Deux semaines avant le coup d’envoi des championnats du monde élite en Finlande et après l’annonce du repêchage in extrémis de l’équipe de France, j’avais publié une Tribune Libre dont le titre disait sans aucune acrimonie à l’attention de notre entraîneur national : « Philippe Bozon doit enfin convaincre ! »
On peut toujours ergoter et faire la fine bouche après avoir suivi avec attention le parcours très stressant que les Tricolores ont effectué comme d’habitude avec comme cadre cette fois la patinoire d’Helsinki. Mais force est de constater que l’ancien capitaine tricolore (en 1997 puis en 2002), qui était toujours à la recherche d’un résultat probant dans son nouveau rôle de coach, a atteint cette fois-ci la mission minimale qui lui avait été confiée.
En effet, après avoir battu le Kazakhstan (2-1) puis l’Italie sur le même score (mais en prolongation), la France a donc obtenu l’autorisation de rester
dans la cour des grands en 2023. Du coup, tous les supporters français ont poussé un grand « ouf » de soulagement, comme l’a certainement fait dans son for intérieur Philippe Bozon. Car ce dernier se savait sur la sellette après la terrible déception du Mondial de Kosice en 2019 où la France, sous sa direction, avait été reléguée brutalement dans la
Division 1. Puisque les Bleus resteront dans l’élite mondiale la saison prochaine, il faut saluer la performance et espérer maintenant qu’une
nouvelle série positive débute pour notre discipline sur le plan international.
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Photographe : Yoann Coppel (archives) |
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Si, selon toute vraisemblance, Philippe Bozon est maintenu à son poste, il ne devra toutefois pas se contenter de ce maintien mais préparer un avenir sportif moins hasardeux et beaucoup plus ambitieux pour les Tricolores en devenant, s’il en est capable, un entraîneur national véritablement
bâtisseur.
Car, je rappelle que le président Pierre-Yves Gerbeau a mis la barre très haut puisque son équipe dirigeante remaniée obtiendra un nouveau mandat de quatre ans après
l'invalidation de la liste concurrente lors de l’assemblée générale de la FFHG qui aura lieu le 18 juin prochain.
En effet, le président a déclaré dans la presse : « A long terme notre objectif concernant l’équipe de France senior, c’est qu’elle soit dans les
huit meilleures nations du monde plutôt que dans les seize. C’est l’objectif ambitieux que mon équipe dirigeante va porter lors des prochaines élections fédérales. C’est un vrai changement, je peux même dire une révolution ! »
Avec un tel objectif, qui peut laisser dubitatif vu l’énormité de la tâche qui attend notre sélection nationale, autant dire que la pression ne va pas se relâcher sur les épaules de Philippe Bozon ! Car ce dernier devra résoudre un autre problème d’envergure. En effet, il ne faut pas être un grand spécialiste de hockey sur glace pour constater que pendant les championnats du monde l’équipe de France se contente de disputer à chaque fois des matches couperet avec la peur au ventre afin d’essayer avant tout de passer « ric-rac » dans le tableau où elle évolue.
En se cantonnant dans un rôle de modeste figurant (même si les Tricolores sont parfois imprévisibles et capables de battre par surprise les meilleures nations) notre sélection nationale est le plus souvent passée tout près de la correctionnelle en balbutiant son hockey.
En tentant surtout de réussir des hold-up avec des scénarios « à l’arrache », autrement dit en se contentant de faire le « minimum syndical » lors des championnats du monde, l’équipe de France se condamne simplement depuis des décennies à rêver à une qualification pour les
quarts de finales comme ce fut le cas en 1995 à Stockholm et en 2014 à Minsk. J’ajoute aussi en 2017 à Paris où malgré quatre victoires les Tricolores ont malheureusement été coiffés sur le fil par les Finlandais (battus par les Français) d’un petit point pour la quatrième place qualificative. Deux quarts de finale seulement disputés depuis l’arrivée de la France dans l’élite mondiale en 1992, il faut bien reconnaître que cela reste bien pour nos représentants un rêve difficilement accessible.
