Créé avant la seconde guerre mondiale par l'ex-capitaine tricolore Jacques Lacarrière, le club des Français Volants de Paris est rapidement devenu
l’une des grandes attractions du hockey sur glace français. Parce qu’il jouait régulièrement dans la grande patinoire du Vel’d’Hiv (parfois devant plus de 10 000 spectateurs !) contre des professionnels canadiens qui renforçaient également le Racing-club de France, les Rapides de Paris et le Stade Français. Malheureusement, après la fin de la guerre et le départ des renforts étrangers, les hockeyeurs franciliens, privés d’adversaires spectaculaires et livrés à eux-mêmes, ont connu ensuite une longue traversée du désert. La raison de leur retour dans un anonymat prolongé fut également la détérioration des installations du vieux vélodrome d’hiver qui provoquèrent sa fermeture définitive en 1958.
Du coup, les clubs corporatifs de hockey qui s’affrontaient dans l’ancien Vel’d’Hiv, ont presque tous disparu et les joueurs français encore motivés furent contraints de trouver des patinoires de repli en s’entrainant notamment dans la patinoire « Fédérale » de Boulogne-Billancourt lors de son ouverture en 1955. Faute de trouver une nouvelle piste de glace pour l’héberger seul et en permanence - sans avoir à se partager les heures de glace avec les clubs de hockey adverses et ceux du patinage artistique - les Français Volants se sont volontairement mis en « hibernation » avec un retrait momentané du championnat élite jusqu’en 1964. Mais la plupart de ses joueurs sont restés fidèles et ils ont accepté, en attendant des jours meilleurs, de rejouer sous le maillot des « Volants » malgré une errance très frustrante dans plusieurs patinoires de la région parisienne à savoir celles de Charenton, Colombes, Montparnasse, Dammarie-les-Lys, Meudon-La-Forêt, Vitry-sur-Seine, Paray-Vieille-Poste ou encore Ivry-sur-Seine.
L’occasion inespérée de retrouver tout à la fois son lustre d’antan, un nouveau fief permanent et une remontée rapide au sommet du championnat de France fut, au bout de vingt ans d’attente, l’inauguration du nouveau Palais Omnisports de Paris-Bercy en 1984. En effet, les Français Volants, soutenus désormais par de nombreux sponsors (Nike, Carrera, NRJ, Merlin-Plage, Vidéo-Bis, France-Patinoires, Thomson, Europe 1, POPB) ont pu enfin trouver un véritable point d’encrage digne de ce nom et revenir au premier plan. Grâce aussi à la présence dans son équipe senior des plus grandes vedettes de l’époque, comme les internationaux tricolores Daniel Maric, Stephan Clout, André Peloffy, Antoine Richer, Christophe Ville, Peter Almasy ou encore Denis Perez, les Français Volants sont redevenus
la tête d’affiche du hockey sur glace français en remontant immédiatement au sommet de la « Nationale A » rebaptisée depuis la Ligue Magnus.
Preuve de ce retour en grâce aux yeux du grand public, quelques mois seulement après leur installation quai de Bercy, les « Volants » furent invités
au journal télévisé de 13 heures sur TF1 animé par le célèbre présentateur Yves Mourousi. Ce fut un honneur et une sacrée promotion pour le club cher à la célèbre famille Malletroit qui a vu jouer successivement quatre de ses membres : Eric, Frédéric, Ludovic et Cedric.
Pourtant, aujourd’hui, les Français Volants, qui avaient bénéficié d’une nouvelle exposition médiatique très importante à cette époque, n’ont pas pu conserver longtemps leur prestige et ils sont retombés une fois de plus dans un relatif anonymat en évoluant désormais modestement en Division 2. Alors, comment expliquer cette chute soudaine ? Que s’est-il passé pendant cette trentaine d’années passées et comment le hockey sur glace français
a-t-il pu perdre une fois encore son Paris ? Car le corollaire fut la perte de son pouvoir attractif dans notre sport et aux yeux de la presse sportive nationale. Pour les plus jeunes d’entre vous qui n’ont pas connu la véritable « fièvre » suscitée par les Français Volants, voici un petit rappel historique.
Dès son ouverture en 1984, tout le monde pensait que le Palais Omnisports de Paris-Bercy deviendrait à coup sûr la grande
« vitrine » du hockey sur glace français. Sa magnifique patinoire, pouvant accueillir jusqu’à 14 000 spectateurs, allait permettre à cette discipline, affirmait-on dans les médias, de prendre enfin un essor décisif. Mais pour cela, les responsables du POPB et les dirigeants du club de hockey parisien avaient mis dès le départ une condition sportive impérative : que les Français Volants deviennent rapidement
champions de France. « Le titre sinon rien ! », déclarait péremptoirement dans la presse l’ancien président du club Thierry Lacarrière.
