Avec les années, j’ai essayé d’avoir une relation plus dans le dialogue et l’échange avec les arbitres. J’ai compris et accepté qu’ils faisaient avec leurs armes mais auraient, eux aussi, aimer avoir plus de formation.
Du coup tu essaies de penser comme avec tes joueurs qui sont en développement et à accepter les erreurs. Je me surprends même à dire à mes joueurs de laisser les arbitres faire leur job, je leur dis qu’ils font eux aussi des erreurs et qu’heureusement je ne leur hurle pas dessus à chaque fois.
Mais ça ne change pas ce que je pense de l’arbitrage. Des arbitres comme Bergamelli, Drif ou Fabre, par exemple, sont dans le dialogue et la communication. Ils savent éteindre des feux, calmer de la frustration. Je les appelle des « arbitres pompiers ». A côté de ça tu as des arbitres, dont certains viennent à peine d’être nommé « head », qui te manquent de respect, les « arbitres policiers », là c’est différent.
Je suis un passionné, je coache avec intensité, mais j’ai appris à mieux gérer mon tempérament, même si une fois de temps en temps je peux exploser. Mais mon staff sait aussi mieux me gérer, quand ils me sentent frustrés, ils éloignent les crosses…les bouteilles d’eau, les serviettes pour que je n’ai rien sous la main (ndlr, référence à jet de crosse en direction d’un arbitre qui avait valu 24 matches de suspension, dont 12 avec sursis, à Frank Spinozzi en 2013). Ils me mettent la main sur l’épaule, pour me faire redescendre.
Les échanges avec les arbitres sont aussi souvent un des outils de coaching sur lesquels tu aimes t’appuyer ?
Evidemment. C’est souvent du coaching. Presque tout ce que j’ai fait était prémédité. Quand je parle à un arbitre ce n’est jamais un hasard. C’est soit pour avoir une explication, soit pour essayer de l’influencer en espérant que la prochaine punition aille pour l’autre équipe, soit pour lui faire comprendre que je ne suis pas d’accord, soit pour motiver mes joueurs en leur montrant que je suis avec eux… il y a beaucoup de raisons. C’est un outil de coaching mais on sait qu’en France, l’arbitrage est beaucoup plus sévère que dans d’autres pays, notamment dans la latitude laissée aux coaches pour s’exprimer.
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Que penses-tu des accords entre clubs de D1 et de Magnus que l’on voit se développer et dont Neuilly a bénéficié cette saison avec Amiens ?
Je pense que chaque équipe de Magnus devrait avoir un accord avec un club de D1, un peu sur le modèle des « clubs fermes » en Amérique du Nord. Et chaque équipe de D1 avec une équipe de D2. Et sans restriction de mouvements de joueurs entre ces équipes : à tout moment chaque joueur peut être appelé ou envoyé dans une équipe ayant un accord.
Ça répond à 2 problèmes. Ceux causés par le faible nombre de joueurs sous contrat, certaines équipes de Magnus y répondent aujourd’hui grâce à leurs équipes U20 élite, mais on parle de 5 ou 6 équipes sur 14. Et à un problème financier pour les équipes de D1 et de D2 qui ont du mal à avoir des effectifs complets sous contrat.
Ce serait une révolution dans le hockey français, c’est un modèle typiquement nord-américain, tu penses vraiment que c’est transposable à la France ?
Ça entrainerait beaucoup d’autres changements. Il faudrait aussi arrêter le système des montées et des descentes et basculer vers un système de championnats fermés avec des franchises. Je sais que c’est un bouleversement des mentalités. Et j’irai même plus loin, je pense que pour aider la Magnus à être plus homogène, il faudrait un système un peu comme lors de la draft : l’équipe la moins bien classée peut signer pour 3 ans le meilleur U20. Je sais que ces changements ne sont pas possibles à court terme. Mais ils méritent d’être explorés.
Aujourd’hui on reproche le manque de formation, le faible temps de jeu de certains jeunes, même si les quotas de JFL sont une bonne réponse à cette situation. Mais comment reprocher à certains entraineurs ou organisations d’être dans le court terme plutôt que dans le développement quand chaque saison tu as la menace de la descente ? Dans une ligue fermée, tu peux construire pendant 2 ou 3 saisons pour être performant la 4ème.
Je ne sais pas si toutes ces mesures sont adaptées au hockey français ou européen. Mais on voit aujourd’hui que le renouvellement des équipes de Magnus se fait plus par des dépôts de bilan que par les résultats sportifs, c’est ce qui se passe dans un système de franchises. Je pense qu’on a le droit d’être imaginatif quand on réfléchit au meilleur système pour le hockey français, il ne faut se mettre aucune barrière. Surtout pas celle qui consiste à dire, c’est un système pour les nord-américains, pas pour les européens.
Mais je reconnais que c’est un sujet complexe, on peut aussi voir du bon dans les systèmes de montées-descentes. Ça rend les championnats excitants de bas en haut. Alors que dans une ligue fermée, la seule excitation autour de la dernière place c’est d’obtenir le 1er choix de la draft.
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En 10 saisons tu as coaché dans presque toutes les patinoires, quelles sont celles qui t’on marquées ?
Sans hésitation Mulhouse. C’est la pire glace pour l’équipe et le coach adverse. Les partisans y aident vraiment leur équipe. Il y a parfois un peu d’excès, mais c’est vraiment compliqué de jouer là-bas.
