la faillite. Jim Balsillie, le PDG de Research In Motion, fait une offre de 212.5 M$ pour racheter les Coyotes, sous condition de pouvoir relocaliser la franchise dans l'Ontario du Sud. Il rend sa tentative d'amener une septième franchise au Canada publique en demandant aux gens de s'inscrire sur son site www.makeitseven.ca, où ils reçoivent régulièrement des mails d'information concernant l'affaire.
7 Mai – La NHL déclare contrôler les Coyotes depuis Nobembre 2008, vu qu'elle les soutien financièrement, arguant ainsi que l'actionnaire principal Jerry Moyes n'était pas autorisé à placer l'équipe en banqueroute. La ligue déclare que des discussions sont en cours avec un potentiel groupe d'acheteurs qui incluerait Jerry Reinsdorf, propriétaire des Chicago White Sox (MLB) et des Chicago Bulls (NBA).
11 Mai – Un sondage Harris-Decima paru dans la presse Canadienne révèle que 63% des gens ayant répondu aux questions pensent qu'une autre équipe de NHL pourrait avoir du succès au Canada, mais seulement un tiers d'entre eux pensent que l'offre de Balsillie pour acquérir les Coyotes sera courronnée de succès.
13 Mai – La NHL qualifie la tentative de Balsillie d'acheter et relocaliser les Coyotes comme étant "un simulacre", et rajoute que Moyes ne peut compléter une vente conditionnelle à un déplacement en Ontario du Sud car ce territoire appartient à la ligue. Ou pour être plus précis, la ville d'Hamilton se situe dans la zone territoriale des Buffalo Sabres et des Toronto Maple Leafs. Le même jour, le conseil de la ville d'Hamilton approuve à l'unanimité un accord donnant à Balsillie jusqu'à Octobre pour amener l'équipe au Copps Coliseum.
14 Mai – Balsillie rétorque à la NHL que le fait de savoir qui contrôle les Coyotes n'a aucune importance, étant donné qu'une équipe en faillite a des obligations vis-à-vis de ses actionnaires.
15 Mai – Balsillie annonce que deux grosses firmes Canadiennes, Labatt Breweries et Home Hardware, se joignent à lui dans son projet de déplacer les Coyotes en Ontario du Sud.
18 Mai – La NHL reçoit le soutien de la NBA, de la NFL et de la MLB, les trois ligues rédigeant un document demandant à la court de respecter l'autorité de la NHL en ce qui concerne les changements de propriétaire et les relocalisation, étant donné que ce dossier pourrait établir un précédent judiciaire qui pourrait entraver la manière dont ces ligues opèrent.
19 Mai – Le juge Redfield T. Baum ordonne à la NHL et à Moyes d'entrer en médiation afin de déterminer qui est en charge de l'équipe. Il demande aux deux parties de revenir à la court le 27 Mai pour le mettre au courant de la décision, et fixe une audience au 22 Juin.
20 Mai – Un groupe mené par le partenaire minoritaire des Coyotes John Breslow exprime son intérêt en soumettant une offre pour garder l'équipe à Phoenix après avoir remplit un document pour la court où il indique soutenir la tentative de la NHL de bloquer la vente et surtout le déménagement des Coyotes.
21 Mai – Le sénateur Américain Charles Schumer et le New Yorkais Kirsten Gillibrand envoient une lettre au comissaire de la NHL Gary Bettman, indiquant leur ferme opposition à un déplacement des Phoenix Coyotes en Ontario du Sud à cause d'un potentiel danger que cela représenterait pour les Buffalo Sabres.
25 Mai – Balsillie se présente devant les dirigeants de la NHL pour y demander à ce que la propriété des Coyotes lui soit transférée.
26 Mai – Balsillie déclare que son offre de rachat des Coyotes expire le 30 Juin. Il veut déplacer le club à Hamilton dès la saison 2009-10.
27 Mai – Le juge avance la date de l'audition, prévue le 22 Juin, au 9 Juin.
29 Mai – Balsillie révèle un plan de 150 M$ pour la rénovation du Copps Coliseum. S'il s'annonce prêt à couvrir les frais de rénovation à court terme, il annonce également que la ville d'Hamilton peut réclamer des fonds au gouvernement fédéral et au gouvernement provincial afin de rénover ses infrastructures.