A force de répéter sans cesse cet argument, tout le monde y avait cru, même les plus réticents qui reprochèrent pendant longtemps au club parisien son comportement un peu trop tapageur et le monopole quasi-permanent qu’il exerçait dans les médias nationaux. En d’autres termes, tous les autres clubs de l’élite - dont la très grande majorité se trouvaient dans les stations des Alpes - étaient jaloux de cette surexposition dans la presse, notamment à la télévision (qui portait encore de l’intérêt à notre sport), mais ils avaient finalement accepté de jouer le jeu, un peu à contre-cœur, uniquement «
pour la grande cause », celle du hockey sur glace français.
Toutefois, après l’ouverture du POPB la nouvelle Coupe Magnus que je venais juste de créer et qui était tant convoitée, ne cessa de glisser avec perversité entre les doigts des joueurs de la capitale dirigés, à l’époque, par des entraîneurs visiblement pas tous à la hauteur de la tâche. C’est ce qui explique que l’on vit passer comme un véritable défilé de mode : Mike Fedorko (avec son célèbre chapeau), Paul Lang, Gaétan Clavet puis André Peloffy. Il faut reconnaître que ce dernier, ancien capitaine des Tricolores, qui était à la fois entraîneur et joueur, eut quand même le grand mérite de réussir à décrocher enfin avec ses coéquipiers le titre de champion de France tant attendu au mois d’avril 1989.
Malheureusement, il était déjà beaucoup trop tard…
En effet, entre-temps Andy Dickson, le directeur du POPB, qui voulait se débarrasser des sports d’équipe jugés trop peu rentables comme le basket et le hockey (malgré ses dénégations publiques), trouva mille prétextes pour obliger les Français Volants à jouer pratiquement tous leurs matches de la Nationale A, soit sur d’autres patinoires de la banlieue parisienne, soit sur la petite piste annexe de Bercy dont la capacité maximale était de trois cents places ! Autrement dit, dans un anonymat presque total...
« Nous sommes les palestiniens du hockey », se lamentait à nouveau le président Thierry Lacarrière en utilisant cette fameuse métaphore car il voyait son équipe être de nouveau sans cesse ballottée de patinoire en patinoire. Cette errance déroutait complètement les joueurs mais aussi les supporters des hockeyeurs parisiens qui avaient beaucoup de mal à suivre les déplacements imprévisibles de leurs joueurs favoris.
C’est ainsi par exemple qu’au mois de décembre 1986, une bonne centaine d’amateurs de hockey parisiens attendaient bien sagement l’ouverture des portes de la patinoire de Colombes, un samedi soir à 20 heures, pour assister à un match annoncé uniquement
par le bouche-à-oreille entre les Français Volants et Villard-de-Lans. Malheureusement, après plus d’une heure d’attente, aucun joueur ne fit son apparition provoquant la surprise générale dont celle, pour le moins cocasse de l’adjoint chargé des sports de la mairie de Colombes, tout étonné lui-aussi de ce gag incompréhensible !
En fait, aucune affiche n’avait été apposée par les dirigeants des Volants dans toute la région parisienne tant est si bien que finalement il s’avéra que la patinoire de Colombes n’avait jamais prévue d’organiser le match ce soir-là ! En désespoir de cause, les spectateurs et les journalistes laissés ainsi à l’abandon devant l’entrée de la patinoire, tentèrent de savoir par téléphone si ce match tant attendu n’allait pas avoir lieu finalement à Boulogne, à Asnières, voire à Courbevoie mais lors de tous ces appels personne n’était au courant. D’autant qu’à l’époque internet et les réseaux sociaux n’existaient pas encore. Il fallut attendre le dimanche après-midi et un communiqué pour le moins sibyllin publié par la Fédération française des sports de glace, pour apprendre avec stupéfaction que la rencontre avait été disputée finalement la veille à Cergy-Pontoise !
Pourtant l’argument avancé par les responsables du POPB selon lequel le hockey n’attirait pas assez de spectateurs pour être rentable sur la grande piste de Bercy était faux. Sans atteindre l’ampleur du succès phénoménal que connut le hockey sur glace dans l’ancien Vel’d’hiv au cours des années d’avant-guerre, les Français Volants commencèrent à jouer à Bercy devant exactement
3785 spectateurs, puis
4419 lors du deuxième match,
6980 au troisième et enfin
11 198 lors du fameux match contre Saint-Gervais le samedi 7 décembre 1985. Ce duel au sommet devait devenir le record absolu dans l’histoire du championnat de France !
