L’ex-international tricolore m’explique, avec une amertume palpable dans sa voix, que c’est pour cette raison qu’il a préféré « tourner définitivement la page » du hockey sur glace français malgré son exceptionnel parcours sportif. Pourtant, la carrière sportive exemplaire de Denis Perez dans l’hexagone et plus brièvement à l’étranger, mérite incontestablement une meilleure reconnaissance de ses pairs !
Je reviendrai plus loin sur la cause principale qui explique la réticence et le chipotage qui subsistent concernant l’image laissée par Denis Perez depuis qu’il a décidé de quitter notre pays. Un ergotage qui continu à alimenter sporadiquement le débat dans quelques officines mais que je trouve absurde puisqu’il fut sans conteste l’un des
défenseurs les plus célèbres dans l’histoire de l’équipe de France !
Avant d’expliquer le hiatus entre la formidable carrière sportive de Denis Perez et la perception de son image chez certains réfractaires, commençons par l’aspect heureusement beaucoup plus positif de sa vie actuelle. En effet, il faut d’abord savoir que l’ancien hockeyeur natif de Caen ne regrette surtout pas de s’être expatrié car il a brillamment réussi sa reconversion professionnelle outre-Atlantique. Pour preuve, dès son installation au Québec en 2008, Denis Perez a acheté deux restaurants à Montréal sous la franchise « Subway ». Sa nouvelle activité de commerçant fut immédiatement si florissante que presque chaque année suivante il a inauguré une nouvelle enseigne pour finir rapidement à la tête de
six établissements toujours implantés dans la deuxième ville la plus peuplée du Canada, après Toronto, et la plus grande ville francophone d'Amérique.
Après avoir acquis un train de vie confortable et décidé, par esprit téméraire, de vendre ses six premiers restaurants, l’ex-international tricolore, qui fait preuve d’un sens aigu du commerce, a monté ensuite
quatre nouveaux établissements. Mais ce sont cette fois des sandwicheries spécialisées dans les hamburgers de la marque « A&W ». Cette chaîne américaine de restauration rapide a accepté de lui délivrer le droit d’utiliser sa marque et Denis Perez a donc sauté sur l’occasion pour faire à nouveau florès. L’ancien hockeyeur français est donc actuellement à la tête
d’une centaine d’employés ! Mais le Français, qui n’est jamais à court d’idées, m’a confié que son prochain projet commercial consiste à investir bientôt dans l’agriculture bio verticale…
Le sympathique « Pépé » vit donc sans regret depuis quatorze ans au Canada. Il s’installa d’abord à Blainville au Québec (juste à côté de Laval), avant de déménager depuis un an et demi avec son épouse Virginie à Prévost près de Saint-Sauveur « pour se rapprocher de la nature ». De plus, il est le patriarche toujours bienveillant de sa grande famille composée de quatre enfants à savoir ses trois garçons : Timotey (32 ans), Noé (21 ans) et Diégo (17 ans) ainsi que sa fille Lolita (27 ans).
L’atavisme familial ayant fonctionné, Denis Perez a réussi à communiquer sa passion du hockey à ses « boys » puisque l’aîné Timotey, ex-international junior français U18 et U20, a joué en junior majeur avant de devenir gérant d’un de ses restaurants. Noé a été par ailleurs également joueur de hockey à l’université du Wisconsin-Stout aux Etats-Unis et le petit dernier, Diégo, a évolué en Midget au Canada.
Mais pour revenir sur le
« schisme
» que j’ai évoqué au début de ma tribune, entre Denis Perez et certains dirigeants du hockey sur glace français, l’explication vient tout simplement
du départ conflictuel de l’ancien international tricolore lorsqu’il fut remercié par le club d’Amiens en 2008 pour manque de résultat en tant qu’entraîneur. A la suite d’une mésentente avec les dirigeants des Gothiques, l’affaire de son licenciement, qu’il estima abusif, s’est réglée aux Prudhommes. Or, l’instance juridique a donné raison à Denis Perez et a débouté son club. Visiblement cette démarche a déplu en haut lieu « car à cette époque la fédération m’a demandé de retirer ma plainte mais j’ai refusé », explique-t-il.
Ce fut donc une fin de carrière malheureusement entachée pour Denis Perez alors qu’il fut pendant huit ans le joueur puis l’entraîneur très charismatique du club d’Amiens. A tel point que son numéro 64
a été retiré « lors d’une cérémonie superbe où j’ai reçu un téléphone portable dont je rêvais en guise de cadeau » raconte-t-il.
