Romain Bonnefond, Entraineur Joueur & Manager de l’équipe les Renards de Roanne, est un peu l’âme de ce club ligérien depuis plus de 8 ans. Après avoir posé son sac ici où là, il signe son retour au Pays roannais et depuis les Renards n’ont de cesse de s’affirmer de plus en plus sur l’échiquier du hockey français. Extirpant le club ligérien des méandres de la D3, pour ne pas dire du hockey loisir, Romain l’a encré efficacement et durablement en D2 au point de vouloir voir un peu plus haut dans le futur. Mais voilà que, patatra, un virus s’ingénie à jouer les troubles fêtes dans cette ascension mesurée privant les Renards d’une fin de saison qui s’annonçait flamboyante.
Romain nous accorde cet entretien reflétant assez bien les soucis et les questionnements que doivent se poser beaucoup de clubs de D2. Nous ferons donc un tour d’horizon sur une année 2020 bien compliquée avec les perspectives d’une saison 2020/21 malheureusement déjà plombée par cette pandémie planétaire. Attentif bien sûr à tout ce qui concerne le hockey en France, il nous fera également partager son regard sur la Magnus.
HH - Romain Bonnefond, bonjour. Pouvez-vous revenir brièvement sur cette saison 2019-2020 où à nouveau vous étiez parti pour bousculer les pronostiques.
RB - Elle fut frustrante. Sans savoir si nous serions allés au bout, tout était au vert; nous étions dans une bonne dynamique, en forme et au complet contrairement à la saison précédente où des cadres étaient absents alors que nous étions demi-finalistes.
HH - Qu’à cela ne tienne, le club affirme ses ambitions en se portant candidat à la place vacante en D1 laissée par la montée des Jokers de Cergy en élite. Epinal et ce n’est pas une surprise, vous sera préféré mais néanmoins l’équipe repart en D2 pour une saison avec une détermination affichée de gagner sportivement cette montée.
RB - Nous avons effectivement déposé un dossier. Epinal, on s’en doutait a été préféré à notre place. Si au niveau sportif on ne peut pas savoir, on ne s’est pas rencontré mais au niveau infrastructure on ne peut pas se comparer. Ils avaient gardé l’expérience, les structures pour revenir à un niveau supérieur. Leur montée était légitime. Après nous avons affiché notre ambition de monter avec notre budget, sans faire de folies. Cet été j’ai donc voulu bâtir une équipe capable avec nos moyens d’évoluer en D1, même si ce n’était pas pour jouer les premiers rôles mais qui aurait peut-être pu jouer le milieu de tableau*. Les joueurs étaient prévenus que l’équipe pouvait être amenée à évoluer en D1 ou D2 et ils ont signé en connaissance de cause pour l’une ou l’autre division.
*Pour rappel en octobre dernier lors du 2ème tour de la coupe de France, Roanne a éliminé sans coup férir le club de D1 Chambéry 5 à 1.
HH - Vous ne vous en cachez donc pas, vous avez de grandes ambitions pour Roanne. Certes l’objectif s’annonce délicat car vous n’êtes pas les seuls à avoir cette même volonté, mais voilà que le virus refait des siennes tant et si bien que le championnat de D2 s’en retrouve suspendu. Comment vivez-vous ce début de saison perturbé pour le moins ?
RB - Avant même de commencer, on savait que cette saison s’annonçait particulière. Après cette longue intersaison de 5 mois, l’entame de saison était attendue. Je prends là ma casquette du côté économique. On savait qu’avec les jauges restreintes et ce qui tourne autour il fallait faire attention. Tant que l’on avait la possibilité de faire des moitiés de patinoire, c’était jouable pour notre budget. Après, au niveau sportif, on savait que cela pouvait être une année à rebondissement. Maintenant il y a un objectif qui est annoncé au 20 janvier par la FFHG et le ministère. On espère donc pouvoir revenir et reprendre notre saison. Peu importe qu’il y ait ou non des montées, l’importance c’est de jouer. Le côté frustrant c’est que pour nous, nous sommes à un pic, c'est-à-dire que cette équipe que j’ai commencé à bâtir il y a 4-5 ans venait vraiment à maturité et que c’était peut être le moment et pas dans 2 ans pour concrétiser ce travail. Mais bon, c’est comme çà.
HH - Quels sont les craintes que vous avez eues dans un premier temps à l’annonce de la suspension du championnat ?
RB - Ma casquette de manager général me fait dire d’abord comment on va faire pour tenir le budget. Car aujourd’hui pour un club comme Roanne le modèle économique est : billetteries et subventions mais surtout partenaires privés. Les partenaires ont joué le jeu, ils sont là sauf qu’ils ont acheté des prestations que l’on ne peut honorer. Qui rembourse qui ? Qui veut se faire rembourser ? Comment fait-on ? Or une grosse partie de l’argent est déjà dépensée et si on doit rembourser cela sera très compliqué. Heureusement une bonne partie des partenaires ont montré leur attachement au club et nous soutiendrons mais cela a été une de mes premières craintes. Après, la 2
ème crainte c’était que l’équipe se démobilise et que les joueurs repartent chacun de leur coté, que c’est une saison pour rien et que donc cela ne vaut pas le coup de se donner les moyens de continuer à s’entraîner.
