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Photographe : David Vollborth |
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Frank, on débute par un petit retour en arrière, quels enseignements peux-tu tirer de la saison régulière qui vient de se terminer ?
On l’avait dit avant la saison, la règle des 10 joueurs français a rapproché le niveau des équipes, on a donc eu un championnat plus homogène, très serré jusqu’au bout et donc très intéressant. On a vu des équipes que l’on pensait taillées pour les premières places, se battre pour la relégation ou juste pour entrer en play-off, des équipes que l’on n’attendait pas à ce niveau se sont retrouvées à la bagarre pour les premières places. C’est une des plus belles saisons depuis longtemps en D1.
Avec un tel équilibre entre les équipes, comment vois-tu les play-offs qui commencent ce week-end ?
Après une telle saison, il est très difficile de déterminer un favori pour les play-offs. Habituellement, on sait que 2 ou 3 équipes partent avec un avantage sur les autres mais, cette année, je ne serais pas surpris qu’on assiste à des surprises dès le 1er tour. Mais on ne pourra pas parler véritablement de surprise quand on voit que seulement 4 points séparent le 8ème du 3ème. Ca s’annonce vraiment très équilibré.
On présente souvent les play-offs comme une nouvelle saison. Qu’est-ce qui, selon toi, peut faire la différence ?
L’élément numéro 1 en play-off, c’est le gardien. Quand on a été champion en 2011, notre gardien, Kevin Desfossés, a été chaud pendant toutes les séries et cela fait la différence. Le 2nd point, c’est d’arriver sans blessure au niveau des joueurs-clés et d’avoir une bonne profondeur de banc. Enfin, arriver sur une bonne dynamique, une bonne série peut aussi s’avérer un élément important.
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Photographe : MAV94 |
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Sur la base de ces critères, quelles équipes te semblent les mieux armées ?
Aujourd’hui, c’est sûr que Lyon et Brest ont un léger avantage sur les autres. Mais c’est tellement serré, que vraiment c’est difficile de dégager un favori.
Parlons un peu de ton équipe, les Bisons de Neuilly, est-ce que tu penses que vous réunissez ces ingrédients avant le début des séries ?
On savait depuis quelques temps qu’on aurait besoin de 30 points pour aller en play-off, on a dû attendre la dernière journée pour atteindre ce total. Mon équipe, c’est un peu "Docteur Jekyll et Mister Hyde". La prestation que nous avons réussi à faire à Montpellier était d’un très bon niveau, si on avait joué tous nos matches à ce niveau, on aurait fini beaucoup plus haut. Mais il y des matches, comme contre Courbevoie, où on jouait avec le niveau d’un relégable. Alors, oui, notre gardien est monté en puissance tout au long de la saison, après un temps d’adaptation et c’est vraiment un super mec. Mes joueurs-clés sont en forme, nous n’avons pas de blessés et on a remporté nos 2 derniers matches. On peut jouer un rôle en play-off, pas sûr d’ailleurs que, si nos adversaires avaient pu choisir, c’est contre nous qu’ils auraient voulu jouer. Mais on peut faire le même constat pour la majorité des équipes qualifiées.
Comment expliques-tu cette saison en dents de scie ?
On a connu tellement de choses cette saison. Ca a commencé par notre patinoire qui n’était pas disponible pour le camp d’entraînement puis pour les premiers matches de la saison. Nos recrues étrangères n’étaient pas qualifiées pour les matches de pré-saison. J’ai donc dû attendre pour juger du niveau de mon équipe, qui était reconstruite à presque 100% après notre descente de Magnus. Et donc faire des ajustements jusqu’en novembre pour l’amener à son équilibre actuel. Ensuite, on a eu des longues périodes sans match (1 seul match entre le 19 décembre et le 26 janvier), nous avons eu du mal à trouver nos automatismes et à maintenir notre rythme. Mais on finit la saison régulière sur une bonne dynamique, avec un bon groupe.
Revenons aux play-offs, que penses-tu de l’ordre des matches et n’est-ce pas un élément supplémentaire susceptible de conduire à des « surprises » ?
