La montée en Magnus était l’objectif affiché en début de saison, y-a-t-il de la frustration sur la manière dont il a été atteint ?
Clairement. C’est plus que frustrant. Je trouve hors débat les commentaires qui disent qu’on ne le mérite pas. Parce que nous ne sommes pas responsables de la situation. On pourrait nous reprocher d’avoir candidaté pour cette montée, mais c’est un autre débat.
L’équipe dirigeante actuelle a été élue autour de 2 grands axes de travail, dont l’un est la montée en Magnus. On a travaillé pour, le dénouement de la saison nous échappe, mais c’est à notre corps défendant. S’il y avait eu 12 équipes en Magnus, il n’y aurait pas eu de place disponible et donc pas de débat puisque personne ne serait monté. A partir du moment ou l’opportunité se présentait, nous avons décidé d’assumer notre ambition en la saisissant.
Quand je suis arrivé à Cergy il y a 7 ans, alors que nous étions dans notre ancienne patinoire, on n’osait pas parler de Magnus, mais l’objectif était d’être à la hauteur de l’Arenice, notamment en termes de spectateurs. Peu de monde nous croyait capable d’y arriver. Mais le plan stratégique que nous avons présenté était double. Formation et Magnus. Sans mettre d’échéance à notre montée en Magnus. Aujourd’hui on est au-delà de nos espérances niveau d’adhérents avec plus de 530 licenciés ce qui fait de nous le 1er club de France. On est pôle espoirs. Et tout ça c’est le fruit de notre travail, on ne nous l’a pas donné. Ce qu’on nous a donné c’est l’Arenice, qui est vrai booster. Mais on a su en tirer profit. On aurait aussi pu échouer.
La Fédération n’avait d’autre choix que d’arrêter les championnats, comme cela a été le cas dans les autres sports collectifs, elle ne peut donc être critiquée pour cette décision. On peut penser qu’en cas d’arrêt de la saison après votre ¼ de finale, quelle qu’en ait été l’issue, vous auriez été légitimes à candidater pour la place ouverte en Magnus ?
On ne sait pas comment cela se serait passé. Mais à partir du moment où une place s’ouvrait, on aurait été candidat quel que soit le contexte. Je voudrai en profiter pour rappeler que la saison dernière nous avons été sondés quand des doutes ont commencé à naitre sur l’engagement de Lyon en Magnus. Aucun club n’était favorable à une Magnus à 11. A l’époque nous n’étions pas prêts et nous n’avons pas donné suite.
C’est la première saison que nous avons un groupe à 80% pro qui s’entraine en journée. Jusqu’à la saison dernière, on s’entrainait 3 fois sur 5 le soir. On était assez fiers de nos résultat la saison dernière où on est ½ finaliste avec un groupe semi-pro. Structurellement, à tous les étages du club, on se prépare à la Magnus depuis plusieurs saisons. Mais nous n’étions pas prêts avant cette saison. Aujourd’hui nous avons 5 entraineurs à temps plein, que ce soit pour l’école de hockey, le pole espoir ou l’équipe première.
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Denis Broyer |
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Votre travail et vos résultats font qu’aujourd’hui vous rencontrez un véritable succès en termes de public avec une moyenne de 2300 spectateurs par match en D1, vous attendiez-vous à une telle réussite ?
On a eu des débats au moment de la construction de l’Arenice au cours desquels certains pensaient que nous aurions 400 personnes et que nous jouerions sur la petite glace. Le premier match à l’Arenice était particulier dans un contexte d’inauguration avec un show. Mais dès le samedi suivant, on reçoit Evry-Viry en D2 et on fait 700 spectateurs. Et depuis on ne cesse de progresser.
