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Hockey sur glace - Tribune libre de Tristan Alric
Hockey sur glace - 72 / PAUL LANG : MON ADIEU À UNE LÉGENDE
 
Décédé au cours de l’été, l’ancien attaquant international tricolore a marqué plusieurs générations en France. Tristan Alric, créateur de la Coupe Magnus, qui l’a bien connu, retrace l’histoire atypique du célèbre joueur franco-tchèque.
 
 

Tribune N°72

 
-   PAUL LANG : MON ADIEU À UNE LÉGENDE    -

Il y a une trentaine d’années, j’avais publié dans le journal L’Equipe un article élogieux sur le club  de hockey sur glace de Boulogne-Billancourt (ACBB) intitulé « Paul Lang le magicien ». A la suite de ce portrait flatteur sur le célèbre entraîneur-joueur, chaque fois que je croisais l’ex-international tricolore dans une patinoire, ou que je le contactais par téléphone en Polynésie après son exil lointain, Paul Lang me faisait toujours sourire avec son célèbre humour slave en me disant à chaque fois : « Tu as le bonjour du prestidigitateur ! »
Paul Lang était fier visiblement d’avoir été reconnu sportivement par son pays d’adoption mais aussi d’être très apprécié humainement. Ces fans ainsi que ses amis étaient nombreux et l'admiraient. J’avoue que l’annonce de son décès le 27 juillet dernier, à l’âge de 79 ans, m’a beaucoup touché comme sans doute un très grand nombre de passionnés de notre discipline qui ont eu également la chance de le connaitre.

En effet, s’il y a un personnage qui a marqué à jamais l’histoire du hockey sur glace français, c’est bien Paul Lang ! Preuve de son grand talent, il fut intronisé à juste titre au Temple de la Renommée de la FFHG en 2017. Est-ce la longue distance entre Tahiti et le vieux continent (15 719 kilomètres) ou la discrétion de ses proches, toujours est-t-il que l’annonce de sa mort a été rendue publique que très récemment en métropole avec un court communiqué le 11 septembre dernier sur le site fédéral.
Cette triste nouvelle est donc pour moi l’occasion de rendre hommage aujourd’hui au regretté Paul Lang en vous faisant revivre l’incroyable parcours de ce réfugié politique tchèque qui a connu une vie pour le moins atypique.
 

JEUNE REFUGIÉ POLITIQUE


Au mois de décembre 1965, Paul Lang vint disputer le tournoi de Noël de Chamonix avec le club militaire du Dukla Kosice. Lors des matches, il se fait particulièrement remarquer avec son compatriote Yvan Guryka. Toutes les équipes fêtant la Saint-Sylvestre dans un restaurant de la station, au cours de ce repas bien arrosé, Maurice Chappot et Alain Bozon, deux hockeyeurs chamoniards membres de l’équipe de France, très impressionnés par la prestation des jeunes militaires tchécoslovaques (et sans doute un peu grisés par le vin), lancèrent un défi insensé à Paul Lang qui était leur voisin de table en lui disant : « Toi, tu es vraiment trop bon. Il ne faut pas que tu repartes ! Tu dois absolument rester avec nous à Chamonix ! »

Agé de vingt ans à peine, Paul Lang rêvait justement en secret de fuir le régime communiste trop répressif de son pays. Il sauta donc sur l’occasion et il prit au mot Chappot et Bozon en leur demandant de l’attendre la nuit même au bas de l’hôtel « Central » dans lequel son équipe logeait. Après avoir rassemblé rapidement toutes ses affaires, Paul Lang dit à ses deux compagnons de chambre stupéfaits : « c’est décidé, je m’en vais ! »
Après un court moment d’hésitation, Yvan Guryka lança : « Je viens avec toi ! » Les deux candidats à l’exil sortirent sans faire de bruit par une porte dérobée car le Colonel Valenta, qui accompagnait la sélection militaire tchècoslovaque, surveillait étroitement les allées et venues de ses joueurs dans les couloirs. Cachés pendant plusieurs jours par un guide de haute montagne dans un chalet isolé du village d’Argentière, Paul Lang et Yvan Guryka purent ainsi passer à l’ouest et demander l’asile politique afin de rester définitivement en France.

Dès son intégration dans l’équipe de Chamonix, Paul Lang remporta le titre de champion de France en 1966. Technicien hors-pair, ayant un redoutable tir frappé au raz de la glace, il impressionna le public et on le surnomma rapidement le « magicien » ou le « prestidigitateur ». Ne voulant pas faire doublon avec son camarade Yvan Guryca qui choisit de rester momentanément à Chamonix, (on avait droit à un seul renfort étranger, à l'époque, dans le championnat de France) Paul Lang partit ensuite à Lyon où il devint le renfort étranger vedette de l’équipe de hockey sur glace qui venait juste de s’installer dans la patinoire Charlemagne. Si son compatriote Guryka se montrait plutôt sévère et très exigeant avec les jeunes hockeyeurs qu’il entraînait, en revanche Paul Lang était d’un naturel plus « relax », plus sympa, ouvert aux gens et affable.
 