Mais, lors de son départ du club picard, Denis Perez rentra donc en conflit avec ses anciens dirigeants. Du coup, le nouveau président Thomas Henno fit savoir que, compte-tenu de la situation, le maillot de Denis Perez ne serait plus élevé dans la patinoire « durant toute la durée du litige », en précisant néanmoins que son numéro ne serait plus porté par un joueur de l’équipe des Gothiques d’Amiens.
Pourtant, à partir du mois de septembre 2014 le renfort canadien Joël Champagne joua avec ce numéro pendant trois saisons consécutives…
C’est donc à cause de la prise de position intransigeante de Denis Perez lors de sa séparation difficile avec le club d’Amiens que son image jusqu’ici exemplaire a été remise en cause par certains dirigeants locaux ainsi que dans la sphère fédérale. Du coup, sa candidature au Temple de la Renommée de la FFHG, qui semblait
évidente, fut régulièrement repoussée au motif que la condamnation qui pénalisa financièrement le club de la Somme a fortement irrité et fut très mal perçue. Le courroux le plus fort fut celui de l’ancien président Luc Tardif qui, tout en reconnaissant le grand talent de Denis Perez, demanda de repousser l’échéance en attendant que « ce très mauvais coup financier porté à un grand club de la Ligue Magnus » soit digéré…
Denis Perez a vite compris que son attitude avait jeté un froid car il me confie une anecdote : « Je suis revenu à deux reprises seulement en France. La deuxième fois, ce fut en catimini à l’occasion des championnats du monde de 2017 organisés à Paris. J’ai pu avoir des places uniquement grâce à mon ami Franck Saunier… »
En effet, l’arrière tricolore a conservé des contacts avec d’anciens coéquipiers comme Pierre Schmitt, Pierrick Maia ou Philippe Bozon dont le fils Timothé est venu dormir chez lui. « Je suis également administrateur de la société de fabrication d’appareils d’éclairage de Stéphan Clout au Québec, tu vois, on m’aime encore ! » ajoute sur le ton de la plaisanterie Denis Perez qui relativise les choses.
Il semble toutefois que les tensions se sont apaisées au fil du temps et je sais que l’actuel président de la FFHG, Pierre-Yves Gerbeau, est favorable à « son retour en grâce » comme il me l’a confié vu l’incroyable palmarès de l’ancien défenseur tricolore.
En effet, pour mesurer l’injustice de cette brouille, je rappelle que Denis Perez n’est pas le seul international (loin s’en faut) à avoir demandé des indemnités aux Prud’hommes. Comble de l’absurdité, ce fut justement le cas de deux anciennes grandes vedettes du club d’Amiens,
Antoine Richer et
Pierre Pousse, qui ont été pourtant élus tous les deux au Temple de la Renommée en 2010 et 2021 ! Ces derniers ont également attaqué le club picard aux tribunaux donc l’argument ne tient pas pour occulter et punir cette fois le parcours exceptionnel de leur ancien coéquipier puisqu’il a vécu exactement la même situation !
De plus, quoi que l’on pense de sa personnalité qui a été parfois critiquée – « Je reconnais que parfois j’ai fait des erreurs », reconnait-il - il ne faut pas oublier que Denis Perez est le seul hockeyeur français de l’histoire à avoir disputé
cinq Jeux olympiques dans sa carrière : Calgary 1988, Albertville 1992, Lillehammer 1994, Nagano 1998 et Salt Lake City 2002. Personne n’a fait mieux que lui puisque trois autres coéquipiers qui sont recordmen de la sélection tricolore : Stéphane Barin, Philippe Bozon et Arnaud Briand, comptabilisent « seulement » quatre tournois olympiques chacun. Cette longévité unique et exceptionnelle de Denis Perez lui valut par ailleurs de devenir le
neuvième hockeyeur de tous les temps dans les statistiques de l’IIHF au nombre de matches internationaux disputés avec un total de
297 rencontres officielles
!
J’ajoute pour sa défense que Denis Perez a joué au hockey pendant sa carrière avec un talent singulier (Il est myope et porte des lentilles de contact) qui a été reconnu par tous ses coéquipiers successivement à Caen, aux Français Volants de Paris, Rouen, Mannheim (Allemagne), Anglet et Amiens autant dire que du haut niveau.