HH - Est-ce que vous avez eu peur justement que ne pas avoir l’autorisation de vous entraîner ?
RB - Oui on a eu peur. La peur passée nous nous sommes battus pour pouvoir s’entrainer parce nous ne sommes pas considérés comme sportifs professionnels. Cependant après un travail avec l’agglomération et l’analyse des textes de lois nos avons a réussi à obtenir un droit de s’entraîner et depuis un mois et demi nous sommes sur la glace. En cela je tiens à remercier notre agglomération qui a trouvé les solutions pour. Et je remercie aussi mes joueurs pour l’ardeur qu’ils mettent à l’entraînement. Ils sont là pour un objectif et ont hâte que la saison reprenne.
HH - La crainte n’était pas justement autour des joueurs étrangers et particulièrement nord- américains tentés de retraverser l’Atlantique dans l’autre sens . . .
RB - Oui bien sûr; j’ai effectivement deux canadiens qui ont décidé de retourner chez eux. Plus que pour des raisons sportives, c’est de vivre le confinement dans un petit appartement, loin de leur famille alors que chez eux ils ont de l’espace. C’était compliqué de se sentir enfermé. Mais ils ont joué le jeu en laissant leurs affaires ici et en prenant un billet aller-retour. Ils doivent revenir le 4 janvier pour la reprise officielle des entraînements.
HH - Pour vous, avec le recul, cette suspension de championnat était-elle en définitive la seule option envisageable ?
RB - Je ne parlerai pas pour les autres clubs de D2 mais je pense que pour nous et notre modèle économique, si on devait jouer à huis clos ce n’était pas possible. Etant un club vivant avec beaucoup d’argent privé et donc des partenaires achetant des prestations pendant les matchs. S’il n’y en a pas, je me dois de les rembourser. Alors qu’avec la suspension, si tout le monde est d’accord pour prolonger la saison, toutes les équipes pourront jouer leurs matchs et honorer les prestations auxquelles leurs partenaires ont droit.
HH - On peut penser que tous les clubs et dans toutes les divisions sont sur les mêmes obligations puisque la FFHG a tranché en suspendant la compétition dans toutes les divisions, y compris Magnus.
RB - Oui effectivement.
HH - Comment vous êtes-vous organisé lors de cette longue pause imposée ?
RB - On a fait une petite pause d’une semaine pour accuser le coup en quelque sorte. Puis nous avons organisé une réunion avec tous les joueurs. Je leur ai expliqué ce que nous allions faire jusqu’à la reprise. Je le fais rarement mais j’ai senti qu’il fallait échanger sur comment on allait construire les 2 prochains mois. On a trouvé ensemble un bel équilibre en s’entraînant 5 fois par semaine et même si ce n’est pas pareil de s’entraîner pour préparer le match de fin de semaine et s’entraîner pour s’entraîner en gardant la motivation. Mais j’ai réussi à construire avec eux un parcours de travail pendant ces 2 mois et on s’y tient. Pour l’instant tout se passe bien et on récupère aussi gentiment certains joueurs qui étaient blessés. On va réussir à reprendre la saison au complet.
HH - Vous avez déjà en partie répondu à la question au sujet des partenaires qui dans l’ensemble ne vous lâchent pas, ce qui moralement doit être satisfaisant . . .
RB - (Enchaînant tout de suite) Oui pour l’instant ils sont là, bien présents et même s’il n’y a pas la saison ils ne nous abandonneront pas. Mais le contre coup pourrait être terrible l’année prochaine avec des compensations qui seraient légitimes. Comme j’ai dit à plusieurs si aujourd’hui vous n’êtes plus là nous ne serons plus là l’année prochaine. Nous essayons en ce moment de mettre en place des petites choses, les valoriser en présentant un partenaire par jour sur nos réseaux sociaux. Ce n’est pas grand-chose mais on a une page qui compte 4500 personnes donc c’est un petit coup de projecteur pour tous les partenaires qui nous accompagnent.
HH - Quelles conséquences craignez-vous pour votre club, pour le championnat, voir pour la pérennité de la discipline du hockey sur glace en France ?
RB - Je connais un peu le modèle économique de plusieurs clubs . . . (temps de réflexion) Je pense que la ligue Magnus est notre vitrine et que malgré tout il y a des clubs qui tirent la langue et qui se battent pour tenir leur budget, pour respecter les règles pour se structurer. Je pense que cette année va être très difficile pour eux et je souhaite vraiment qu’ils arrivent à tenir car s’il n’y a plus notre vitrine qu’est la Magnus ça va ruisseler vers le bas. Je sais qu’il y a des gens compétents dans chaque club et je suis persuadé qu’ils vont tous faire le nécessaire pour qu’il n’y ait pas de problème. Je pense à eux et je pense que le risque est plus sur eux que sur nous. Nous, les masses salariales sont basses ; ça peut impacter le club en général, peut être le hockey mineur mais quelque part nous sommes moins à risque que les clubs de la Magnus qui sont professionnels mais qui ne sont pas encore au niveau de professionnalisme du rugby par exemple.