Bien sur l’Arenice est attractive, mais on a fait notre boulot niveau communication, style de jeu, qualité de l’accueil, qui a toujours été notre préoccupation même dans l’ancienne patinoire. Quand vous amenez des gens, qu’ils découvrent que le hockey est un super spectacle dans un confort tant visuel que « matériel », ils reviennent et le bouche à oreille fonctionne. Nous n’avons jamais relâché nos efforts et la boule de neige a grossi.
En Magnus, on risque de perdre un peu de monde pour les matches du mardi. A nous d’aller chercher d’autres publics, les étudiants notamment, même si on souffre du manque de transports vers l’Arenice. Par contre le mardi est plus favorable pour nos offres vers les entreprises.
La transition de la D1 à la Magnus reste malgré tout un challenge. Au niveau budgétaire d’abord, quels sont vos objectifs de progression ?
Notre objectif est d’obtenir un maintien confortable. On table donc sur une masse salariale dans le bas de tableau de la Magnus. Notre budget cible est entre 1,2 et 1,4 million pour l’équipe Magnus, contre 1,1 million en D1.
La répartition est d’environ 38% provenant des subventions publiques, 34% des sponsors et 28% des recettes matches (billetterie, restaurations, merchandising)
Votre début de recrutement est très intéressant, notamment au niveau des joueurs français, comment expliquez-vous votre attractivité ?
Il peut y avoir des opportunités liées à des « rapprochements familiaux » qui entrent en jeu, mais je pense que notre projet est attractif. Nous n’attirons pas par des salaires élevés, déjà en D1 nous n’étions pas parmi les plus hauts salaires nets. Ça reste le cas. Mais le projets sportif, l’Arenice sont attractifs.
Nous proposons, pour certains, des engagements sur plusieurs saisons. Un engagement règlementaire et contractuel. Ce n’est pas un contrat jusqu’à fin avril, puis un nouveau contrat en août. Par exemple un contrat qui va débuter en août 2020 va durer jusqu’en avril 2022, sans interruption. La rémunération mensuelle est plus faible, mais au global elle est plus intéressante. On ne peut pas le proposer à tous, certains ne sont d’ailleurs pas intéressés, mais cela fait partie de notre attractivité.
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Denis Broyer |
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Allez-vous revoir vos ambitions à la hausse ?
Non, c’est beaucoup trop tôt. D’abord la situation est très incertaine sur bien des aspects. Alors on lit ici ou là que certains clubs baissent leurs prétentions, mais on verra au bout du compte quel sera l’état des lieux. Notre objectif reste un maintien confortable. Il faut être humble, la Magnus reste une sacrée marche, même si dans notre groupe, seuls 2 joueurs n’ont pas l’expérience de ce niveau. Mais c’est le club qui n’a pas encore cette expérience. L’enjeu est de prouver qu’on a notre place et pour longtemps.
Revenons sur la crise sanitaire actuelle. Quelles ont été les conséquences économiques sur la saison dernière et comment les avez-vous gérées ?
La convention collective précise que les contrats avec les joueurs se terminent fin avril, on a donc assumé nos engagements jusqu’à cette date. Que vous soyez finalistes des play-offs ou 9ème de la saison régulière, c’est la règle. Les joueurs étrangers sont repartis chez eux dans la semaine qui a suivi notre dernier match, à une exception près. Mais les salaires ont été payés jusqu’à fin avril. Il existe toujours la possibilité de rompre ces contrats avec l’accord des 2 parties, mais cela reste risqué d’un point de vue droit du travail.
En parallèle nous avons bénéficié des dispositifs d’aide mis en place pour tous les secteurs d’activité, notamment en recourant au chômage technique, pour les joueurs bien sur mais aussi pour les autres salariés du club dans des proportions différentes.
La crise sanitaire crée aussi des nombreuses incertitudes pour la saison prochaine. La première au niveau calendrier. Avez-vous de la visibilité sur ce point ?
Il y a 2 aspects différents. Le premier celui du calendrier proprement dit, à ce niveau on n’est pas en retard sur les autres années où il est annoncé en juin.