Mais Andy Dickson avait fait un choix sans appel puisqu’il déclara un jour : « L’organisation d’un match de hockey sur glace dans la grande salle de Bercy nous coûte de l’argent, au minimum 50 000 francs, alors qu’un concert de Michel Sardou par exemple nous rapporte au contraire environ 500 000 francs... ». Autrement dit, on préfèra remplir la salle avec des concerts de stars de la chanson ou des spectacles de « Holiday on Ice » plutôt que l’exploiter à moitié vide avec des hockeyeurs.
C’est ce qui explique que le sacre tant espéré des Français Volants de Paris en 1989 se déroula presque
à huis clos. Après avoir été contraint de disputer le match aller de la finale à Amiens, dans l’ancienne patinoire Coubertin qui était un hangar exigu et délabré, totalement indigne d’un tel événement, les deux prétendants au titre durent jouer à nouveau le match retour dans des conditions déplorables.
Cette deuxième manche décisive, que j’ai eu l’occasion de commenter à la télévision tout en faisant le compte-rendu dans le journal L’Equipe, eut lieu en effet dans la banlieue parisienne sur la patinoire de Colombes où la quantité restreinte des places (800) limita considérablement le nombre d’amateurs qui désiraient assister à ce qui allait être pourtant le troisième couronnement des Français Volants après ceux de 1936 et 1938. A défaut d’un véritable feu d’artifice, qui aurait permis au hockey français de conquérir enfin une plus grande audience, les Français Volants eurent seulement droit
à une petite fête de famille...
Cette lamentable conclusion, qui avait beaucoup déçu les nombreux partenaires des Volants, devait annoncer la fin de la présence de l’équipe parisienne dans l’élite du hockey hexagonal. En effet, son président, Thierry Lacarrière, qui avait du mal à continuer à vendre
un produit mal exposé et dévalorisé, préféra arrêter les frais plutôt que de déposer le bilan comme c’était devenu une mode regrettable dans presque tous les autres clubs.
« C’est une question d’honneur et d’amour propre, dit-il. Je préfère saborder mon équipe avant qu’il soit trop tard plutôt que d’aller vers un inévitable dépôt de bilan et de demander ensuite à la ville de Paris d’éponger nos dettes. Le club des Français Volants, créé par mon père, il y a cinquante ans, a une trop grande histoire pour utiliser de tels procédés et finir aussi lamentablement. J’attendrais donc des jours meilleurs. »
Aujourd’hui, plus de 30 ans après leur sacre, les Volants attendent encore une nouvelle occasion de retrouver leur standing passé dans le championnat élite de la Ligue Magnus. Lors des élections à la mairie de Paris en 2001, le candidat de droite Philippe Séguin, avait donné un fol espoir à tous les passionnés de hockey sur glace qui souhaitaient retrouver une
vitrine de notre sport dans la capitale puisqu’il avait promis de construire une nouvelle patinoire de 5000 places dans le 13
e arrondissement en cas de succès. Mais c’est finalement le candidat de gauche Bertrand Delanoë qui remporta l’élection et ce dernier ne reprit pas ce projet à son compte. Par ailleurs, Anne Hidalgo, qui lui a succédé à l’hôtel de ville en 2014, est restée également …de glace. Voilà donc comment et pourquoi le hockey français a perdu jusqu’ici son
« Paris ».
Et qu’on le veuille ou non, cet échec continue à causer un tort considérable à l’ensemble de notre discipline qui reste privée depuis maintenant plus de trente ans d’une véritable exposition promotionnelle dans la capitale malgré les efforts louables des dirigeants et des joueurs actuels des Français Volants.
Pour couronner le tout, le club des Français Volants, qui a la particularité de regrouper dans une même association le patinage artistique et le hockey, est victime actuellement de fortes turbulences internes. En effet, le nouveau président général du club, Pierre Thauron, et le responsable de la section du hockey, Fabien Merel (nommé récemment par le comité directeur), devront gérer au mieux prochainement le projet de
scission définitive des deux disciplines
après 88 ans de vie commune. Une scission dont ils ne sont pas a priori opposés si elle est concertée et bien préparée en amont avec l'aval de la ville de Paris et de l'AccorHotelsArena. Car l’ancien gardien de but tricolore Eddy Ferhi (41 ans) et plusieurs membres parisiens ont pour objectif la création d’un nouveau club de hockey totalement autonome dans la capitale. On connaîtra le sort de cette « volonté d'indépendance » inédite au cours du mois de juin à l’issue des trois assemblées générales (club, ligue et fédération) qui devront décider qui sera autorisé à prendre officiellement en main les Volants et tenter un nouveau « Paris » pour le hockey français.