Du coup, si les Jokers n’avaient pas écopé d’une pénalité de 6 points avant le coup d’envoi de la saison, Cergy-Pontoise aurait été momentanément
le seul leader de la Ligue Magnus ! Mais son démarrage en trombe ne s’est pas arrêté là puisque les Jokers s’imposèrent également à domicile contre Bordeaux après avoir été pourtant dominés trois fois au score (5-4). Je me suis alors demandé s’il n’y avait pas un effet de mimétisme avec le célèbre club finlandais le « Jokerit », qui a également un
fou du roi comme emblème, et qui doit se battre actuellement comme un chien enragé car on ne lui a pas fait de cadeau pour son retour en Finlande après sa participation à la KHL en le rétrogradant en Mestis (2
e division).
Il aura fallu attendre la quatrième journée pour que l’équipe de Cergy trébuche et perde lors de son déplacement à Marseille (2-0) puis à nouveau à Rouen (5-1) ce qui a calmé un peu les ardeurs des hockeyeurs franciliens avant que ces derniers se reprennent en battant successivement Nice (3-2) puis Anglet au pays basque (3-5) et occupent la 9ème place au classement au lendemain de la huitième journée aprés une courte défaite face à Chamonix (1-2). On verra comment se passera la suite du championnat où les Jokers ont une belle carte à jouer.
Personnellement, je ne fus pas étonné de ces trois premiers coups d’éclat car j’avais gardé en tête que les Jokers de Cergy ont réussi à disputer les demi-finales de la Ligue Magnus lors des
deux dernières saisons avant d’être éliminés à chaque fois par les Brûleurs de Loups de Grenoble. De plus, en devenant professionnelle son équipe a montré une capacité d’adaptation remarquable puisqu’elle n’a été admise dans l’élite nationale qu’au mois de septembre 2020, soit depuis seulement
trois saisons ! Seul le club de Brest avait réussi la même chose entre 1994 et 1997 sous l’ère du président Briec Bounoure, mais avait remporté par la même occasion deux fois la Coupe Magnus.
Cette entrée tapageuse des Jokers est donc une sacrée performance pour le club de Cergy-Pontoise dont la seule gloire, qui a eu un grand retentissement dans notre discipline, avant sa récente promotion dans la Ligue Magnus, était d’avoir remporté avec une domination écrasante dans l'ancienne patinoire de la préfecture, pas moins de
18 titres de champion de France féminin entre 1991 et 2017. Un exploit inédit qui fut d’ailleurs salué à juste titre avec son élection au Temple de la Renommée de la FFHG en 2009 dans la catégorie des « Bâtisseurs » du hockey sur glace français. J’ai d’ailleurs eu l’occasion, dans mon discours officiel d’intronisation, de rappeler que le légendaire entraîneur national, le regretté canadien
Pete Laliberté, décédé trois ans avant cette entrée au panthéon du club du Val’d’Oise, fut un temps le coach des filles de Cergy et qu’il aurait été très fier de cette haute distinction.
Mais aujourd’hui que ce sont les garçons qui font la une de l’actualité sportive, que reproche finalement la FFHG au club val-d’oisien ? Selon son communiqué officiel : « un non-respect des mesures d’encadrement avec un capital propre inférieur au capital social et un résultat financier déficitaire à l’issue de la saison. » Suite à ce constat préoccupant, la fédération a donc imposé aux Jokers en langage comptable « une reconstitution des capitaux propres à hauteur de la moitié du capital social au plus tard le 30 avril 2025 avec un résultat intermédiaire a minima de 189 000 euros au 30 avril 2024 ». Bref, il s’agit d’une mise à l’épreuve pendant deux saisons. Cergy-Pontoise bénéficie donc d’un « joker ».