Au niveau timing, on est plus dans l’incertitude. On y verra plus clair mi-juin je pense. Nous travaillons sur un timing « habituel » avec une reprise le 7 août. Et on décalera en fonction de la situation. Après si la pandémie repart, tout sera chamboulé et il y aura plusieurs scénarios pouvant aller d’un décalage de la saison à son annulation dans le pire des cas. Mais personne ne peut dire aujourd’hui ce qu’il en sera.
L’incertitude doit également peser sur la construction de votre budget. Avec un triple effet : les affluences incertaines en cas de limitation de la jauge, l’engagement des sponsors privés et les fonds publics alors que les élections municipales n’ont pas connu leur dénouement. Comment gérez-vous cette situation ?
On en revient à notre modèle économique. Nous allons, pour une saison encore, rester en statut associatif comme le permettent les règlements, alors que dans un contexte normal on serait passé en société sportive. On a donc un paramètre supplémentaire à intégrer qui est celui des cotisations, des stages… qui sont des paramètres importants pour le club dans son ensemble.
Quand on construit un budget, la seule certitude est niveau des dépenses. Côté recettes, à part quelques engagements à long terme, publics et privés, cela reste incertain quelle que soit la situation. La question est de savoir ou on place le curseur du risque. En situation de crise comme en ce moment, on le déplace forcément un peu vers moins de risque.
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Denis Broyer |
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Mais quand j’entends certains dire « on ne dépense que ce qu’on a », d’accord mais comme on n’a que très peu de certitudes sur les recettes, même en situation "normale", on fait quoi ? On engage une équipe amateure ? Non la vraie problématique est où mettre le curseur du risque.
Je pense qu’on doit assumer une part de risque. Ce qui est certain c’est qu’il ne faut pas jouer à huis clos ou même avec une jauge limitée. Si cela devait être le cas, je préfèrerais décaler la saison, et c’est le cas de tous les clubs. On n’a pas de droits télé pour pouvoir amortir une telle situation.
Mais on est dans une période où il faut aller de l’avant et réfléchir positivement, sans se voiler la face.
Est-ce que le recrutement, notamment pour les joueurs étrangers, est lui aussi impacté par la situation actuelle ?
Il est vrai qu’on a regardé un peu plus du coté de l’Europe, la Scandinavie dans notre cas, que nous ne l’aurions fait dans une situation normale. C’est notamment lié aux incertitudes sur l’ouverture des frontières, même si sur ce point le fait d’avoir un contrat de travail doit permettre aux joueurs nord-américains d’entrer en France, quitte à respecter une quarantaine à l’entrée en France.
Il faut savoir que la convention collective ne nous permet pas d’inclure de clauses liées à l’incertitude concernant le calendrier de reprise. Donc si la reprise est décalée, on en discutera le moment venu avec les joueurs pour trouver des accords au mieux de l’intérêt des deux parties.
Maintenant, n’oublions pas de rester humbles. Si la crise sanitaire devait se prolonger au lieu de se résorber, les problèmes dépasseront largement le cadre du hockey et du sport en général.
On lit aussi que la situation peut permettre aux clubs français d’avoir accès à des joueurs qu’il aurait été difficile ou impossible d’attirer dans une situation « normal », qu’en pensez-vous ?
On le dit, mais ce n’est pas le cas aujourd’hui, c’est encore trop tôt. On se dit que peut-être des joueurs vont passer à coté d’offres du fait de l’incertitude qui règne sur tous les championnats. Et que quand ils vont se retourner, ils auront peut-être moins d’options et considèreront celles de clubs français moins attractives économiquement. Mais ça reste de l’intuition.
On est début mai, ça reste très tôt dans le recrutement. Nous cherchons encore quelques joueurs très costauds pour boucler notre équipe, mais on prend le temps. Parce qu’on a le temps et qu’on pense qu’il peut nous permettre de saisir des opportunités.