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Hockey sur glace - Ligue Magnus
Ramon Sopko : Goalie’s attitude…
 
Au Hockey, le gardien est un joueur à part, sport individuel dans un sport collectif. Son équipement est différent, ses techniques sont différentes, son rôle sur la glace, et son impact aussi.
 
Le Havre, Hockey Hebdo Christophe Haest le 21/04/2008 à 10:24

 

Isolé sur son bout de glace bleutée, le goalie est souvent épié quand le palet est proche, mais les offensifs sont plus souvent la cible des photographes et les spectateurs les couvent des yeux, espérant ne pas louper la passe magique ou la feinte d’extraterrestre.

Chaque joueur a ses manies, untel a son slip de match, l’autre se chauffera toujours les cuisses et seulement les cuisses avec une pommade (et toujours la même), ça met en confiance. Dans un domaine aussi spécial que celui du gardien, ces routines peuvent prendre une dimension extrême. Si cet article ne décrit que la partie visible de l’iceberg, il vous permettra d’estimer la partie immergée de ces manies qui plusieurs heures avant le match amène le gardien vers la partie, pas n’importe  laquelle, celle d’aujourd’hui, celle de sa vie…

Dernier rempart de son équipe, le gardien doit vaincre ou périr, seul, mais pour son équipe. Sport individuel dans un sport d’équipe, la protection du filet nécessite autant de psychique que de physique, sinon plus. Le match repose sur les épaules du gardien, une erreur d’un attaquant est vite oubliée, celle d’un défenseur, peut encore être réparée, celle du portier est fatale, la lumière rouge s’allume et l’adversaire score. Laissant le cerbère dans le trouble et la détresse, s’attirant la colère des fans, la déception de son équipe. Il doit être isolé dans une bulle de concentration protectrice, loin de la joie ou de la déception ambiante, il ne doit se concentrer que sur une chose, une chose de 2,54 cm d’épaisseur, de 7,62 cm de diamètre, et d’un poids situé entre 154 et 170 grammes, oui, il ne doit se concentrer que sur le palet.

Depuis quelques parties, je surveille attentivement Ramon SOPKO, le portier de poche du Dragon de Rouen. Souvent très brillant, il lui arrive aussi de n’être qu’ordinaire. Il n’est qu’humain après tout.  Mais est- il vraiment normal ? Au delà de la blague connue sur toutes les patinoires, comme quoi les gardiens ne sont pas bien dans leur tête,  pour le néophyte, le gardien peut sembler souffrir de TOC, de troubles obsessionnels du comportement.

Sans arrière pensée partisane qui consisterait à vanter SOPKO et à anéantir ses adversaires, l’observation a certes été d’abord celle du cœur, puis celle de la facilité, j’ai vu SOPKO de nombreuses fois sur glace et hors glace. Il s’agit juste ici de faire ressortir ses manies, ses rituels, en l’opposant si possible à celles de ces rivaux. Jouant moi-même à ce poste, je ressens l’importance vitale de ces rituels, de ces gris-gris, et je vais essayer de vous les faire partager.


Photo hockey Ligue Magnus - Ligue Magnus - Ramon Sopko : Goalie’s attitude…
Stéphanie Ouvry


Le petit bonhomme (173cm – 77 kg) est attachant, réservé, un poil secret. Bien qu’arrivé en 2005 en France à Tours, puis en 2006 sur les bords de Seine, on a encore affaire à la différence de culture certainement, et aussi ce poste si particulier, le gardien. Toujours le gardien dans sa bulle. Je me revois quitter la patinoire de Rouen un soir frisquet, mon sac de gardien amateur plein d’une valise de pucks rouennais récupérés au fond de mon filet après une sévère déculottée. Agacé, fatigué, la tête basse, j’avançais péniblement, dernier de l’équipe, oublié par les fantassins de la glace, je me traînais, la double porte, dernière épreuve avant l’air libre. Encore une épreuve, les crosses dans une main, le sac que je tire de l’autre main, je porte sur le dos le poids d’une défaite que le gardien ne partage que rarement. La porte s’ouvre toute seule, je regarde à peine, je profite de l’aubaine, je lève la tête pour remercier l’inconnu, qui ne l’est pas inconnu. Ramon SOPKO en personne m’ouvre la porte, la tient grande ouverte, il m’ausculte des yeux, remarque le gros sac, les crosses, il sourit, avec presque de la tendresse, je fais 15 cm et 25 kilos de plus que lui, mais c’est moi le môme, lui la star…  Il comprend, je suis sûr qu’il comprend, il lâche un « courage » quand je passe, je bredouille un « merci, merci beaucoup ». La famille est là, elle a tout vu, le rose aux joues, je rejoins les joueurs de ma petite équipe…