Sacré champion de France avec les « Volants » en 1989, il resta ensuite dans le prestigieux club de Rouen pendant neuf saisons, soit jusqu’en 1998, et il remporta ainsi
cinq titres supplémentaires de champion de France sans oublier une participation à deux finales de la Coupe d’Europe et une victoire dans la Coupe des ligues européennes.
Pour l’anecdote, rappelons qu’au mois de juin 1995, la célébrité de Denis Perez était telle dans le grand public qu’elle lui permit de participer à la fameuse émission de télévision « Fort Boyard » avec son coéquipier Pierrick Maïa en compagnie du champion du monde de ski Luc Alphand (un fan de hockey) et du décathlonien Sébastien Levicq.
Ensuite, Denis Perez joua une saison avec le club de Mannheim en Allemagne comme renfort étranger ce qui n’est pas rien dans ce pays frontalier. Avec ses deux camarades tricolores, Philippe Bozon et Christian Pouget, il participa aux demi-finales de la Ligue européenne à Berlin (EHL) et, surtout, il remporta là encore le titre de
champion d’Allemagne !
Autre précision qui ne manque pas de sel, je rappelle qu’à la fin du mois d’octobre 2003, trois semaines après la suppression pour dissidence du « Directoire du hockey » par le président de la Fédération des sports de glace Didier Gailhaguet qui était très contesté pour son ingérence, Denis Perez devint
vice-président de l’Association pour l’Avenir du Hockey Français (AAHF) dirigée par Luc Tardif…
Pour revenir à la fin de sa carrière qui fait débat, Denis Perez signa donc son dernier contrat de joueur avec le club d’Amiens et il remporta pour la
septième fois la Coupe Magnus en 2004 sous la direction de son vieil ami Antoine Richer devenu entre-temps l’entraîneur des Gothiques
Denis Perez prit sa retraite de joueur à l’issue de la saison suivante. Le sympathique « Pépé » devint alors le nouvel entraîneur des Gothiques d’Amiens au mois de septembre 2005 à la place d’Antoine Richer promu manager du club de Picardie. On connait la suite avec malheureusement son départ forcé en 2008.
L’image de Denis Perez ne fut pas écornée pour autant (pour le grand public) puisque le joueur Anthony Mortas, attaquant et ex-capitaine des Gothiques, dédouana en partie son coach en déclarant dans la presse : « Contrairement à lui, nous étions sur la glace, ce sont donc les joueurs qui sont fautifs. » Le président amiénois Patrick Letellier, qui devait laisser sa place l’année de son départ, ajouta à l’époque : « Il est certain que Denis n’est pas le seul à blâmer pour nos mauvais résultats, mais nous sommes obligés de faire autre chose pour la saison prochaine… »
Bref, c’est plus l’importante pénalité financière que le club de la Somme a dû verser à Denis Perez pour son licenciement que sa réelle compétence qui a provoqué un certain désamour à son égard.
Compte tenu de sa « carte de visite » qui ferait pâlir d’envie de très nombreux joueurs de haut niveau, Denis Perez mérite-t-il l’ostracisme dont il est encore victime chez certains dans le hockey sur glace français ? Ceux qui sont encore réticents à son égard ont-ils mesuré à sa juste valeur
l’empreinte indélébile qu’il a laissé pendant plus de 25 ans sur nos patinoires et en Allemagne pour l’empêcher de rentrer dans le panthéon de notre sport ?
A cause de leurs erreurs de gestion,
qui ont été officiellement reconnues et sanctionnées, les anciens dirigeants du club d’Amiens ne sont-ils ceux qu’il faut blâmer avant tout ?
Quand l’ancien défenseur international confie dès le début de notre entretien au téléphone
« on ne m’a jamais pardonné », j’ai tenu immédiatement à le rassurer car l’immense majorité de ceux qui ont eu la chance de l’admirer comme joueur n’ont jamais eu une mauvaise opinion de lui, bien au contraire !
Alors, sans préjuger à l’avance des prochaines promotions du Temple de la Renommée, mon petit doigt me dit que la reconnaissance que mérite amplement Denis Perez viendra. En tout cas, je l’espère car ce ne sera que justice pour ce défenseur qui a été, je le répète, le seul à disputer cinq Jeux olympiques d’hiver…