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HH : Frank, après un départ compliqué, votre équipe a bien redressé la barre ?
F. Spinozzi : Chaque année, on doit intégrer de nouveaux joueurs et il faut du temps pour trouver la bonne alchimie. En plus, en début de saison, on perd Kaye sur qui on comptait beaucoup. On a pris notre temps pour lui trouver un remplaçant. On est un groupe, un collectif et il faut trouver le joueur qui va s’intégrer et apporter un plus.
HH : Vous finissez finalement 5ème, est-ce conforme à vos objectifs du début de saison ?
F. Spinozzi : On visait les play-offs mais on voulait surtout être maître de notre destin et ne pas revivre la même chose que la saison dernière où nous devions attendre les résultats de nos adversaires pour savoir si nous restions dans le top 8. Après un mauvais début, on savait que ça nous prendrait une série de victoires. Ce qui nous a beaucoup aidé, c’est nos 11 victoires consécutives à domicile. C’est une performance dans un championnat aussi serré. Pour résumer, je dirais qu’on est satisfait à 75% de nos résultats. On a échappé quelques matches qu’on aurait dû gagner ou au moins pousser jusqu’en prolongation.
HH : Si on analyse ces résultats par rapport à votre budget, cette 5ème place est quand même une belle performance ?
F. Spinozzi : On ne se base pas sur notre budget pour évaluer nos résultats. Il faut analyser les choses en regardant au-delà du budget. Les joueurs sont bien traités chez nous, l’encadrement est bon, les entraînements sont réguliers, programmés à heure fixe quand d’autres connaissent des problèmes de disponibilité de glace. Chacun a son lot de positif et de négatif. On est une des bonnes organisations en France, le salaire est une chose mais bien traiter les joueurs au quotidien c’est aussi très important. Et on s’applique à être très bon sur ce plan-là.
HH : Vous avez également donné de plus en plus de temps de glace à vos jeunes joueurs français que vous développez depuis quelques années ?
F. Spinozzi : Le développement de joueurs français nous tient beaucoup à cœur. Mais il y a plusieurs choses à dire à ce sujet. D’abord, dans beaucoup d’organisations, les joueurs français ne sont pas ou peu utilisés. Nous, on veut leur donner du temps de glace, mais il faut du temps pour les développer. A long terme, c’est un atout. Mais à court terme, et en début de saison notamment, c’est plus compliqué. Il faut savoir résister à la pression du résultat pour garder sa ligne de conduite. Ca peut aussi être un problème pour certains joueurs étrangers qui sont habitués à un temps de glace important et focalisés sur leurs stats personnelles. Chez nous, ils doivent faire des sacrifices à ce niveau-là pour le bien de l’équipe. C’est pour ça que, comme je le disais tout à l’heure, on doit faire attention aux étrangers qu’on recrute et leur laisser un temps d’adaptation. Quand un joueur vient chez nous, on lui fait comprendre que le logo sur le devant du maillot a plus d’importance que le nom dans le dos.
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Photographe : David Vollborth |
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HH : Vous étiez suspendu en début de saison (12 matches dont 11 purgés cette saison), comment avez-vous vécu cette période ?
F. Spinozzi : C’était la première suspension de ma carrière. Tu te sens comme un père de famille qui n’a plus son mot à dire dans l’éducation de ses enfants. Tu es le patron toute la semaine, mais tu ne l’es plus le jour du match. J’étais chanceux d’avoir Antoine Richer comme adjoint, il a été extraordinaire. Lui aussi a dû s’ajuster, résister à la pression et coller à notre philosophie malgré les résultats. Mais c’est clair, je n’ai pas du tout aimé ce moment et je l’aurai encore longtemps en travers de la gorge.
HH : Comment vous est venue l’envie de travailler avec Antoine Richer ?
F. Spinozzi : Ca fait 3 ans qu’on est proche et qu’on a développé une amitié personnelle, bien au-delà du hockey. Pour moi, il n’y a aucune raison que quelqu’un comme Antoine soit en dehors du hockey français. C’est un des plus grands hockeyeurs français de l’histoire. Pour les Bisons, juste avoir sa présence, son expérience et sa gentillesse nous a aidés à grandir comme organisation. Quand ma suspension est arrivée, on a décidé de pousser un peu plus notre collaboration.
HH : Quelle est la répartition des rôles lors des entraînements et en match ?
F. Spinozzi : On fait tout à 2. C’est bien d’avoir quelqu’un avec qui on peut communiquer en permanence, échanger pour prendre la meilleure décision et aider nos joueurs à performer. Une équipe de coaches, c’est important. C’est une de mes plus belles expériences de coaching. Partager avec quelqu’un qui n’a pas peur d’émettre ses idées, qui est capable de se tenir sans état d’âme à une décision prise ensemble, c’était très important.
HH : Avoir un staff de coach étoffé est fréquent en Amérique du Nord, un peu moins en France, même si les choses commencent à changer. Pourquoi selon vous ?
F. Spinozzi : Pour moi, il n’y pas photo. Je ne comprends pas pourquoi les organisations investissent autant dans les joueurs et si peu dans ceux qui vont les former, les faire progresser, les guider. J’ai la chance d’avoir une bonne écoute de la part de mon Président qui comprend l’importance d’un duo derrière le banc pour faire avancer son équipe. D’abord parce qu’un coach peut avoir plus ou moins d’affinités avec certains joueurs et qu’à deux, on peut compenser. On maintient tout le groupe dans une bonne dynamique et avec plus de proximité. Trois entraîneurs, ce serait encore mieux et je pense qu’à long terme beaucoup d’organisations vont y venir.
C’est difficile pour un coach seul. Le jeu est de plus en plus rapide. A deux, tu pars avec un avantage dans l’analyse et la réaction.