NATURALISÉ ET GLOBE-TROTTER


Moins fervent de la discipline sévère inculquée dans son pays d’origine que son copain d’exil, Paul Lang avait un contact beaucoup plus convivial. Il n’était pas le dernier à faire de l’humour et à plaisanter comme il le prouvera notamment avec l’équipe de France dans laquelle il évoluera de 1970 à 1979 après avoir obtenu sa naturalisation.

Personnellement, je n’ai pas oublié le duo hilarant que Paul Lang forma lors des championnats du monde de 1978 à Las Palmas (îles Canaries) avec son compatriote Zdeneck Blaha, qui était lui aussi un réfugié politique et qui fut nommé nouvel entraîneur national des Tricolores.
En effet, Paul Lang ne cessait d’exaspérer le coach tchèque, adepte d’une discipline stricte, voire militaire, car son jeune compatriote, très facétieux, bénéficia rapidement d’un bronzage « tropical » obtenu en cachette sur le balcon de l’hôtel. N’écoutant visiblement pas les consignes de Blaha, Paul Lang fit semblant de chuter sur la glace lors d’un entraînement et en profita pour donner un grand coup de crosse, soit disant involontaire, sur les mains du coach qu’il avait posé sur la balustrade...

Après les clubs de Chamonix et de Lyon, Paul Lang joua ensuite une saison à Villard-de-Lans avant de quitter le plateau du Vercors en 1969 pour venir jouer à Boulogne-Billancourt avec l’ancien club de l’US Metro. Mais, lorsque le président Claude Pourtanel décida de dissoudre son ancien club corporatif pour créer celui de Viry-Châtillon, Paul Lang le suivit et il passa plus de dix ans dans le nouveau club installé dans l’Essonne.
Toutefois, le Franco-tchèque deviendra également la grande attraction du club de l’ACBB comme joueur-entraîneur. C’est d’ailleurs pendant son passage à Boulogne-Billancourt que j’ai publié le fameux portrait dans L’Equipe le qualifiant de « magicien ».


 
ENTRAINEUR NATIONAL ÉPHÉMÈRE

En 1985, Paul Lang connut la consécration puisqu’il fut nommé entraîneur national de l’équipe de France sénior en duo avec Patrick Francheterre, (photo ci-contre) mais sa présence à ce poste prestigieux sera de courte durée. En effet, au mois de juillet 1985, le club des Français Volants de Paris annonça la signature d’un contrat de deux ans avec Paul Lang. Cette nouvelle fit l’effet d’une bombe puisque depuis l’affaire de Jacques Tremblay, (agressé à Tours par un spectateur alors qu'il coachait l'équipe de Saint-Gervais)  l’entraîneur national ne pouvait plus être également le coach d’un club.

Interrogé sur les raisons qui ont poussé Paul Lang, furtif sélectionneur tricolore, à accepter de devenir également l’entraîneur du club de la capitale (à la place de Mike Fedorko), ce dernier expliqua : « D’abord, je dois dire que je regrette de partir de l’ACBB où je suis resté pendant quatre ans en Division 2, mais je désire progresser maintenant dans ma carrière. »

Au cours de l’année 1986, Paul Lang dû céder également son poste d’entraîneur des Français Volants de Paris au Canadien Gaétan Clavet, après seulement une saison au bord du banc, ce qui ne mit pas pour autant l’ex-international hors-jeu. En effet, Paul Lang retourna à Viry-Châtillon, le club où il avait déjà fait un long séjour et où il retrouva plusieurs joueurs de renom comme la paire étrangère formée de Guy Fournier et Pierre Lacroix, Christian Dehu des Français Volants ou encore l’attaquant international de Megève Pierre-Yves Gerbeau futur président de la FFHG. Il racontera plus tard avoir également entraîné le jeune Pierre-Edouard Bellemare qui joue actuellement en NHL avec son nouveau club du Kraken de Seattle.
 
UN EXIL VOLONTAIRE

Mais en 1990, les CTR fédéraux ayant été transférés dans l'enseignement, Paul Lang, qui était un personnage très imprévisible, décida sur un coup de tête de tout plaquer et de partir travailler pendant six ans à Tahiti, en Polynésie comme prof de gym. Lors d’un entretien avec lui, il me confia plus tard : « De temps en temps, je me payais des voyages à Los Angeles pour assister aux matches des Kings dans la NHL. J’ai pu ainsi admirer la grande star Wayne Gretzky mon idole mais aussi Robert Lang, un compatriote qui porte le même nom que moi. »

Paul Lang, qui était un grand séducteur, profitera de son séjour dans les îles pour agrandir sa famille. Père d’une première fille Sandra (âgée de 50 ans aujourd’hui), il eut ensuite deux fils, Paul (47 ans) et Roscoe (45 ans) ainsi qu’une fille Jennifer (44 ans), tous nés d’une autre union avec Brigitte, une professeure de sport, qui fut selon ses dires « le plus grand amour de sa vie », puis il leur donna ensuite, après son exil, un petit frère polynésien prénommé Teiki (25 ans).