Phases finale de la Coupe Magnus 2008, Rouen reçoit Angers en demi et Briançon en Finale.

Photo hockey Ligue Magnus - Ligue Magnus - Ramon Sopko : Goalie’s attitude…
Stéphanie Ouvry
Grande occasion oblige, les joueurs rouennais entrent sur la glace dans un nuage de fumé, Ramon SOPKO en tête,  l’entrée est réussie, voici venir les gladiateurs des temps modernes…

Ramon entre sur la patinoire, il se positionne sur la ligne bleue rouennaise, au centre, comme souvent le gardien, fait face à l’adversaire et salue. Il se retourne et fait face au but, son but. Il prend une profonde respiration, ses épaules montent et descendent. Il s’immobilise.

Que fait il donc ? Il défie son but du regard, se l’accapare, l’amadoue, le prie, lui parle, revoit ses meilleurs arrêts, se voit parfait, se voit pratiquer, se voit vaincre… Sans aucun doute un peu de tout ça.

Il pique un sprint jusqu’au slot et s’arrête contre son poteau gauche, en position, sans arrêter le mouvement, il entame le griffage de son slot, le nettoie. Il répète quelques papillons. Il prend possession de sa zone à lui, de sa bulle, il est déjà dans son match, depuis longtemps. Mais là, on y est.

Photo hockey Ligue Magnus - Ligue Magnus - Ramon Sopko : Goalie’s attitude…
Stéphanie Ouvry
Anecdote : Contre Briançon, début de second tiers, Ramon est en plein dans son rituel, au bout de son sprint, il arrive à son poteau gauche. Malheureusement, le zèbre est en plein rituel aussi, il vérifie le filet et ne voit pas le gardien de poche arrivé dans son dos. Les deux hommes se télescopent, sans violence, échange de regards, l’arbitre est gêné mais doit inspecter le filet, le slovaque quant à lui joue déjà son match, il fixe méchamment l’arbitre, qui plie bagage sans demander son reste devant la détermination du portier qui reprend son rituel.

L’arbitre fait signe aux gardiens, SOPKO économise son geste, il est prêt, un léger signe de tête à peine perceptible.

Durant le match, un poil, non franchement maniaque, il nettoie son slot tout le temps, il ne bouge pas beaucoup, ne quitte pas sa zone. En face KOIVULA ou BRONSARD semblent faire les cents pas, devant la zone, ils quittent la zone, l’un fait des huit pendant les arrêts de jeu, l’autre des allers retours contre la bande, afin de garder la concentration !!

Les arrêts de jeu,  parlons en...

SOPKO se positionne pour une mise au jeu proche. Il opine nerveusement du chef pour bien positionner son masque, arriver à ne plus sentir cette pièce d’équipement est l’objectif de tout gardien, tout en préservant au mieux sa vision. Un ou deux coups de tête de bas en en haut et deux trois de gauche à droite. Il claque sa crosse sur la glace, et positionne sa mitaine.

Sa mitaine, parlons en aussi. En position haute, il l’ouvre et la ferme rapidement deux fois, comme pour se rassurer, oui elle est bien là au bout de ma main, prête à chopper le palet. Sans se moquer, impossible de ne pas penser à Popek, à une marionnette qui va faire le show.

En position basse (souvent en infériorité numérique d’ailleurs) Ramon baisse sa mitaine, juste au dessus de sa palette, et croyez le, il analyse finement la position des adversaires et reçoit souvent un tir bas quand il choisit cette option.  Anticipe t’il le jeu adverse ou le provoque t’il ??

En phase de jeu, il communique beaucoup avec son escouade défensive.

