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Hockey sur glace - Division 1 : Neuilly/Marne (Les Bisons) |
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Hockey sur glace - Entretien avec Frank Spinozzi |
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Personnage incontournable de la D1 au cours la dernière décennie, Frank Spinozzi, le coach des Bisons de Neuilly, a pris la décision de rentrer au Canada. Son bail de 10 saisons à Neuilly aura été marqué par 8 participations aux play-offs de D1 et un titre de champion. La veille de son départ, alors que le confinement n’était pas encore déclaré, il nous a accordé une interview au cours de laquelle il a évoqué sans retenue son expérience à Neuilly et plus généralement dans le hockey français.
Nous publions aujourd’hui la 1ère partie de cette interview consacrée à Neuilly et à la D1.
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Neuilly sur Marne, Hockey Hebdo |
Hugues Bolloch le 29/03/2020 à 20:00 |
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Quand tu as signé à Neuilly il y a 10 ans, imaginais-tu y rester aussi longtemps ?
J’avais envie de coacher en Europe, de vivre cette expérience. Mais dans ma tête c’était pour 2 ou 3 saisons avant de retourner poursuivre ma carrière au Canada. Je suis né en France, donc revenir dans ce pays avait un sens.
Comment expliquer alors cette longévité ?
J’ai tout de suite adhéré aux objectifs. L’idée était de pérenniser le club dans un contexte que l’on sait difficile au niveau des infrastructures notamment. Le défi était complexe et ça m’a motivé. Et puis je me suis attaché au club, aux gamins du mineur, à l’environnement. En 10 ans la ville de Neuilly s’est beaucoup embellie. Mais la patinoire n’a pas suivi et n’a pas grandi avec l’équipe.
Tu as aussi développé une relation privilégiée avec ton Président, la longévité d’un tel binôme est assez rare dans le sport de haut niveau ?
Comme dans tout binôme, chacun doit faire des concessions, surtout que nous avons tous les 2 un fort caractère. Mais très vite on a su évoluer en confiance, une confiance presque aveugle. On a tous les deux su voir ce que l’on pouvait s’apporter et ça a été le socle de notre relation. Je suis conscient d’être un entraineur hyper exigent et qui en plus dit ce qu’il pense. Ce n’est pas toujours simple à gérer, mais Ibrahim (ndlr : Ibrahim Soubra le Président du club de Neuilly) aime entendre les choses, il a cette qualité et a apprécié ma franchise. De mon côté, j’ai apprécié le fait qu’il ne s’approprie pas la partie sportive. C’était mon domaine. Il n’y avait pas de surréactions ou de panique quand on connaissait des défaites. Il me faisait confiance.
Tu as rapidement évoqué les infrastructures, c’est un sujet récurrent à Neuilly et un vrai frein au développement du club ?
Avec des vraies infrastructures, on serait en Magnus. Mais ce n’a jamais été une excuse pour ne pas performer. On a fait notre boulot pour être performant année après année. C’est compliqué de recruter pour Neuilly. C’est un challenge a chaque saison. Tu sais que tu vas perdre des joueurs à cause de la patinoire, tu arrives à les faire venir pour 1 saison, pas plus. Tu dois être dans le court ou moyen terme dans la construction de ton équipe.
| Photographe : Denis Broyer | |
C’est usant ?
Pas tant que ça puisque je suis resté 10 ans. J’ai toujours aimé le côté « enseignement » de mon métier. Aider les joueurs à progresser et à grandir. C’est facile de monter une équipe pour gagner le championnat. Ça peut paraitre hautain comme remarque, mais c’est la vérité. Si tu as le budget pou, c’est même très facile de gagner le championnat. Mais rester performant année après année, comme on l’a été, avec un budget limité, c’est notre fierté. On est le village gaulois qui résiste et on en est fier.
Quelles sont les saisons qui t’ont le plus marquées ?
La 1ère reste très spéciale. On ne s’attendait pas au titre. Brest était favori, il y avait Reims et d’autres équipes au-dessus de nous. C’est aussi la découverte d’un nouvel environnement. La saison en Magnus a été difficile mais elle aussi a été spéciale. Il y avait beaucoup de défis de tous les côtés. La saison passée est très belle aussi (ndlr, Neuilly a été finaliste du championnat, battu par Briançon).
Et au niveau des joueurs, peux-tu nous dire quels sont ceux qui t’ont le plus marqué ?