Christophe Cuzin, qui cumule depuis 2021 le poste de président pro
bénévole des Jokers et de
manager-général
salarié assume sa responsabilité et ne cherche pas d’excuses. Lui qui fut l’ancien président du club de hockey sur glace d’Asnières pendant neuf ans fait amende honorable : « Il y a trois raisons à nos difficultés actuelles qui nous ont valu d’être sanctionnés. Premièrement : notre prévision en 2022 face à la Commission de contrôle fédérale était beaucoup trop optimiste. Mais, j’assume car sans rêve il n’y a pas de mouvement ! Deuxièmement : on s’est fait déborder par des augmentations de coûts qui ont fait grossir nos charges d’exploitation comme par exemple les traiteurs et les publicités. Troisièmement : on a fait des erreurs de pilotage budgétaire à cause d’un sous-effectif chronique car on a touché nos limites organisationnelles. »
Comme il fallait s’y attendre, l’annonce du maintien du club de Cergy-Pontoise dans la ligue Magnus a provoqué quelques réactions négatives dans les réseaux sociaux certains expliquant que d’autres clubs ont été écartés sans autre forme de procès. Mais ces derniers oublient un fait très important : dans le cas de Cergy-Pontoise il n’y a pas eu de malversations financières condamnables.
En fait, ce qui fait le plus jaser dans « radio patinoire » c’est bien entendu la grande proximité géographique qui existe entre le club de Cergy-Pontoise et la fédération, puisque le siège de la FFHG se trouve désormais à l’Aren’Ice,
dans le fief même des Jokers. Les deux entités résidant au même étage (une seule porte les sépare) l’occasion était trop belle pour lancer une accusation fantasmée de « consanguinité » et de « mansuétude » supposées à l’égard du club du Val-d’Oise.
Bien entendu, le président
Pierre-Yves Gerbeau réfute totalement ces critiques affirmant une fois encore que l’impartialité de la CNSCG est totale. Ne voulant communiquer que sur l’aspect uniquement sportif,
Éric Ropert, le directeur général de la fédération française de hockey sur glace, s’est déjà exprimé sur le club de Cergy qui est son voisin de palier, en confiant au journal Le Parisien : « Ils ont un passage difficile sur le plan financier mais c’est logique. Ils connaissent une crise de croissance après une grosse accélération avec la construction de l’Aren’Ice. Comme toutes les structures ou entreprises, il y a des phases de stabilisation économique pour repartir. L’enjeu pour le club de hockey sur glace de Cergy est de trouver un public. Les Jokers sont montés au moment de la pandémie du Covid et ils n’ont pas pu installer un public nombreux en phase régulière car cela emmène des partenaires. »
En effet, l’objectif financier du club de Cergy-Pontoise -
1,7 million d'euros de budget au total - provient en majorité de la billetterie et des sponsors des entreprises. Mais paradoxalement, les bons résultats et la montée dans l'élite nationale professionnelle n'ont pas attiré plus de public. Au contraire, la fréquence plus élevée des rencontres dans la Ligue Magnus et le décalage des matches le mardi et le vendredi (au lieu du samedi) ont même fait baisser l'affluence moyenne d'un public encore profane.
Ainsi, l'Aren'Ice a enregistré la saison dernière une affluence moyenne de 1800 spectateurs, contre 2300 avant la crise du Covid-19 qui a freiné l'engouement. « Mais avec plus de matches dans le championnat de la Ligue Magnus notre moyenne globale a quand même progressé », souligne Christophe Cuzin.
Devenue une SAS il y a deux ans, le club de Cergy-Pontoise reste malgré tout fidèle à lui-même. L'association amateur possède encore
35 % du capital et a fait entrer 69 actionnaires composés de fans et d'entreprises locales pour des participations allant de 50 euros au minimum jusqu'à 20.000 euros maximum.
« Nous refusons de faire entrer un actionnaire
majoritaire. Nous sommes enclenchés dans un processus de labellisation pour devenir une société solidaire », revendique le président des Jokers qui ajoute « « On ne renonce pas à nos ambitions cette saison qui sont de se qualifier pour les play-offs. Notre prochain objectif est de créer un grand centre de formation à l’image de Rouen, Amiens, Grenoble et Angers. »
Christophe Cuzin se projette politiquement à long terme mais, c’est une information importante, il compte bien passer rapidement la main à son manager-général adjoint
Erwan Agostini d’ici un an ou deux au plus tard.
L’ancien manager général de Mulhouse (35 ans), natif de Colombes, a surtout fait carrière comme hockeyeur d’abord en juniors à Rouen (U18-U22) où il fut également prêté comme renfort au Havre. Après un court passage d’une saison à Courbevoie, Erwan Agostini a porté ensuite le maillot du club d’
Epinal en Ligue Magnus pendant cinq saisons avant de rejoindre momentanément
Strasbourg où il acheva sa carrière sportive comme joueur. Pendant son séjour à Strasbourg puis à Mulhouse, le nouvel adjoint du président de Cergy-Pontoise fut également le coach vidéo de l’équipe de France U20, mais aussi depuis 2020 l’assistant de l’entraîneur national juniors Yorick Treille.