Pour rester enfin de façon pérenne dans l’élite mondiale et surtout progresser vers la partie haute de la hiérarchie mondiale envisagée par les dirigeants de la fédération, les hockeyeurs français n’ont pas d’autre alternative que d’acquérir enfin
un véritable fond de jeu, beaucoup plus efficace et stable, afin de dépasser ce satané « plafond de verre » qui les oblige pour l’instant de jouer en permanence les seconds rôles. Pour briser cette glace qui réfléchit comme un miroir ses limites actuelles, l’équipe de France devra obtenir dans le futur des victoires plus nombreuses et surtout beaucoup mieux
maitrisées avec (si possible) plusieurs buts d’écart même si, compte-tenu de la concurrence à ce niveau, c’est plus facile à dire qu’à faire !
Mais pour devenir des adversaires vraiment crédibles nos représentants devront aussi améliorer en priorité
leur comportement mental qui est encore trop instable et fragile. Au lendemain de la défaite contre le Danemark à Helsinki (0-3), Philippe Bozon a fait une confidence qui en dit long sur le travail qui reste à accomplir dans ce domaine en expliquant sans détour :
« Il nous a manqué un petit quelque chose, un supplément d’âme… »
La nouvelle et large défaite qui a suivi le lendemain contre la Suisse sur le score de 2-5 (après avoir pourtant mené 2-0 !) n’a fait que confirmer cette lacune psychologique de l’équipe de France. Comme l’a titré le journal L’Equipe après ce match, assister à « un si joli frisson » ne peut pas satisfaire et être le seul objectif !
On attendait des « morts de faim » sur la glace mais on a vu finalement nos joueurs faire un show éphémère et gaspiller d’entrée toutes leurs munitions avant de retomber rapidement dans leurs errements habituels en manquant de surcroit de discipline provoquant beaucoup trop de pénalités face aux suisses, un comportement suicidaire qui prouve la fragilité de leurs nerfs et leurs doutes permanents. Et je ne parle même pas de la dernière défaite contre le Canada sur le score sans appel de 7-1…
Pour prétendre s’imposer face des nations théoriquement les plus à notre portée dans le cadre du Mondial élite que l’on battait il y a quelques années, comme le
Danemark ou la
Norvège, qui représentent un premier cap à franchir avant d’envisager des duels plus ambitieux contre les plus grandes nations (Canada, Suède ou Finlande), notre sélection nationale devra
revoir sa copie et se
métamorphoser.
Pour y arriver, elle devra bénéficier de nouvelles ressources plus performantes à la fois humaines et mentales. Comme dit Philippe Bozon, il faut parvenir à trouver enfin ce « supplément d’âme » et cet orgueil qui permettra à l’équipe de France de ne plus craindre ses adversaires, même sans l’appui de renfort naturalisé et sans la présence de certains cadres pourtant très importants comme ce fut le cas à Helsinki où malheureusement Pierre-Edouard Bellemarre (NHL), Stéphane Da Costa (KHL) et Antoine Roussel (NHL) furent absents.
Quand après la défaite contre le Danemark Philippe Bozon a déclaré « On sait que pour les quarts de finale la marche est haute, il nous faudrait des joueurs avec plus d’envergure », notre coach a porté un jugement certes sévère et sans doute très maladroit s’il voulait motiver son équipe. Mais malheureusement, le coach est réaliste sur les capacités actuelles de ses propres joueurs. Les Bleus ont fini avec la 15
e attaque sur seize. Ce qui a fait dire à Philippe Bozon : « Il faut une profondeur au centre. »
Avec sa grande expérience, il sait très bien que l’équipe rêvée, autrement dit la « Dream team » à la française n’existe plus et qu’il doit s’appuyer dans l’avenir surtout sur les jeunes espoirs tricolores qu’il a utilisé avec intelligence lors de ce dernier mondial comme Hugo Gallet, Louis Boudon, Dylan Favre ou encore Enzo Guebey.
Pour résoudre l’épineuse équation l’entraîneur national ne peut plus se contenter de viser uniquement à nouveau le maintien dans l’élite mondiale, mais il doit se poser surtout la question :
Et après, on fait quoi ?