La saison sportive 2021-2022 s’achèvera par un changement très important pour l’avenir du hockey sur glace français. Je veux parler de l’élection, au mois de juin prochain, du nouveau Comité directeur de la FFHG. L’évènement sera d’autant plus attendu qu’il y aura en même temps la désignation
d’un nouveau président puisque Luc Tardif va mettre un terme à son long mandat qui aura duré 18 ans au total !
Dans cette période record, qui lui a permis d’égaler celle du légendaire Jacques Lacarrière, le président Luc Tardif aura dirigé l’ancienne Autorité Exécutive du Hockey Français (AEHF) puis exercé quatre mandats successifs à la tête de la nouvelle fédération autonome depuis sa création en 2006. Mais son départ pourrait peut-être avoir lieu dès la fin de ce mois de septembre, si Luc Tardif était élu président de l’IIHF puisqu’il fait partie des cinq candidats officiels en lice au congrés de St Petersbourg.
A l’occasion du changement de gouvernance fédérale qui se profile, notre sport ne pourra pas faire, à mon avis, l’économie
d’une sérieuse remise en question. Non pas que je juge le bilan de Luc Tardif négatif, loin s’en faut ! Au contraire, en toute objectivité l’histoire rendra justice à ce franco-canadien pour son apport indéniable à notre discipline. Ne serait-ce que pour lui avoir permis de devenir indépendante. Malgré les inévitables critiques, mais aussi des erreurs de communication et les tensions quelles ont provoqué ces derniers temps.
Si une remise en question globale me semble nécessaire, c’est tout simplement parce que les hommes vont changer avec des caractères et des méthodes différentes. D’autant que le nouveau président devrait être - à priori - l’ancien hockeyeur international et homme d’affaire Pierre-Yves Gerbeau.
Ensuite, parce que la longue expérience que j’ai acquis comme journaliste et historien du hockey sur glace français, m’amène aujourd’hui à la conclusion que notre sport favori est désormais arrivé à la fin d’un cycle et se trouve à la croisée des chemins. Autrement dit, je suis persuadé que pour continuer à avancer
l’heure d’un nouveau grand choix politique a sonné.
De quel grand choix s’agit-il ? Comment suis-je arrivé à cette conclusion que je juge vitale ? D’abord en observant avec beaucoup de regret que « l’idylle » médiatique dont bénéficiait jadis notre sport est malheureusement terminée depuis déjà plusieurs années pour les diverses raisons que j’ai déjà expliqué en détail dans ma Tribune numéro 6.
Ensuite, il y a la rétrogradation récente de l’équipe de France masculine dans la Division 1 mondiale qui nous prive depuis deux ans de sa présence dans l’élite planétaire. C’est un coup très dur. Sans parler de son nouvel échec cet été lors du tournoi de qualification olympique organisé en Lettonie qui la prive également
depuis maintenant 20 ans de la vitrine indispensable que représentent les J.O. d’hiver. Cette double absence des hockeyeurs tricolores sur la scène internationale, aux
Championnats du monde et aux
Jeux olympiques, alors que nos Bleus ont été capables pourtant de battre parfois avec héroïsme les plus grandes nations sur un match, est un grave handicap pour l’image du hockey et pour sa promotion car cette absence diminue considérablement l’intérêt de la presse et du grand public néophyte pour notre sport.
Si j’ajoute un autre fait récent, à savoir que le volley et le hand, ont été sacrés champions olympiques lors des récents J.O. de Tokyo, pour moi l’affaire est malheureusement très mal engagée pour ne pas dire entendue ! Car le hockey sur glace français ne pourra plus espérer concurrencer ces deux sports comme ce fut le cas dans le passé en termes d’exposition dans la presse. D’autant qu’il faut ajouter le basket dans la liste des sports d’équipe concurrents qui nous devancent désormais. Il suffit de lire le journal sportif L'Equipe pour se rendre compte de la différence de traitement de ces sports, évoqués presque quotidiennement, avec le hockey traité en revanche que très épisodiquement malgré un fort coefficient de sympathie et de curiosité.
Bref, après ce « décrochage » avec le BHV (Basket-Hand-Volley), c’est à contre-cœur que je suis obligé de constater aujourd’hui que le hockey sur glace est devenu désormais en France un sport
marginalisé. Il faut être lucide : aux yeux de la presse nationale et du grand public, le hockey a désormais l’image, certes sympathique mais un peu humiliante, d’un sport
« exotique » pour reprendre l’expression employée par plusieurs de mes confrères journalistes.