Pour l’instant l’équipe professionnelle des Jokers est désormais sous la houlette d’un nouvel entraîneur finlandais
Miika Elomo (46 ans) qui a dirigé la sélection nationale U20 de son pays. Ce dernier a succédé à
Jonathan Paredes, véritable architecte de la réussite des Jokers qui sont passés en cinq ans de la Division 2 à la Ligue Magnus. Un succès qui mérite d’être souligné et qui a attiré l’attention des dirigeants des Nottingham Panthers en Angleterre.
Si Christophe Cuzin a pu retenir momentanément l’ancien international junior français natif de Limoges, Jonathan Paredes ayant été sollicité de nouveau cet été par le même club britanniqu et il était dès lors difficile cette fois pour les Jokers, très limités financièrement, de le retenir.
« Moi aussi je suis un bâtisseur, confie le finlandais Miika Elomo. Ici à Cergy-Pontoise, il y a visiblement de jeunes talents et un peu d’expérience. C’est pour cette raison que j’ai signé un contrat de deux ans. »
Pour clore le chapitre, la seule question que je me pose à travers cette tribune est de savoir si le club de Cergy saura profiter de son « joker fédéral » pour rester sur le long terme en Ligue Magnus puisque son slogan officiel est «
Ensemble, écrivons l’histoire ». Le président Christophe Cuzin répond : « Vous avez raison de dire que notre maintien dans la Ligue Magnus a provoqué quelques suspicions de favoritisme. Du coup, ça nous met la pression car il faut être plus exemplaire. Mais finalement, c’est positif car ça nous permet de progresser. Je rappelle que le club de Mulhouse, d’où vient Erwan Agostini mon adjoint, a eu droit à un accompagnement pendant trois saisons. Ce fut pareil à l’époque pour Epinal. La Commission de contrôle fédérale n’est pas là pour faire tomber les clubs mais pour les cadrer financièrement quand c’est nécessaire. »
Christophe Cuzin espère bien passer le relais prochainement à la tête du club avec une stabilité et un résultat financier enfin positif pour les Jokers. Ne serait-ce que pour donner raison et remercier tous ceux qui soutiennent encore localement le club contre vents et marrées. « C’est vrai que notre modeste budget n’a rien à voir avec ceux de Rouen ou de Grenoble, mais on a le droit d’y croire ! », dit-il. Le président-manager est bien conscient que compte-tenu du fait que la distance la plus courte (à vol d'oiseau) entre Paris et Cergy est de 32 kilomètres, il est beaucoup plus difficile de fidéliser les fans de hockey sur glace franciliens, notamment au sein de la capitale qui doivent effectuer un trajet d’au moins une heure voire plus pour se rendre à l’Aren’Ice.
Dans un article de mon confrère du journal L’Equipe Olivier Paquereau, le capitaine des Jokers Patrick Coulombe expliquait au mois de septembre : « Pour obtenir le soutien du public de la région parisienne, il faut qu’on soit le plus attractif possible. Mon rôle est de dire aux joueurs de rester humbles certes, mais de continuer à jouer avec la confiance même s’il est évident qu’on ne va pas gagner tous les matches ! Notre réussite du début s’explique par le très bon camp d’entraînement fait cet été. Au départ, on ne savait pas dans quoi on s’embarquait. D’autant que j’ai vu arriver plusieurs jeunes joueurs qui n’avaient jamais joué en pro ! Du coup, on a travaillé très fort pour mettre en place notre système dès les premières semaines. »
En l’absence (regrettable) des Français Volants de Paris dans la grande vitrine que représente la Ligue Synerglace Magnus professionnelle, le parcours des Jokers de Cergy-Pontoise sera donc suivi à nouveau avec beaucoup d’attention pendant toute cette saison.
On peut compter aussi sur la motivation du reste du staff sportif parmi lequel se trouvent
Kévin Da Costa (Entraîneur assistant),
Alexis Tanguy (Préparateur physique) et
Christophe Goechon (Entraîneur des gardiens) pour optimiser le parcours du club de Cergy qui a certainement une belle carte à jouer cette saison même si, financièrement, il n’a pas obtenu une carte blanche mais juste un « joker » pour un coup de poker.