HH - Donc pour vous la pérennité de la discipline passe par une Magnus suffisamment étoffée et concurrentielle en évitant absolument qu’elle se réduise en une peau de chagrin à quatre clubs. Pensez vous que la fédération ait les moyens pour essayer d’aider la Magnus à garder son attrait ?
RB - Je pense, vu de ma fenêtre, que la fédération et la ligue Magnus travaillent main dans la main pour trouver des solutions et je pense que tout le monde s’écoute en cette période délicate. La ligue a besoin de la fédération comme la fédération a besoin de la ligue. Je pense qu’elles doivent faire un très gros travail en collaboration, comme d’ailleurs elle le fait avec la D1, la D2 et la D3 et tout le reste. Mais voilà je pense que les plus grosses craintes devraient être sur notre championnat élite car s’il grandi il reste encore fragile. Ces 2 saisons de Covid vont ralentir son évolution. Pour autant j’espère que tout le monde trouvera les ressources pour continuer cette marche avant qu’a été la saison à 44 matchs, la professionnalisation des joueurs, plein de bonnes choses au total.
HH - Revenons à la D2 et on attend avec impatience la reprise du championnat prévue (espérée !) pour janvier 2021. Sait-on, compte tenu du temps perdu, si cela va en changer la formule avec play-offs maintenus ou non par exemple?
RB - Aujourd’hui, à l’heure actuel, l’objectif reste de finir la saison, d’aller au bout, jouer les matchs. La fédération travaille sur un nouveau calendrier à nous proposer, comme elle vient de nous l’écrire. Cela dépend de la date de la reprise. Si on reprend début janvier nous aurons perdu 8 semaines. Cela doit pouvoir se rattraper en supprimant les semaines offs, voir simplifier les play-offs. Il y a des pistes de réflexions et la commission D1-D2-D3 va proposer des choses dans les semaines à venir, nous consulter probablement pour en discuter. En tout cas nous, Roanne, nous voulons jouer et aller au bout du championnat, jouer les play-offs et s’il faut faire des avenants aux contrats des joueurs pour aller un peu plus loin dans la saison, quitte à devoir dépenser un peu plus que ce qui était prévu . . . et bien c’est une année exceptionnelle, mesure exceptionnelle mais l’importance c’est qu’on joue, que tout le monde soit contents, que les partenaires le soient aussi, que le public revienne, que les enfants du club puissent revoir jouer les grands. Le plus grand risque c’est de tomber dans l’oubli.
HH - Il est possible que ce championnat finissant tard dans la saison, cela puisse poser problèmes à certains clubs. Mais se pose aussi le problème de la finalité du championnat. Y aura-t-il des montées et des descentes ?
RB - Il y a eu des discussions sur les montées et les descentes, des projets de geler tout cela. Nous Roanne et d’autres clubs nous sommes plutôt contre car c’est quand même l’âme du championnat, ce pourquoi nous travaillons dur. Mais voilà, on est dans un contexte exceptionnel et comme j’ai dit plus tôt : contexte exceptionnel, mesure exceptionnelle et même si nous notre volonté c’est de monter, nous accepterons les décisions fédérales, nous les comprendrons et nous vivrons avec. Mais peu importe, la fédération nous a clairement dit que quoi qu’il arrive, elle veut un champion à la fin de la saison.
HH - La question que l’on peut alors se poser est la suivante : Est-ce que les objectifs, quoi qu’il en soit, resteront-ils les mêmes ou les clubs ne risquent pas de reporterez plutôt sur la saison prochaine leurs ambitions si il n’y a pas de montée possible ? Ils pourraient alors être tentés par exemple de se séparer de certains joueurs pour économiser sur un budget 2020/21 durement mis à l’épreuve?
RB - Chaque club a le choix de sa gestion. A Roanne nous avons fait le choix d’honorer nos contrats jusqu’au bout même si le contexte est compliqué. Moi j’ai construit une équipe et j’irai jusqu’au bout avec cette équipe là. Même si les objectifs ne peuvent plus être réalisés parce que il y a eu des décisions fédérales - ce qui, rappelons le, n’est pas le cas actuellement - définitivement non, je me suis engagé auprès de mes partenaires de proposer un certain niveau d’équipe sur la glace. Je me suis engagé aussi auprès de mes joueurs pour construire une équipe pour gagner et je ne me vois pas dès lors me séparer de certains pour faire des économies de quelques milliers d’euros pour les investir la saison prochaine. Ce n’est surtout pas l’idée mais bien plutôt de performer pour ne pas tomber dans l’anonymat. En tout cas nous on continue avec l’équipe que l’on a et si ça coute un peu d’argent et bien on vivra avec cette décision mais on va tout faire pour assumer.
(Nous continuerons notre discussion avec Romain Bonnefond dans une 2ème partie plus consacrée à son club et les évolutions qu’il veut apporter dans la formation . . . avec le rêve secret, le vœux de nouvel an, de voir une rénovation spectaculaire des structures d’accueil des patineurs et hockeyeurs en particulier.)