Pour l’anecdote, à l’époque je jouais régulièrement dans un club de snooker à Montpellier la ville où je réside. Or, cet établissement organisa un jour un défilé de mode sur une longue estrade installée dans une partie de la salle de jeu. Etant présent pendant cet événement, j’entendis le speaker annoncer au micro : « Voici maintenant un costume de marque porté par Paul Lang ! »
A la fin du défilé, je suis allé voir le jeune mannequin car son nom et son visage m’intriguaient en lui disant : « C’est amusant, vous portez le même nom ainsi que le même prénom qu’un célèbre joueur que je connais très bien dans le hockey sur glace français ! » Le jeune Paul Lang, que je voyais pour la première fois, me répondit avec fierté et un large sourire : « Oui, c’est mon père ! Vous avez vu, c’est un sacré personnage ! »
 
Paul Lang « junior », dont j’ai fait connaissance lors de ce défilé avant de le perdre de vue, est désormais directeur de la piscine municipale de Papeete, la capitale de la Polynésie. Sa sœur Jennifer vit en Australie où elle est garde à domicile pour personnes déficientes. Quant à son frère Roscoe, il travaille à Paris dans un magasin Duty Free à la Gare du Nord. Enfin, le jeune Teiki, qui est un véritable globe-trotteur (après Tahiti, il a vécu en Nouvelle-Calédonie) poursuit des études de cinéma. Aux dernières nouvelles, il était quelque part dans le sud de la France…

Le contrat insulaire du patriarche Paul Lang avec l'éducation nationale ayant expiré, ce dernier, retourna ensuite en France en 1997 pour venir enseigner le sport au collège Henri Wallon de Vigneux dans l’Essonne. Il expliqua : « Comme j’ai dû revenir en France, les dirigeants du club de Viry m’ont proposé de reprendre du service comme entraîneur à 53 ans ».
Une fois arrivé à l’âge de la retraite, Paul Lang, qui avait tant donné pour le hockey sur glace français, mais qui avait surtout le mal du pays et du pacifique, retourna vivre définitivement en Polynésie auprès des siens. Il revint quelques fois en métropole pour effectuer de courts séjours comme pour recevoir (avec quelques mois de retard) sa médaille et son maillot lors de son élection au Temple de la Renommée en 2017.
Il nous fit rire une dernière fois en disant avec beaucoup d’humour aux dirigeants fédéraux à cette occasion : « C’est bien d’être honoré, mais on n’a pas l’argent avec la médaille ! » Je vous propose de regarder la vidéo ci-dessous qui fut realisée par la FFHG à cette occasion.
Mais qu’importe, la plus grande récompense, qui comptait le plus pour Paul Lang, c’était d’avoir été définitivement adopté par le hockey sur glace français puisqu'il a passé au total 58 ans de sa vie dans notre pays depuis son départ définitif de son pays natal en 1965.

Je te dis adieu le magicien car, avec ton adresse sur la glace, tu nous as offert un sacré spectacle que je n’oublierai jamais. Tu m’as fait également beaucoup rire pendant quarante ans avec ton humour désopilant mais cette fois-ci, je n’ai plus le cœur à plaisanter, il est au bord des lames…


 

 
 



Depuis plus de quarante ans Tristan Alric a été l’acteur et le témoin privilégié de l’évolution du hockey sur glace en France. D’abord comme joueur puis comme arbitre. Ensuite, en devenant le journaliste spécialiste du hockey sur glace dans le quotidien sportif L’Equipe pendant plus de vingt ans. Auteur de nombreux livres et d’une récente encyclopédie qui font référence, Tristan Alric a marqué également l’histoire du hockey français en étant le créateur de la Coupe Magnus et des divers trophées individuels. Avec un tel parcours, il est donc bien placé pour avoir une analyse pertinente sur notre sport favori. Le site Hockey Hebdo est donc heureux de lui permettre de s’exprimer régulièrement dans cette rubrique.
 

 
 
 
Lieu : Media Sports LoisirsChroniqueur : Tristan Alric
Posté par Christian Simon le 21/09/2023 à 11:00
 
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Réactions sur l'article
 
Crew007 a écritle 29/09/2023 à 11:01  
Merci à l'auteur de cet article très documenté et émouvant sur une personnalité qui fut hors normes. En effet, Paul Lang mérite bien ce bel hommage de Tristan Alric pour avoir rendu de grands services au hockey sur glace français pendant plus d'un demi siècle. Le communiqué de la fédération annonçant son décès n'a pas été à la hauteur de l'événement avec seulement trois lignes laconiques qui a été le minimum syndical. Visiblement les responsables de la communication de la FFHG sont sans doute des intérimaires qui n'ont pas le recul du passé dans ce sport. Mais, si j'en crois cette tribune, le président Gerbeau a bien connu Paul Lang et il aurait dû faire en sorte de marquer l'événement sur le site officiel de la fédération. Une belle occasion manquée pour une légende qui a pourtant été élue au Temple de la renommée, c'est un comble !
 
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