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Hockey sur glace - Tribune libre de Tristan Alric
Hockey sur glace - 5 / RENFORTS ETRANGERS : PEUT-ON ENCORE REDUIRE LEUR NOMBRE ?
 
Depuis plus de quarante ans Tristan Alric a été l’acteur et le témoin privilégié de l’évolution du hockey sur glace en France. D’abord comme joueur puis comme arbitre. Ensuite, en devenant le journaliste spécialiste du hockey sur glace dans le quotidien sportif L’Equipe pendant plus de vingt ans. Auteur de nombreux livres et d’une récente encyclopédie qui font référence, Tristan Alric a marqué également l’histoire du hockey français en étant le créateur de la Coupe Magnus et des divers trophées individuels. Avec un tel parcours, il est donc bien placé pour avoir une analyse pertinente sur notre sport favori. Le site Hockey Hebdo est donc heureux de lui permettre de s’exprimer régulièrement dans cette rubrique.
 
 


Tribune N° 5


Comme je l’ai expliqué dans ma tribune précédente, la pandémie du Coronavirus aura inévitablement des conséquences préjudiciables dans les mois à venir pour le hockey sur glace français. Dès lors, des économies devront être décidées par nos dirigeants s’ils veulent pérenniser leurs clubs et revoir de ce fait leur politique de recrutement.
 

A mon avis, le hockey sur glace français devrait profiter de cette nouvelle période difficile qui s’ouvre pour prendre une décision courageuse. Je veux parler de la réduction du nombre de renforts étrangers qui évoluent dans nos divers championnats de France, depuis la Ligue Magnus jusqu’à la Division 3. En effet, ce sujet revient systématiquement dans toutes les discussions dès lors qu’il s’agit d’évoquer les faiblesses du hockey sur glace tricolore. Il faut savoir par exemple qu’il y avait au total 163 joueurs français dans la Ligue Magnus cette saison et pas moins de 131 renforts étrangers ! Cette prolifération se constate aussi dans les niveaux inférieurs comme, en Division 1 avec au total 228 joueurs français et 133 étrangers  et en Division 2  avec 405  français et encore pas moins de 86 étrangers ! Personne ne peut donc nier que ce problème préoccupe depuis longtemps déjà les passionnés de notre sport.
 
Pour en avoir parlé à plusieurs reprises avec le président Luc Tardif et avec les dirigeants fédéraux, je sais que ces derniers sont bien conscients de la nécessité de diminuer autant que possible le nombre de renforts étrangers afin de laisser plus de place aux hockeyeurs français dans nos divers championnats. Mais, on me rétorque à chaque fois que ce n’est pas possible car il y a une loi incontournable. En effet, depuis l’arrêt « Bosman » promulgué en 1995, il n’est plus possible juridiquement de limiter le nombre des renforts venus des 27 états membres de l’union européenne.
 
Pour essayer malgré tout de contourner ce problème, la FFHG a donc imposé à tous nos clubs de s’inscrire en championnat avec des équipes composées de 20 joueurs au maximum dans lesquelles il y a obligatoirement au minimum 10 joueurs formés localement  que l’on appelle plus couramment avec l’acronyme JFL. Il s’agit des joueurs ayant disputé au moins trois saisons complètes en France jusqu’à l’âge de 20 ans indépendamment de leur nationalité. Rappelons que si ce quota restera le même la saison prochaine pour les clubs de la Ligue Magnus, il passera par contre à onze JFL pour ceux de la Division 1 et à treize pour ceux de la Division 2. En ce qui concerne la Division 3 le quota se limitera quant à lui à onze JFL, mais il devra y avoir en revanche vingt-deux joueurs inscrits sur la feuille de match au lieu de vingt.
 
Cette règlementation « protectionniste » imposée par la fédération est une initiative incontestablement positive. Mais, on voit bien qu’elle a atteint cependant ses limites car, à mon avis, il y a toujours beaucoup trop de renforts étrangers dans les équipes du championnat de France, notamment dans les Divisions 1 et 2. Quant à la Division 3, a-telle vraiment besoin d’utiliser des mercenaires pour jouer à ce niveau ?
Lorsque j’évoque ce problème, nombreux sont les amateurs de hockey qui abondent dans mon sens et j’entends systématiquement évoquer l’exemple de la Suisse où seulement quatre renforts étrangers sont autorisés. Pourtant les hockeyeurs suisses, que l’on battait régulièrement il y a une dizaine d’années dans les compétitions internationales, ont atteint désormais un niveau qui est beaucoup plus élevé que celui des Français ! Rappelons que la Suisse est à présent 8e au classement mondial et la France seulement 14e… 
 