30 Mai – Bettman affirme que son opposition à l'offre de Balsillie pour déplacer les Coyotes à Hamilton "n'a rien de personnel." Il affirme également être convaincu que les Coyotes peuvent toujours être viables financièrement dans l'Arizona.
1 Juin – Balsillie dépose le document nécessaire auprès de la NHL pour relocaliser les Coyotes à Hamilton, et fait de même au niveau de la court. Le document est signé de l'ancien commissaire de la CFL Tom Wright.
5 Juin – NFL, MLB et NBA avertissent la court par un document qu'une décision allant à l'encontre de la NHL dans sa tentative de bloquer la vente et le déplacement des Coyotes créerait un dangereux précédent.
6 Juin – Des documents transmits par Bettman à la court indiquent que les propriétaires des Toronto Argonauts (CFL) sont l'un des quatre acheteurs potentiels des Coyotes ayant exprimé un intérêt pour acheter l'équipe et la conserver à Phoenix.
9 Juin – Durant une audience haute en couleur, le juge Baum indique que la NHL a le droit de réclamer une indemnité pour ses droits territoriaux à Hamilton et suggère qu'il pourrait contraindre la ligue à en établit le prix. L'un des avocats de Balsillue mentionne que ce prix ne saurait dépasser 100 M$.
15 Juin – Baum rejette la tentative de Balsillie pour déplacer les Coyotes à Hamilton, déclarant dans un document de 22 pages qu'il n'y avait pas assez de temps pour résoudre toutes les questions avant la date limite imposée par Balsillie au 29 Juin.
16 Juin – Des représentants de Balsillie déclarent au cours d'une conférence de presse que la décision du juge n'est que la dernière étape en date dans ce processus, et que le milliardaire Canadien va poursuivre sa quête d'amener une équipe NHL à Hamilton.
Et maintenant?
Aucun doute, la bataille va continuer, et Balsillie a de nombreux atouts à faire valoir. En substance, son offre n'a pas été rejetée. Le refus est dû uniquement à la date limite fixée par Balsillie, qui ne permettait pas au juge Baum d'examiner l'intégralité du dossier. Mais l'offre en elle-même n'est pas rejetée. Quand à cette date limite, elle était nécessaire dans l'optique d'avoir la franchise à Hamilton dès la saison 2009-10. Le marché des agents libres s'ouvrant le 1er juillet, autant que la question du propriétaire de l'équipe soit réglée avant. Et il aurait même été souhaitable qu'en cas de décision favorable concernant l'offre de Balsillie, l'annonce en soit faite avant le 26 Juin, date du premier tour de la draft 2009.
Sauf revirement spectaculaire, on peut désormais être certain que les Coyotes vont rester à Phoenix pour la saison à venir. Mais le problème reste entier.
Depuis que les Winnipeg Jets ont déménagé pour devenir les Phoenix Coyotes en 1996, le bilan financier a été pour le moins catastrophique. Pas un seul bilan positif en 13 ans d'existence, une perte totale de plus de 300 M$, dont plus de 100 M$ de pertes accumulées au cours des trois dernières années, les Coyotes perdant régulièrement plus de 36 M$ par an depuis trois ans. Malgré tout, Bettman se déclare toujours convaincu que la franchise peut fonctionner à Glendale... Une chose est sûre, je ne lui confierais pas la gestion de mon compte en banque!
Le site même de Glendale en lui-même pose problème. Situé à environ 15 km du centre-ville de Phoenix, il est en plus à l'opposé de la ville par rapport aux principales zones d'habitation. Il faut donc parcourir environ 20-25 km à l'heure de pointe, au milieu des bouchons monstrueux qui encombrent Phoenix, pour aller voir un match d'une équipe qui n'a pas participé aux playoffs depuis 2002 et qui finit tout aussi régulièrement dernière ou avant-dernière de sa division. Qui veut passer deux heures dans les bouchons par 40°C à l'ombre et payer plus de 50$ pour aller voir son équipe se faire battre? Pas grand monde. La patinoire est déserte, et les caisses du club aussi. Et le marché de Phoenix ne montre absolument aucun intérêt pour le hockey sur glace. Guère surprenant en plein milieu du désert. L'équipe reine là-bas, ce sont les basketeurs des Suns en NBA.