Le palet file derrière le but, sur la bande gauche, il lève le bras gauche vers le palet. Vers la droite, la crosse file vers le ciel…

Il crie à sa défense, l’invective, la guide, la dirige, la commande. Il engueule même vertement le coach et le banc entier quand, lors d’un mauvais changement de ligne il se retrouve en situation délicate.

Contrairement à de nombreux gardiens, il ne redonne pas le puck aux arbitres, il l’arrête, le gèle, l’arbitre siffle, il le relâche aussi sec, d’un geste rapide, comme pour ne pas s’attacher à ce petit morceau de caoutchouc, ou pour ne pas apprivoiser cette petite bestiole sauvage.

KOIVULA rend le palet aux arbitres classiquement, BRONSARD le rend aussi, mais en faisant ressortir le palet de la mitaine, pour se le déposer sur la base du pouce !!

Le calme ...

SOPKO s’énerve rarement après l’arbitre,  mais quand ça sort, ça sort, le lutin s’agite, les bras partent dans tous les sens.

Sa colère lors de la Finale de Coupe de France à Bercy restera dans les annales, touché au masque par la crosse du joueur ayant marqué un tir de barrage, il criera à l’injustice (injustement d’ailleurs, mais ce n’est que mon avis) avec véhémence.

Rouen domine, les joueurs marquent, prennent le dessus, après un but, ils veulent congratuler SOPKO, mauvaise idée, le portier refuse et fait signe que le match n’est pas fini, il refuse la joie qui étreint ses co-équipiers.

Rouen prend un but, SOPKO, s’isole, patine sur le côté de son but, il fait le vide, stoppe la tempête sous le masque, et passe au tir suivant. C’est plus facile pour lui, que pour les portiers adverses. Prendre un but quand on possède une telle armada offensive dans son équipe, ça n’est pas un drame.

Faut dire aussi, les 2600 supporters rouennais scandent son prénom ou son nom (les deux écoles s’affrontent amicalement), ça doit rudement remettre en selle.  Même chose et plus fortement encore quand il frustre les offensives adverses.


On a déjà vu le Dijonnais HURAJT Radovan péter les plombs en quarts de finale contre Rouen et quitter la glace tellement il était dégouté par la puissance des avants rouennais, et surtout l’impuissance de son escouade défensive.

Il y a quelques saisons HIADLOVSKY avait subi le même triste sort.


 



De son côté, KOIVULA s’agace, on le sent, son patinage est plus heurté, il tente des assouplissements dans son slot, mais de ce fait, s’il travaille à récupérer physiquement et psychiquement, il envoie un message aux rouennais, il est touché moralement et lutte pour rester concentré !!




BRONSARD n’aura pas le temps, vite sollicité à chaque début de partie à Rouen, il montrera qu’il n’est pas dans le coup en début de match, se refaisant plus tard, il commencera péniblement ses parties rouennaises, il lance lui aussi un mauvais message aux dragons, il est fébrile. C’est compréhensible, la meilleure offensive du championnat face à lui, ça met la pression. Il a pourtant fait une brillante saison, mais là ses entâmes de matches seront limites, pourtant il reviendra dans la partie et offrira une très belle prestation face aux coups de boutoirs rouennais.


Photos : Stéphanie Ouvry


Ramon SOPKO pendant ces play-offs a été royal, il a clairement racheté son début de saison moyen. Il a ajouté la sérénité qui lui avait cruellement manqué la saison dernière. Il a montré si besoin est que le gardien de hockey n’est pas encore obligatoirement un géant. Et le staff orné du dragon ne s’y est pas trompé, il a été un des premiers à renouveler son bail pour la saison prochaine.

