HH : Quel bilan tirez-vous de la saison de Neuilly ?
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Photographe : HCNM93 |
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Ibrahim Soubra : Le bilan est positif puisque nous terminons 3ème du championnat. Mais Neuilly est un club ambitieux et il y a un petit regret de ne pas avoir atteint la finale. Ça se joue à peu de chose, surtout le premier match chez nous contre Nice. Lors du match 2 on a un but refusé qui nous aurait permis de mener 2-0 et peut d’être d’aller chercher un 3ème match. En cours de saison nous avons amélioré l’équipe et revu nos ambitions à la hausse. On aurait clairement aimé aller jusqu’au bout.
HH : Quels sont les ingrédients qui permettent à Neuilly de se maintenir année après année dans le haut de tableau ?
Nous avons été promu en D1 en 2002-2003 et nous avons toujours travaillé en binôme avec l’entraineur. C’est une des clés de nos résultats. Nous travaillons en bonne entente, je laisse de la latitude au coach pour construire l’équipe. Chacun est à sa place et on travaille dans l’intérêt du club. C’est aussi un point très important. Personne ne passe avant l’intérêt du club, que ce soit moi, le coach ou les joueurs. On fait un travail de fond sur la formation qui ne se voit pas encore mais va payer bientôt. Notre hockey mineur progresse, on est en division A dans les petites catégories, en Elite chez les U15. On doit encore franchir un cap et c’est beaucoup plus complexe que la gestion d’une équipe de D1 sur laquelle on a plus de maîtrise.
HH : Pourquoi avez-vous tant de difficultés à vous inscrire dans la durée et avoir plus de stabilité au niveau de l’effectif pour pouvoir travailler sur des cycles de 3 à 5 ans ?
C’est une réalité avec laquelle on doit composer aujourd’hui. Il y a 2 explications principales. La première est liée à l’infrastructure. Ce n’est pas un problème de patinoire mais il nous manque clairement un vestiaire digne d’athlètes professionnels, un lieu de vie pour fédérer et faire vivre le groupe. On travaille avec la municipalité pour remédier à ça et on va faire bouger les choses dans un avenir proche. La 2ème explication tient à notre budget. On doit trouver des joueurs qui acceptent nos conditions, mais rapidement ils sont exposés, prennent de la valeur et trouvent de meilleurs contrats dans d’autres organisations. Les exposer, leur donner du temps de jeu est un de nos arguments pour les convaincre de venir, donc on n’est pas surpris de les voir partir quand ils réussissent.
On ne peut pas s’aligner sur certaines propositions et mon rôle de Président et de m’assurer que tous les engagements que je prends seront tenus, que tous mes joueurs seront payés à temps. Je ne pourrai pas dormir si ce n’était pas le cas. Nos joueurs ne gagnent pas des sommes astronomiques et ont besoin de leur salaire pour vivre. On doit les respecter et tenir nos engagements.
HH : Malgré tout on a le sentiment que Neuilly commence à être attractif, on voit notamment des joueurs français de bon niveau vous rejoindre, c’est le cas aussi d’un élément expérimenté comme Sopko. Comment expliquez-vous cette évolution ?
Pour compenser nos handicaps, on s’appuie sur quelques atouts. La façon dont on traite nos athlètes par exemple. Et on fidélise quelques cadres qui perpétuent année après année l’esprit des Bisons. Ils sont nos relais auprès de l’effectif.
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Photographe : Philippe Rouinssard |
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Vous parliez des joueurs français, c’est un gros enjeu pour nous. Notre formation progresse mais ne fournit pas encore de joueurs pour l’équipe première. Hors sans de bons JFL, on ne peut pas viser le haut de tableau. En 2010-2011, on avait de bons français et ça nous a permis de jouer le titre. Mais beaucoup étaient en fin de cycle. Aujourd’hui on attire des joueurs qui sont sur le banc en Magnus, on les place dans un contexte favorable. On connait leur potentiel, on leur laisse juste le temps de l’exprimer, de retrouver leur confiance. Notre coach n’est pas qu’un entraineur, c’est aussi un très bon formateur, qui aime enseigner et transmettre. Du coup on arrive à attirer et garder de bons JFL. La tournure que prend notre équipe pour la saison prochaine en sera la parfaite illustration.
Ensuite le milieu du hockey est petit, tout se sait et le respect de la parole et des contrats sont des valeurs importantes pour attirer des joueurs.
Dans le même registre, on est aussi très transparent. Quand on va chercher un joueur, on ne lui ment pas sur l’envers du décor et il vient en connaissance de cause. Ensuite nous sommes un club ambitieux, qui joue le haut de tableau saison après saison et le projet sportif est attractif.