Pour nuancer ce constat, il faut souligner qu’en Suisse, où le hockey sur glace compte pourtant 28 000 licenciés seulement, c’est un sport national contrairement à la France. Il y a par exemple plus de 16 000 spectateurs qui assistent régulièrement aux matches dans la patinoire de Berne et la moyenne d’assistance du championnat helvétique est officiellement de 7000 spectateurs contre seulement 1800 pour la France.
Du coup, le pouvoir financier des clubs suisses peut leur permettre d’utiliser moins de renforts étrangers mais qui ont un niveau beaucoup plus élevé que ceux de chez nous car ils ont évolué souvent dans la NHL ou dans la KHL. En France, nos renforts, reconnaissons-le, ont des cartes de visite plus modestes sans que ce soit péjoratif. Ces derniers viennent surtout jouer dans l’hexagone en dernier ressort, soit pour finir leur carrière, soit pour faire à la fois du sport et du tourisme en étant payés pour ça...
 
Ce constat étant fait, je pense donc que pour éviter la surenchère mortifère de nos clubs sur le plan financier, il faudrait qu’on limite encore d’avantage le nombre des renforts étrangers. Pour cela, la solution radicale serait de décréter la mobilisation générale et de réunir dans ce but la totalité des présidents des clubs français. Lors de cette réunion exceptionnelle, il faudrait parvenir à faire accepter un « gentlemen agreement », autrement dit un accord informel qui serait une charte de bonne conduite. Celle-ci, pour être inattaquable sur le plan juridique, consisterait à ce que tous nos dirigeants acceptent à l’unanimité – mais uniquement de façon verbale et sur l’honneur - un accord tacite pour recruter au maximum quatre ou cinq hockeyeurs venus hors de nos frontières lors de chaque saison. Le reste du contingent de chaque équipe serait ainsi composé uniquement avec des joueurs français.
 
Je rappelle qu’il y a eu déjà une tentative de ce genre en 1996, quelques mois après la mise en vigueur de l’arrêt « Bosman ». Malheureusement, la charte que le Comité national de hockey de l’époque proposa au vote des présidents ne put obtenir l’unanimité nécessaire car il a suffi qu’un seul club refuse pour faire échouer cet accord pourtant historique ! En l’occurrence, ce fut le président de Caen, Jean-Jacques Hascouet, qui refusa de donner son approbation... 
Il faut savoir par ailleurs que la saison précédente, le président du club de Brest, Briec Bounoure, tenta déjà un coup de force retentissant en utilisant  sept renforts étrangers au lieu des six autorisés à l’époque lors d’un match contre Grenoble que Brest remporta du coup très largement (10-3). Constatant que le club de Brest avait juridiquement le droit, les présidents des clubs de l’élite tombèrent d’accord quelques jours plus tard pour laisser à Brest la possibilité d’aligner finalement les huit renforts étrangers que comptait au total son effectif. Toutefois, à l’heure actuelle, il faut savoir qu’en Suisse les hockeyeurs sont protégés par ce fameux gentlemen agreement qui a été adopté par la majorité des clubs. Alors pourquoi pas faire la même chose en France ?
 
J’entends déjà ceux qui vont lire ma tribune et qui vont se dire qu’en croyant à un consensus sur une telle charte,  je suis très naïf et un doux rêveur ! Peut-être, mais je continue à croire au sens commun de nos dirigeants même si je constate chaque année un grand renouvellement des présidents de clubs. A cause de ce turnover important, les nouveaux venus manquent parfois d’expérience qui les empêchent d’avoir une perspective globale et de comprendre où est l’intérêt de notre sport. Ce manque de recul les pousse à n’avoir qu’une seule ambition à court terme : favoriser uniquement les intérêts de leurs propres clubs.
 
Et puis, il faut se poser aussi la question de savoir tout simplement si, en cas de réduction plus importante des renforts étrangers, il y aurait un nombre suffisant de hockeyeurs français pour pouvoir former toutes les équipes évoluant non seulement dans la Ligue Magnus mais aussi dans les trois autres divisions ! Car notre sport souffre d’un mal endémique qui freine sa progression et que l’on ne prend pas assez en compte, je veux parler du manque de clubs formateurs qui ne sont malheureusement pas assez nombreux dans le hockey sur glace français.
 