 

 
 
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Réactions sur l'article
 
tophie a écritle 28/04/2008 à 15:32  
Merci pour le commentaire, pour ma part j'avai bien remarqué les petits grigris de ramon depuis bien longtemps et qui pour ma part me font craqué et je suis très heureuse qu'il ai resigné pour la saison prochaine merci a toi petit ramon
Niko a écritle 23/04/2008 à 23:55  
Merci pour cet article, très bien écrit comme d'habitude.
On parle souvent de la bulle que les Goalies se créent pendant les matchs. Certains comme Cédric Dietrich (Amnévillois cette année et ancien Gapençais et grenoblois) laisse passer un peu de monde extérieur au travers de leur bulle, car lors de son entrée sur la glace, Cédric n'hésitait pas cette saison à nous lâcher un petit clin d'oeuil à peine visible sous le casque lorsqu'on l'encourageait. Un petit geste pour lui, une grande joie pour nous. Merci Cédric....
Valy76 a écritle 23/04/2008 à 12:43  
Merci beaucoup pour cet article !!! La lumière se lève sur les gardiens ... Bel article !
Christophe HAEST a écritle 21/04/2008 à 23:34  
--> Athanadoc
Effectivement, tu as raison, je le savais en plus, dans l'émotion de la rédaction, ma fourche à langué Désolé.
Ramon Sopko est bel et bien une trouvaille du sorcier Millete, qui lui est aussi un grand bonhomme de hockey.
Nabulio a écritle 21/04/2008 à 22:19  
Je comprends mieux les TOC de Hiadlovky alors ainsi que ceux des autres gardiens. Je ferai plus attention aux portiers que je verrai jouer.
laurent a écritle 21/04/2008 à 21:49  
Bravo pour ce focus qui lève le voile sur certaines manies des gardiens.
J'ai rencontré Sopko après le troisième match à Briançon, un grand monsieur qui sait aussi sourire.
Voir album photo de la finale.
A
Athanadoc a écritle 21/04/2008 à 21:09  
Superbe article, finement écrit : Félicitations à Christophe.
Juste une petite remarque, un TOC est un trouble obsessionnel compulsif, et non pas un trouble obsessionnel du comportement.
Il correspond à la résolution d'une pensée obsessionnelle souvent anxiogène par un acte étrange, parfois incompris des autres, compulsif, qui permet de résoudre cette angoisse.
Encore bravo pour ce texte !
Ath
asgt a écritle 21/04/2008 à 21:02  
cool cette article sur ce gardien qui est pour moi le meilleur du championnat de france.Mais faut pas oublier que cette trouvaille a été faites part monsieur Millete et que Ramon a fait sa meilleur saison a Tours, dommage qu'on n'est pas peu le conservé plus longtemps mais ses toujours un plaisirs de le revoir dans notre patinoire alors a bientot Ramon et bonne chance pour la nouvelle saison. allez lesdiablesnoirs.
Christophe HAEST a écritle 21/04/2008 à 20:58  
Merci pour les compliments.
Effectivement Ramon SOPKO ne boit pas. C'est à souligner.
Pour le secouage de tête, il y a plusieurs raisons pour le gardien de faire ça : il replace son masque, et met les trous de la grille en face de ses yeux selon l'angle qui lui convient le mieux. Enfin, il fait tomber les gouttes d'eau qui sont sur le masque , sur son front sur les sourcils afin d'éviter qu'elles n'aillent dans les yeux.
Etant gardien, (bien modeste) je comprends ces rituels et j'ai essayé de vous les faire partager.
zed a écritle 21/04/2008 à 20:49  
un article très bien écrit, en le lisant j'ai revu les play offs. un détail supplémentaire le concernant, il ne boit jamais ne va jamais au temps mort, c'est vraiment quelqu'un à part.
bronsard a été excellent en saison régulière mais Sopko royal, quand au gardien dijonnais, son pétage de plomb restera dans les annales, surtout que leur 2eme gardien a été plus digne mais surtout plus efficace!
un lien pour illustrer le rituel de Sopko, avec " le conflit " avec l'arbitre, 2 eme tiers contre briançon!
http://www.dailymotion.com/relevance/search/sopko/video/x4w9d9_ramon-sopko-le-rituel_sport
Dragon a écritle 21/04/2008 à 13:54  
Super article! c'est bien d'essayer de comprendre ce qui se passe dans la tête du gardien. Très intéressant et bien écrit. Bravo
Nabulio a écritle 21/04/2008 à 12:50  
Très bel article qui nous fait mieux comprendre ces petits toc que l'on voit très souvent chez les gardiens. A Tours, Hiadlovsky semble tout le temps donner des coups de tête dans le vide tout au long de la partie.
 
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