Un jour ou l'autre, d'une manière ou d'une autre, il faudra que la ligue se rende à l'évidence: ce marché n'est pas viable pour la NHL.
La ligue s'entête malgré tout à chercher un repreneur qui conserverait la franchise en Arizona... du moins sur le papier. Il est de notoriété publique que les propriétaires des Toronto Argonauts, qui se portent acquéreurs, sont en relation avec un groupe d'investisseurs souhaitant mettre en place une deuxième équipe à Toronto. Le plan semble clair: déclarer qu'on veut garder l'équipe, faire semblant d'essayer pendant une ou deux saisons, afficher les pertes record et demander le droit de délocaliser. Bettman, qui est loin d'être aussi stupide que ce que beaucoup de gens pensent, le sait très bien. S'il s'oppose à Balsillie, c'est purement pour raison personnelle, même s'il s'en défend. C'est déjà la troisième fois que le milliardaire Canadien tente d'acquérir une franchise NHL, et ses deux tentatives précédentes avaient été pour le moins cavalières, ce qui n'a visiblement pas convenu à Bettman. Mais même s'il y a des choses à redire sur cette troisième tentative, l'offre est nettement plus sérieuse, bien mieux structurée, et surtout elle répond à un besoin.
Besoin de quitter Phoenix d'une part, besoin de se refocaliser sur des marchés porteurs comme l'Ontario, et besoin également de renflouer les actionnaires des Coyotes, qui font grise mine depuis longtemps. Et sur ce dernier point, l'offre de Balsillie est une aubaine. Tandis que le très réputé magazine Forbes évalue les Coyotes à 142 M$, soit l'équipe NHL ayant la plus faible valeur, Balsillie pose une enveloppe de 212.5 M$ sur la table, soit un surplus de près de 50%. Si l'on ne connait pas le montant des autres acheteurs potentiels, toutes les rumeurs les placent autour des 125-150 M$, et donc très nettement inférieures à ce qui reste à l'heure actuelle la seule offre ferme sur le bureau du juge.
Tous ces éléments font que Balsillie a encore de bonnes raisons d'y croire. S'il aura sans doute du mal à déplacer la franchise dès la saison 2009-10, il a encore de nombreux arguments à faire valoir pour en faire l'acquisition et ne la déplacer qu'en 2010-11. Il avait d'ailleurs proposer un tel délai d'un an pour faciliter le travail de la ligue en ce qui concerne la mise en place du calendrier de la saison à venir. Très intelligemment, Bettman ne s'était pas prononcé sur le sujet.
| Pearce photo | Jim Balsillie, PDG de Research In Motion Ltd. |
De manière encore plus rusée, il ne s'est jamais prononcé sur le montant de la taxe de relocalisation, après avoir pourtant mentionner qu'une telle taxe serait exigée si l'offre de Balsillie était validée par la court. Toute réponse de la ligue sur ce sujet lui aurait été fatale. Si le montant réclamé était d'un niveau raisonnable (les 100 M$ mentionnés par les avocats de Balsillie), il aurait été accepté immédiatement et Balsillie devenait propriétaire des Coyotes. Si le montant était déraisonnable (les 300 M$ murmurés par des officiels de la ligue hors-micro), Balsillie aurait immédiatement entamé une procédure à l'encontre de la ligue pour violation des lois anti-trust. Et en cas d'échec, il pouvait enocre s'appuyer sur le fait que de telles taxes de relocalisation ne sont pas valables dans le droit Canadien et qu'il ne serait donc pas tenu de les payer en déménageant à Hamilton. Cas litigieux et extrêmement compliqué à l'issue plus qu'incertaine pour les deux parties. Ne prenant aucun risque, Bettman ne fixe pas de prix et joue la montre. Le juge rejette l'offre de Balsillie par manque de temps.
Bettman remporte donc cette première bataille. Mais la guerre est loin d'être terminée... Dans tous les cas, la vente des Phoenix Coyotes se déroulera devant la court du juge Baum, et il n'y a qu'une seule offre en bonne et due forme sur son bureau à l'heure actuelle...
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