Puisque j’ai pris l’exemple du hockey suisse, il faut savoir que les clubs helvétiques axent principalement leurs efforts et mettent le paquet sur la formation de leurs jeunes hockeyeurs locaux pour garantir la relève. Nos compatriotes, comme Cristobal Huet, Philippe Bozon, Laurent Meunier, Laurent Perroton, Thomas Thiry, Floran Douay ou encore Eliot Berthon, qui connaissent parfaitement le hockey de ce pays limitrophe pour y avoir joué ou entraîné, peuvent en témoigner !
En France, à l’inverse, que constate-t-on ? Faute de formation suffisante dans nos clubs plusieurs d’entre eux se trouvent en pénurie constante de joueurs suffisamment compétitifs ce qui les oblige à passer des accords d’opportunité avec des clubs voisins, sensés logiquement être adversaires, pour pouvoir former des équipes en ayant recours notamment aux licences bleues délivrées en complément d’une licence compétition en faveur d’un second club. Sans parler de ceux qui n’hésitent pas à piller impunément et sans aucun scrupules les autres clubs….  
 
On me rétorquera aussi que dans les Divisions 1, 2 et 3 du championnat de France les renforts étrangers coûtent souvent moins chers que les joueurs français. C’est vrai ! Les exemples sont nombreux dans nos clubs où des renforts aux pédigrées modestes, qui sont canadiens, américains, tchèques, slovaques, suédois, slovènes ou finlandais, se contentent de vivre dans un appartement pris en charge, souvent en colocation, avec juste un peu d’argent de poche pour pouvoir se nourrir pendant la saison sportive.  Mais croyez-vous que nos joueurs français, qui ont un niveau ne leur permettant pas de s’expatrier comme renfort à l’étranger, continuerons de s’arrêter de jouer si on leur offre enfin plus de places libres dans l’équipe première de leurs clubs ?
Certes, les JFL ont pris une réelle valeur marchande et les clubs se les arrachent à cause de leur rareté et du coup cette pénurie leur permet de faire monter les enchères. Mais même avec une rémunération plus raisonnable que celle à laquelle ils pouvaient prétendre jusqu’ici, je suis sûr que de nombreux jeunes qui arrêtent prématurément le hockey ne raccrocheraient pas leurs patins pour autant faute de trouver mieux !
 
En résumé, il y a deux façons à mon avis de voir les choses pour l’avenir du hockey sur glace français. Soit on continue à opter pour un sport « spectacle » avec des frontières grandes ouvertes et des hockeyeurs français entourés de nombreux mercenaires. C’est l’image actuelle que je constate avec des équipes « multinationales » sans véritable enracinement local où les entraînements et les discussions, sur la glace comme dans les  vestiaires, se déroulent parfois en anglais… Je ne critique pas ce système qui peut se défendre vu le contexte, mais personnellement je le regrette et pourtant je suis anglophile !
 
Soit on accepte de faire revenir le hockey sur glace français à sa particularité et à ses fondamentaux en puisant d’abord en grande partie sur ses propres forces vives, quitte à progresser peut-être un peu moins vite au risque de rester plus longtemps en Division 1 au niveau international. Y aura-t-il alors un danger de voir moins de spectateurs dans nos patinoires ? Je ne le pense pas car nos supporters aiment bien voir évoluer leurs enfants du pays et ceux du cru principalement.
Et puis, le hockey restera toujours un sport d’équipe très spectaculaire avec une image attractive pour le grand public comme le constatait le célèbre cinéaste Alfred Hitchcock lorsque, après avoir assisté à un match de hockey aux Etats-Unis, il expliqua en termes poétiques son nouvel enthousiasme pour ce sport en disant : « le hockey sur glace est un savant mélange de glisse acrobatique et de seconde guerre mondiale… »
 
Dans le premier choix, celui d’un recrutement toujours important de renforts étrangers, on continuera logiquement à assister à cette course à l’armement qui a débuté en 1979 avec le club de Tours et à des surenchères effectuées par des présidents aux moyens financiers importants qui vont pouvoir continuer à « acheter » momentanément des titres comme ce fut le cas par le passé avec des clubs comme l’ACBB, le Mont-Blanc (de 1986 à 1989), Brest ou Mulhouse. On connait la suite, ces clubs, qui ont connu une notoriété aussi soudaine qu’éphémère, sont ensuite rentrés dans le rang quand ils ne se sont pas tout simplement sabordés. Et je pourrais ajouter d’autres échecs cuisants beaucoup plus récents comme on l’a vu à Epinal ou à Lyon…
 