Je pourrai en citer tellement… et à partir du moment où je vais donner quelques noms, on va avoir l’impression que je les oublie, mais non je n’oublie personne même si je ne peux nommer tout le monde. Je citerai Maxime Dubuc bien sûr, pour tout ce qu’on a vécu ensemble au niveau hockey comme personnel. Il représentait tout ce que je cherchais chez un leader.
Et puis Ramon Sopko qui a stabilisé l’équipe dans les buts ces dernières saisons et a été important pour nos spectateurs. C’est les 2 joueurs emblématiques du club. On a eu de beaux joueurs, comme Lebreton, Sherbatov, Mikka, Dubé, côté français des gars comme Guimbard ou Slupski et beaucoup d’autres belles personnes.
Au niveau du club, tu as su aussi fédérer et créer une vraie structure autour de l’équipe. C’est une belle réussite ?
C’est une de nos fiertés au club. L’équipe de D1 est extrêmement bien encadrée et très autonome. C’est aussi pour cette raison que je pars l’esprit tranquille. Le prochain coach, François Dusseau, a été préparé. J’ai un staff au niveau sportif, équipement et médical qui est vraiment au top. Avec beaucoup de bénévoles ce qui est encore plus fort.
On voit comment sont encadrées certaines équipes, c’est souvent à l’arrache. Chez nous on a de la stabilité dans l’encadrement, ça aide à limiter les erreurs.
Comment vois-tu le futur de Neuilly en D1 ? Est-ce que le club arrivera toujours à passer au-delà de ses problèmes de patinoire ?
Déjà rien n’est figé et les structures pourraient à court terme évoluer dans le bon sens. Les plus belles années de Neuilly sont à venir.
| Photographe : Denis Broyer | |
En 10 ans, tu as vu le hockey français, et la D1 notamment, évoluer de manière spectaculaire. Comment analyses-tu cette évolution ?
Le changement qui a entrainé tous les autres, c’est l’augmentation de nombres de JFL. Ça a rendu le niveau plus homogène. Quand je suis arrivé, certaines équipes avaient 12 étrangers parce qu’elles avaient les moyens, d’autres seulement 6. Les matches étaient déséquilibrés.
Aujourd’hui, toutes les équipes recrutent leurs étrangers dans des ligues de niveau équivalent. Celles qui gagnent sont celles qui ont les meilleurs français. C’est la recette pour gagner le championnat, avoir des français capables de jouer régulièrement. Sinon tu dépends uniquement de tes étrangers, comme c’était le cas avant. Et tu as moins de régularité, tu es plus « up and down ». Tu vois des clubs comme Mont Blanc et Caen dans la carré final cette saison parce qu’ils font jouer des joueurs français.
Tu ne peux plus avoir une 3ème ligne moyenne. Tu dois avoir des français capables de jouer sur tes 3 premiers blocs et de prendre des minutes.
On constate année après année cette homogénéité, mais comment expliques-tu que le niveau ait progressé lui aussi ?
Tout ce que je viens d’expliquer a contribué à faire progresser le niveau. Je trouve aussi que le coaching a beaucoup progressé. Les coaches qu’on affronte sont mieux préparés, mieux structurés et plus formateurs.
Mais il ne faut pas se raconter d’histoire, chaque saison, le titre a été « acheté ». Comme je le disais plus tôt, c’est facile de gagner ou de s’acheter le titre. Brest, Lyon, Bordeaux, Anglet… Attention, ce n’est pas une critique, juste un constat. L’année de notre titre, on était aussi dans les bons budgets.
En 10 ans, les infrastructures ont aussi beaucoup évolué. De nouvelles patinoires ont été construites. Cela doit aussi contribuer à monter les budgets et donc le niveau ?
La réputation de la D1 progresse auprès des autres championnats et des joueurs étrangers. Ils savent que c’est un championnat très compétitif. Je dirai que c’est un championnat à la nord-américaine, très up an down, ou « Nord-Sud ». La Magnus, parce qu’elle a plus de joueurs talentueux est plus un championnat « Est-Ouest ». Le jeu est différent.
Quand je parle avec des joueurs de Magnus qui redescendent en D1, comme Valere Vrielynck cette année, il me dit que c’est dur de faire la transition, que c’est un championnat difficile. Et que comme il y a peu de matches, chaque match revêt un gros enjeu et une défaite est considérée comme la fin du monde. Attention, je ne dis pas que le niveau est plus élevé qu’en Magnus, juste que c’est un jeu très différent.
Pour revenir à la question, toutes les équipes, à part Neuilly, ont aujourd’hui une patinoire digne de ce nom.
Le faible nombre de matches revient souvent dans tes explications comme un frein au développement de la D1, tu peux nous expliquer ton point de vue ?