HH : Il y a 4 ans, après votre 1ère saison en France, vous nous aviez fait part de vos réflexions sur un certain nombre de sujets (niveau relevé mais championnat pas assez valorisé, arbitrage, nombre de matches…), pensez-vous que les choses aient évolué depuis ?
F. Spinozzi : Mes constats initiaux restent valables aujourd’hui. La Fédération fait de son mieux pour faire avancer le hockey français. Elle est dans une position décisionnelle, et quand tu prends des décisions, tu fais des heureux et des malheureux. Et c’est toujours très facile de critiquer.
Depuis 4 ans, le niveau a continué de s’améliorer. Avec mon équipe d’il y a 4 ans, on aurait eu de la misère à faire les play-offs. Aujourd’hui, tu dois avoir minimum 3 blocs offensifs et 5 défenseurs. Au niveau de l’arbitrage, encore une fois je n’ai pas vu d’arbitres de mauvaise foi. Mais nous les mettons dans une position d’inconfort, l’arbitrage doit se faire à 4 et il ne doit pas y avoir de débat. On utilise des raisons budgétaires quand la sécurité des joueurs et du jeu sont concernées, ce n’est pas recevable. On entend aussi dire qu’on n’a pas assez d’arbitres, mais toutes les ligues étalent leurs matches sur plusieurs jours, on pourrait faire la même chose, étaler une journée du vendredi au dimanche par exemple, et ce problème du nombre d’arbitres ne se poserait plus. Aujourd’hui, l’arbitre doit tout voir, tout faire, tout seul, c’est impossible. Ce que je viens de dire pour les coaches est valable aussi pour les arbitres. Et les arbitres, c’est comme les joueurs, plus ils pratiquent, meilleurs ils seront. Donc je suis convaincu qu’il faut multiplier les matches.
Je dois être un des rares à penser qu’il faut augmenter le nombre de clubs en Magnus et en D1, avoir par exemple 20 clubs en Magnus et 20 en D1. Il y aura toujours des clubs bons et des clubs moins bons. On parle de développement des joueurs français, mais aujourd’hui on développe seulement une élite. Augmenter le nombre de joueurs français par équipe et multiplier les confrontations au plus haut niveau permettraient, selon moi, de développer le hockey français dans son ensemble. Et je ne dis pas ça pour Neuilly, pour que mon club ait plus de chance de jouer en Magnus, je le dis vraiment parce que c’est, selon moi, ce qu’il faudrait faire pour développer le hockey.
Je suis aussi favorable à augmenter le nombre de matches dans le championnat. Aujourd’hui, on a des organisations professionnelles jusqu’en D1. On devrait jouer entre 40 et 50 matches. Plus on jouera, plus on aura de visibilité. On peut aussi créer des rivalités en multipliant les matches avec les équipes proches géographiquement, ça permet de prendre en compte la composante budgétaire.
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Photographe : mav94 |
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HH : Les play-offs débutent samedi, que pensez-vous des forces en présence et de la formule des séries ?
F. Spinozzi : Tu ne trouveras pas une personne pour être à l’aise avec une série en 2 de 3. L’équipe qui bataille toute la saison pour être dans le top 4 va jouer son 1er match à l’extérieur, c’est ridicule. On devrait être en 3 de 5 avec les 2 premiers matches chez le mieux classé. Tu donnes une importance à la saison, et ça doit se traduire au niveau du format des play-offs. On aurait pu commencer à jouer dès mercredi.
Après, au niveau du championnat, je pense que les 3 premiers sont un peu au-dessus et que les 5 suivants sont d’un niveau similaire. Chacune avec ses forces et ses faiblesses, mais de même niveau. On peut s’attendre à tout avec les play-offs, mais je ne serais pas surpris que les 4 premiers soient en demi-finale. On dit que c’est une nouvelle saison, mais elle se fait avec les mêmes joueurs, c’est plus une continuité de la saison régulière.
HH : On sait que la formation vous tient à cœur, vous organisez des stages l’été au Canada, pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
F. Spinozzi : On organise des stages pour les jeunes jusqu’à 18 ans. On accueille environ 80 joueurs européens qui se retrouvent au milieu de jeunes Canadiens, et chacun apprend beaucoup du jeu des autres. On propose 2 entraînements et 1 match par jour et il y a 7 cessions de stage qui se déroulent dans la région de Montréal durant l'été. Les jeunes Européens qui participent sont accueillis pas des familles dont les enfants participent aussi au stage. Au-delà du hockey, c’est aussi une belle expérience de vie. On mixe visites et hockey et, bien souvent, les jeunes qui ont été hébergés ensemble restent en contact.
HH : C’est vous qui encadrez les stages ?
F. Spinozzi : Je passe beaucoup de temps sur la glace, mais je partage le travail avec une quinzaine de coaches, dont Maxime Dubuc qui évolue à Neuilly. On a un ratio 1 coach pour 6 joueurs au maximum.
HH : Dernière question, vous vous êtes engagés pour 5 ans avec Neuilly, mais votre nom circule pour prendre en main des équipes de Magnus, vous pouvez nous en dire plus ?
F. Spinozzi : Je n’ai pas le temps pour penser à ce genre de chose. Je me consacre à 100% à mon équipe et aux play-offs qui commencent. Ma seule priorité c’est de faire gagner mon club de Neuilly. Gaspiller du temps à écouter des rumeurs, ne serait pas « fairplay » ni professionnel vis-à-vis de mon équipe et de mon organisation. Je suis heureux à Neuilly, même si on ne peut jamais prédire l’avenir. Mes joueurs se défoncent pour le club, pour leurs coaches, je leur dois d’être complètement dédié à aider l’équipe à atteindre ses objectifs.