Dans le deuxième choix, celui de la réduction importante des renforts étrangers, le niveau de nos hockeyeurs sera peut-être moins spectaculaire (c’est encore à prouver), mais elle aura au moins l’avantage de ne pas continuer à se voiler la face indéfiniment sur la capacité réelle de notre sport favori et donnera une image beaucoup plus réaliste du niveau du hockey sur glace français. D’où l’urgence d’accroître la formation dans nos clubs pour avoir d’avantage de joueurs de bon niveau au lieu d’être obligé d’aller sans cesse faire son marché ailleurs !
 
Mais je tiens à dire que je ne blâme surtout pas des mécènes tout à fait respectables comme le furent en leurs temps Philippe Potin à l’ACBB, Daniel Huillier à Villard-de-Lans, Albert Pasquier et Henri Bourgeais à Tours, Briec Bounoure à Brest et Nantes ou encore Romain Casolari à Epinal. On doit remercier éternellement ces sponsors d’avoir voulu donner une somme importante de leur argent au hockey sur glace français au risque de mettre parfois en grave danger leurs entreprises respectives. Ces entrepreneurs ou hommes d’affaires auraient très bien pu investir leur argent dans des sports beaucoup plus médiatiques. Quand je vois ce que font également depuis un certain temps déjà avec brio Thierry Chaix et Jean-Pascal Gleizes à Rouen, Michaël Juret à Angers, le groupe d’entrepreneurs à Amiens ou encore Jacques Reboh plus récemment à Grenoble (dernier champion en titre), comment peut-on leur faire des reproches ? Je pourrai même citer le discret Jean-Claude Menn qui tente un pari plus audacieux à Marseille.
 
En fait, ils n’ont fait que défendre les intérêts de leurs clubs sans une vision plus globale et à leurs corps défendants, dans la mesure où le hockey français n’a pas su leur donner un cadre plus restrictif. En d’autres termes : c’est chacun pour soi ! C’est cette dérive qu’interdirait cette fameuse « charte de bonne conduite » que j’appelle de mes vœux et à laquelle, j’en suis certain, ils adhèreraient par solidarité collective. Je demande à tous les sceptiques qui ne croient pas à la possibilité de cet accord informel de réfléchir à la fameuse citation de l’écrivain américain Mark Twain : « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait ! »
 
Verra-t-on un jour cet accord historique se réaliser ? Pour être franc, j’en doute beaucoup ! Alors, pour conclure cette tribune, je réitère mon souhait qui semble très utopique en reprenant à mon compte une autre phrase d’une célèbre chanson de John Lennon : « You must say, I’m a dreamer, but I’m not the only one ! » Vu que l’on parle souvent anglais dans les vestiaires du hockey français, tout le monde aura compris sans que j’ai besoin de traduire… 
 
 


 
 
Lieu : Média Sports LoisirsChroniqueur : Tristan Alric
Posté par Christian Simon le 08/05/2020 à 11:30
 
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Réactions sur l'article
 
StephLions69 a écritle 19/10/2020 à 17:03  
A quand la limitation du nombre de renforts étrangers ??? Cette solution a été mise en place en Suisse avant d'être contournée par les clubs riches qui se payent des joueurs étrangers en les faisant naturaliser suisse, mais au moins au départ pendant quelques mois et quelques années elle a permis l'éclosion et le développement de joueurs locaux et on voit le niveau actuel du championnat suisse, son attractivité (même si là-bas il n'est pas gêné par d'autres sports comme le rugby ou comme le très chic et riche football à la mode quatari), et le niveau actuel de l'équipe nationale de nos voisins. C'est sur que la NATI a plus fière allure que nos bleus nationaux. Alors oui il va falloir du courage et accepter que pendant quelques mois voire quelques années ce soit dur question niveau et cesser de remplir nos clubs de joueurs étrangers qui volent indéniablement la vedette à nos jeunes. Mais je ne suis pas certain que l'actuelle fédération ait ce courage, sauf à me prouver le contraire.
 
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