J’adore l’ambiance à Amiens, c’est un peu un coup de cœur puisque mon fils y a joué. Rouen est une ambiance un peu semblable à Montréal. Il y a beaucoup de connaisseurs chez les fans. C’est très festif, comme à Amiens, mais ils vont voir et apprécier des actions ou des systèmes que d’autres fans ne remarquent pas.
Ensuite Dunkerque a toujours eu une belle ambiance et a vraiment un bel outil maintenant. Tu sens que la patinoire a été pensée pour le hockey, les conditions d’accueil des équipes, le médical… c’est vraiment bien. Toutes les nouvelles glaces n’ont pas intégré les besoins du hockey avec autant de réussite. Cergy aussi maintenant avec sa belle glace commence à créer un bel engouement.
Mais bon, j’aime surtout l’ambiance à Neuilly, vraiment. Ça peut paraitre étonnant, mais quand on a mis 900 partisans dans la patinoire, c’était électrique. Cergy cette année, la finale contre Brest ou j’avais presque des supporters assis sur mon banc, c’était vraiment des belles ambiances, des beaux moments. Et puis mes partisans restent les meilleurs. Ils souffrent comme nous de l’outil à leur disposition, mais ils sont là à chaque match. Ils nous suivent à 30 ou 40 en déplacement. Vraiment bravo et merci à eux.
Tu as reçu un bel hommage pour ton dernier match à Nantes, tu as semblé très touché. Tu ne t’y attendais pas ?
Les 2 dernières semaines ont été très émouvantes. Je me répète mais je ne pense pas mériter un tel hommage en tant qu’entraineur. Mes équipes ont eu du succès, mais ces moments-là, ces gestes là devraient être réservés aux joueurs qui sont les acteurs de notre sport. Nous les entraineurs, sommes au service de l’organisation et des joueurs. Le seul honneur qu’on cherche en tant que coach, c’est de gagner le championnat. Voir une haie d’honneur comme à Nantes, ça m’a bien sur beaucoup ému, j’étais tétanisé, je ne savais pas comment me comporter. Je n’arrivais même pas à faire de high five aux joueurs.
Ce que j’ai lu depuis me touche vraiment et je suis reconnaissant de tous les témoignages que j’ai reçus. J’ai juste envie de remercier tout le monde. Mais tous les mots que j’ai reçus sont aussi pour mon staff. Jean-Marc, Cédric, Alain… sans eux je n’aurai pas fait mon métier avec autant de réussite.
J’ai eu la chance d’avoir comme adjoints Jérôme Veret, Antoine Richer et François Dusseau, je ne pouvais espérer mieux tant sur le plan humain que sur le plan hockey.
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Ta décision de retourner au Canada est motivée par des raisons personnelles, est-ce un retour définitif et quelle va être la suite pour toi ?
Je ne dis pas non à un retour en France ou en Europe un jour. Mais là, pour 1 an au moins, j’ai besoin d’être proche de ma famille. Donner du temps aux miens est la priorité. Je vais être grand-père, je veux vivre ces moments avec les miens. Les jours qui ont suivi l’annonce de mon départ, j’ai reçu plusieurs offres en Europe et au Canda. C’est valorisant, mais la priorité reste ma famille. D’autant plus avec le contexte sanitaire. Comme tout le monde, je veux être proche des miens.
Puisque tu parles de ta famille, peux-tu nous donner des nouvelles de ton fils dont tu nous as dit qu’il avait joué à Amiens ?
Après Amiens, Kevin a été drafté en 2ème ronde en OHL. Il a joué 5 saisons dans cette ligue avec beaucoup de réussite. Il a ensuite signé un contrat AHL-ECHL avec le club ferme des Pittsburgh Penguins. Cette saison il a commencé en EBEL à Bolzano mais a eu une belle opportunité dans une des meilleurs équipes d’ECHL et a signé avec les Toledo Walleye.
Tu penses qu’on le verra un jour dans un club français ?
Il a 23 ans et a encore l’ambition d’aller plus haut que l’ECHL, même si les opportunités se rétrécissent. Il peut revenir en Europe. Des clubs de Magnus m’ont contacté à son sujet. Mais économiquement ce sera compliqué. Les carrières de hockey sont courtes, il doit penser à lui.
D’une manière générale, les joueurs de hockey prennent des risques et sont à la merci d’une blessure qui pourrait mettre un terme à leur carrière. Il faut les comprendre quand ils font certains choix et ne pas dire qu’ils sont des mercenaires.
Tu as connu beaucoup de succès pendant ces 10 saisons à Neuilly, mais j’imagine que cela a été aussi beaucoup de sacrifices ?
Familialement ça a été très compliqué et j’ai payé le prix fort pour ces 10 ans à Neuilly. Je n’aime pas parler de ma vie hors hockey, mais je dois me recentrer sur l’essentiel.
Au nom de Hockey Hebdo, je tenais à te remercier de nous avoir toujours ouvert tes portes et celles de ton vestiaire pendant ces 10 ans. Et nous te souhaitons tous une bonne continuation.
Avant de terminer, j’aimerai remercier quelques personnes dont les journalistes de Hockey Hebdo. Vous faites un bon boulot, vous êtes bénévoles, investis et vous contribuez à la promotion du hockey français.
Et plus généralement, j’ai vécu une aventure incroyable en France. Je suis amoureux du hockey français et je veux remercier tout le monde. Ceux qui se sont manifestés auprès de moi ces derniers jours mais plus généralement tous ceux que j’ai croisés dans les patinoires. On a été adversaires parfois, mais il y a toujours eu du respect.