On dit souvent que l’économie des clubs ne permet pas de jouer plus de matches. Je ne suis pas du tout d’accord. Un match a domicile te finance un déplacement. Il faut mettre plus de matches, pour plein de raisons.
D’abord pour fidéliser le public et créer de l’engouement. Ensuite pour fidéliser les joueurs. Le turnover des joueurs serait moins important avec plus de matches. Certains craquent après une saison de 6 mois à 26 matches. Ils sont là pour jouer. Ils sont professionnels.
| Photographe : Denis Broyer | |
Quel serait le format idéal pour toi ?
On ne peut pas prétendre avoir autant de matches qu’en Magnus. Mais il faut que le championnat prépare son champion à un rythme de Magnus. Il y a trop d’écart aujourd’hui. Idem pour l’équipe qui descend de Magnus et subit un changement de rythme trop important.
Je pense que l’idéal serait un format à 36-38 matches. On parle de 6 matches par mois, 1 semaine à 2 matches, 1 semaine à 1 match. On peut optimiser les déplacements, quand tu vas à Marseille, tu enchaines avec Montpellier le lendemain. Ce serait l’idéal.
Je crois aussi à 2 groupes, Nord et Sud. Tu joues plus de matches dans ton groupe. Au-delà de l’optimisation des déplacements, cela permet de créer et développer des rivalités naturelles. Un Neuilly-Cergy attire plus de monde et créé plus d’engouement et de motivation qu’un Neuilly-Montpellier par exemple. Jouer 4 fois Cergy dans une saison ça permet de remplir les patinoires sans créer de coûts de déplacement.
Augmenter le nombre de matches aurait des implications à tous les niveaux (besoin de plus d’arbitres notamment) tu penses que c’est possible aujourd’hui ?
Oui ça prend plus d’arbitres, surtout que notre sport doit être arbitré à 4 et non à 3 comme c’est le cas aujourd’hui. Donc c’est vrai que c’est compliqué et que cela doit être pris en compte.
Mais on doit former et attirer des athlètes vers l’arbitrage. On doit être capable de faire « migrer » vers l’arbitrage des jeunes qui arrêtent leur carrière à 18 ou 19 ans. Les faire commencer jeune et les former.
De toute façon il faut s’attendre à une période compliquée pour l’arbitrage et accepter de passer par une phase d’apprentissage avec toute la frustration qu’elle peut engendrer.
Beaucoup d’arbitres « vétérans » vont bientôt arrêter et il va falloir former pour les remplacer. Il faut mettre en place des étapes de formations pour que les arbitres n’arrivent pas trop tôt dans les championnats pros. Augmenter le nombre de matches, c’est aussi leur permettre de progresser plus vite et de prendre de l’expérience. C’est comme pour les joueurs, plus tu joues, plus tu prends d’expérience.
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Réactions sur l'article |
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cache-misère a écrit | le 03/04/2020 à 18:17 |
On perd un grand entraineur, son bilan est bon, il a fait du bon boulot avec des infrastructures pas à la hauteur des ambitions, une petite patinoire et un petit budget, cependant lui a reussi pendant que d'autres avec plus de moyens s'embourbent dans la médiocrité.
Je suis d'accord également qu'il faut des bons joueurs français dans une équipe pour jouer le haut du tableau, encore faut-il les trouver ou qu'ils soient disponibles. Là où je tique un peu c'est que les titres n'ont été obtenus que par l'amoncellement de bons joueurs etrangers et français sans avoir besoin de "l'acheter".
Là où je diverge c'est sur l'augmentation du nombre de matches en d1, quand je constate les difficultés financières ne serait-ce pour avoir un budget à l'équilibre en fin de saison et des patinoires qui font rarement le plein pour la plupart, je pense que ce n'est pas la recette miracle, sinon faudrait le faire dès la saison prochaine.
Quand à l'arbitrage, certes il va falloir former, mais surtout mieux former, on rencontre trop souvent de l'arrogance, de l'incompétence et du zèle dans les patinoires, etre plus pédagogue ou affable "ça ne mange pas de pain". |
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canada a écrit | le 30/03/2020 à 16:03 |
bonjour merci a votre reporter pour ce superbe papier et article respect a vous mr SPINOZZI pour tout ce que vous avez apporter au hockey francilien il est certain comme vous le dites que ce n'est pas facile de travailler dans une telle patinoire mais vous avez contribue a ameliorer enormement de choses dans ce club RESPECT et bonne route pour la suite |
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