On sait pourquoi on en est là, simplement parce qu’il est, paraît-il, plus économique de jouer 2 matches en 2 jours dans la même ville et de ne payer qu’un déplacement mais une nuit d’hôtel en plus. Je ne suis pas convaincu de l’argument économique mais, d’un point de vue sportif, c’est un non-sens. On doit favoriser l’équipe la mieux classée qui doit donc jouer le 1er match chez elle. Gagner le 1er match met tellement de pression sur l’équipe perdante. On l’a vécu en 2011 quand on a perdu à Bordeaux le 1er match des ½ finales ou, à l’inverse, en finale quand on a remporté le 1er match face à Brest. Je pense que tous les coachs sont d’accord pour dire que la formule actuelle n’est pas bonne.
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Photographe : MAV94 |
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Ces dernières années, le champion de D1 a eu beaucoup de mal à se maintenir en Magnus, la marche est si haute entre les 2 divisions ?
Là encore on touche à une question qui fait l’unanimité parmi les coachs de D1. En fin de saison dernière, on me disait que Mulhouse ne vivrait pas la même chose que nous. Qu’ils avaient un plus gros budget, une plus grande patinoire, plus de spectateurs… Sauf que Mulhouse avait le même handicap que nous et que le futur champion de D1 : nous finissons notre saison 2 mois après certains clubs de Magnus, notamment ceux qui jouent la relégation. Comment est-il possible, dès lors, d’être compétitif en terme de recrutement, notamment au niveau des joueurs français qui sont ceux qui finissent par faire la différence dans l'alignement ? C’est un handicap quasi-insurmontable. En Amérique du Nord, le système de la draft favorise les plus faibles pour rééquilibrer le championnat. Ici, c’est l’inverse, on donne un handicap à l’équipe qui monte. Ce devrait être l’inverse, la D1 devrait finir avant la Magnus. D’autant plus que les budgets de D1 sont plus faibles mais on nous fait une saison plus longue, donc des joueurs à payer sur un nombre de mois plus importants. Ce point devrait vraiment être revu.
La bonne nouvelle, si on peut dire, c’est qu’il n’y aura pas 3 descentes de Magnus la saison prochaine, sinon la tâche paraissait impossible pour le promu ?
C’est vrai. Mais faut-il se réjouir du décalage de la mise en place de le nouvelle formule ? On nous annonce une saison de transition, on s’organise en conséquence. En D1, et chez nous en particulier, peut-être que le recrutement et la prise de risque n’auraient pas été les mêmes si on avait su avant la saison que la nouvelle formule était repoussée. On en a longtemps discuté entre nous, mais on se disait que ce n’était peut-être pas la bonne année pour monter. Maintenant, c’est différent. On sait que certains clubs en phase de transition ont poussé pour que la mise en place de la nouvelle formule soit décalée, afin de limiter les risques. Les arguments évoqués ne sont pas sportifs, mais structurels (professionnalisation de l’encadrement administratif, marketing…). Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne décision au niveau sportif. Et, surtout, quand on annonce quelque chose, c’est toujours mieux de le faire.
Attention, on va croire que je ne fais que critiquer le championnat et son organisation, mais je l’ai souvent dit, la D1 est un championnat fantastique. Comme le hockey français, il souffre d’un manque de médiatisation et donc de reconnaissance pour être jugé à sa vraie valeur. Mais demandez aux recrues étrangères ce qu’elles en pensent. Elles sont souvent surprises du niveau et doivent évoluer à leur meilleur pour s’imposer. Maintenant, avec quelques aménagements simples et qui me semblent de bon sens, ce serait encore mieux.
Même si la saison n’est pas terminée, on imagine qu’une partie de ton temps est déjà consacré à préparer la prochaine ?
On est en pleine saison, comme la majorité de nos concurrents. Donc on se concentre là-dessus et on ne contacte pas de joueurs avant la fin de saison. Certains clubs ne se gênent pas pour le faire, on en a été victime encore cette saison, mais c’est une question de respect et de bonne conduite. Chez nous (en Amérique du Nord), ce type de comportement pourrait être puni.
Et Frank Spinozzi, où sera-t-il la saison la prochaine ?
Je suis encore sous contrat avec Neuilly jusqu’à la fin de la saison et je suis, je le répète, 100% concentré là-dessus. Je veux réussir les play-offs, aller le plus loin possible. J’ai la chance de coacher un groupe de joueurs fantastiques, travailleurs et décidés. Un des meilleurs groupes que j’ai eu à coacher dans toute ma carrière. Après, je suis bien à Neuilly, mais il faut poser la question à mon Président, savoir s’il est satisfait de mon travail, s’il a envie de me garder. On se rencontrera pour en parler en temps voulu.