Partant de ce constat cruel que le hockey sur glace ne sera jamais un grand sport en France (n’oublions pas qu’il comptait seulement 21 969 licenciés avant la crise sanitaire), l’humilité s’impose face aux 685 000 licenciés du basket, 550 000 du hand et 180 000 du volley qui bénéficient de surcroît dans leur pratique d'un coût de revient beaucoup moins élevé. Il me semble urgent que nos futurs dirigeants organisent à nouveau une sorte
d’états généraux du hockey sur glace français comme ce fut le cas en 2001 à Grenoble. Toutefois, une assemblée d’experts plus réduite sera sans doute un moyen beaucoup plus efficace et plus facile à organiser qu’un barnum pléthorique. Mais quelle que soit l’option choisie, il est urgent à mon avis qu’une table ronde se penche rapidement sur l’avenir de notre sport.
En effet, en prenant en compte la réalité des choses, il existe à mon sens que
deux possibilités d’action pour nos futurs dirigeants fédéraux et nos présidents de clubs. D’abord, il y a la solution de facilité qui consiste à se résigner et à continuer de diriger le hockey sur glace français « à la petite semaine », reclus dans son microcosme, sans autre ambition que gérer ses affaires au jour le jour en espérant des jours meilleurs. Autrement dit, en considérant son déclin médiatique et ses résultats sportifs actuels comme des choses inéluctables en essayant juste de rester de bons gestionnaires d’une discipline pratiquée entre passionnés, uniquement pour le plaisir et en grande majorité par des amateurs.
Je comprends que cette façon minimaliste de voir les choses, qui a ses partisans, peut se défendre. Mais ce n’est pas mon opinion, ni celle de la grande majorité des fans de hockey puisqu’ils remplissent nos patinoires avec beaucoup d’enthousiasme ! Car, dans ce cas, c’est accepter la poursuite de championnats stagnants, donc sans progression, notamment celui de la Ligue Magnus, qui est censé représenter la « vitrine », avec ses nombreux renforts étrangers, certes volontaires, mais de seconde main et ses joueurs français qui se contentent également d’une compétition « professionnelle » qui n’en a uniquement l’apparence au point que nos meilleurs talents continuent leur exode régulier à l’étranger faute de perspective plus motivante chez nous.
L’autre possibilité - celle que je défends -
c’est de continuer à avoir la foi et de croire que le hockey sur glace conserve encore, malgré le contexte actuel défavorable, des atouts potentiels pour refaire surface médiatiquement et sportivement. Doit-on désespérer en assistant actuellement à la construction de nouvelles patinoires, comme par exemple celle d’Angers récemment, ou à l’agrandissement de celle de Rouen qui s’est offert une nouvelle tribune avec 350 places supplémentaires ? Même si leurs capacités restent trop limitées et jettent le doute pour un hockey en expansion ? C’est un sujet qui mérite d’être débattu.
Il faut donc profiter des prochaines élections au comité directeur et à la présidence de la FFHG, pour tenter de donner
une nouvelle impulsion au hockey français en faisant notamment rapidement un signe fort en direction de tous les observateurs pour marquer leurs esprits et remotiver les troupes.
C’est pour cette raison que je suis partisan d’organiser ce que j’appellerais plus précisément un symposium (réunion de spécialistes selon le dictionnaire) et profiter de l’occasion pour faire pour la première fois
un bilan rétrospectif des 50 dernières années d’évolution de notre discipline. Pourquoi suis-je en faveur d’un retour analytique sur une période aussi longue ? Non pas pour ressasser indéfiniment le passé, mais tout simplement pour bien identifier ses maux en faisant apparaître sur un bilan avec deux colonnes distinctes, ce qui a marché ou pas depuis la fameuse opération gouvernementale baptisée à l’époque « le plan des cent patinoires » qui fut lancée juste après les J.O. de Grenoble en 1968 et mis en pratique dès le début des années 1970.
Lors de cette nouvelle table ronde, il faudrait mettre en exergue quelles furent, depuis le lancement de ce plan, les belles réussites (car il y en a eu !), mais aussi les nombreux échecs du hockey sur glace français afin de ne pas reproduire les mêmes erreurs. L’objectif de cette réunion exceptionnelle serait de faire enfin une analyse approfondie et sans concession de l’état du hockey français en identifiant précisément ses faiblesses et ses atouts, mais surtout en s’achevant par
des propositions concrètes.
Pour sortir notre hockey de son isolement, il faut impérativement trouver des nouvelles solutions novatrices qui permettront d’apporter des corrections à la fois dans les domaines sportifs et de la communication afin de sortir notre sport favori de l’ornière et continuer à le faire progresser.
Je publierai un bilan positif et négatif dans une nouvelle « Tribune Libre » mais je suggère d’ici là que nos nombreux lecteurs réagissent et donnent également leur avis pour alimenter positivement ce débat qui s’imposera inévitablement aux nouveaux élus.