HH : En tant que Président vous intervenez un peu à tous les niveaux dans le club. Pouvez-vous parler de vos relations avec les collectivités locales, avec la ville de Neuilly sur Marne notamment qui est propriétaire de vos infrastructures et donc partenaires important du club ?
Avec les collectivités, tout n’a pas toujours été facile. Un article paru dans l’équipe la saison de notre montée en Magnus a refroidi les relations. Mais c’était un mal pour un bien. On a remis les choses à plat, expliqué nos attentes et les relations se sont normalisées. Nous sommes un club ambitieux, aidé par le département de la Seine St Denis qui nous a toujours soutenu. La municipalité nous a écouté, a compris qu’on ne voulait pas exister au détriment des autres clubs de la ville et a entrepris beaucoup de travaux dans la patinoire : plexi, toiture, groupes froid, affichage… On est dans une ville qui ne roule pas sur l’or mais qui fait des choses progressivement. On est dans une logique sociale et sportive, on ambitionne d’être le club phare de notre ville mais avec un visage humain. Les choses se font mais cela prend un peu plus de temps qu’ailleurs. Par exemple, le budget a été voté cette année pour refaire l’éclairage aux normes de la Magnus.
HH : Un Président est également en contact étroit avec les instances fédérales. Quelles sont vos relations avec la Fédération ?
Sans aucune démagogie, je tiens à saluer le travail fait par les équipes de Luc Tardif depuis la création de la Fédération. Notre sport a évolué et ils nous ont rendu fier d’appartenir à cette famille. En tant que Président tu t’impliques dans les instances fédérales. J’ai été membre de la commission de discipline, aujourd’hui je fais partie de la commission D1-D2-D3 et de la commission féminine. En plus des réunions liées à ces commissions, nous avons des réunions avec les Présidents de D1 en début et en fin de saison. C’est au cours de ces réunions qu’ont été prises les décisions qui ont permis de faire évoluer le championnat ces dernières années, comme le format des play-offs qui est passé d’un aller-retour à des séries en 2 de 3 ou 3 de 5. Ces décisions sont prises en concertation avec les entraineurs. On les consulte, on sait qu’ils veulent plus de matches. On voit aussi la mentalité des Présidents évoluer. Ceux qui arrivent de D2 sont réticents sur les matches en semaine par exemple mais évoluent quand ils voient le dynamisme de ces réunions. On a tout fait pour que la D1 se termine en même temps que la Magnus, notamment pour être sur un pied d’égalité au niveau du timing du recrutement. Ça passe par des matches en semaine. L’ouverture aux extra-communautaires s’est aussi décidée en commission. J’apporte mon avis et on sort avec des décisions qui emportent l’adhésion du plus grand nombre
HH : La réforme de la Magnus va impacter la D1 et les organisations vont continuer à se professionnaliser, pensez-vous que le championnat va évoluer, on pense notamment au nombre de matches ?
Aujourd’hui il y a une volonté de professionnaliser les clubs et notre sport, jusqu’à présent la Fédération a dit qu’elle voulait maintenir un système de montées-descentes et ne pas faire de la Magnus une ligue fermée. Si on veut une équipe nationale performante, si on veut garder nos meilleurs joueurs et les faire progresser, il fallait augmenter le nombre de matches en Magnus. La réforme de la Magnus s’est faite avec l’accord des clubs, quoiqu’en dise certains aujourd’hui. Aller plus loin tout de suite, c’est compliqué. La situation économique est compliquée pour tous les clubs, on devrait le sentir lors du passage de la commission de contrôle de gestion.
HH : Vous êtes Président bénévole, qu’est-ce qui vous motive aujourd’hui à continuer à vous investir dans votre rôle ?
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Photographe : Philippe Rouinssard |
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J’ai rejoint le club il y a 24 ans pour l’aider à organiser le tournoi international U15. Puis petit à petit je me suis investi, j’ai intégré le bureau. Ce qui m’intéressait c’était de démocratiser le hockey sur glace à Neuilly. Donner la possibilité à des gamins de la ville d’accéder à un sport dont la pratique coute cher. On avait 85 licenciés, on est à presque 300 aujourd’hui ce qui est énorme dans notre contexte.
Je suis ambitieux, j’aime gagner, j’aime voir mes joueurs, mes jeunes gagner. J’explique à nos jeunes que le hockey est une belle école de la vie. Fais les efforts sur la glace et tu réussiras, fais les efforts dans la vie et tu réussiras. Aujourd’hui on a des gamins qui sont fiers d’appartenir au club. Un exemple, chez nous le maillot de match est prêté, mais quand je vais aux entrainement je vois des gamins qui ont acheté un maillot du club alors qu’ils n’y étaient pas obligés et ça c’est une grande satisfaction. On a mis en place une section sportive, la seule labélisée par le ministère en Ile de France.
Ces attitudes et nos bons résultats sont des satisfactions qui me poussent à continuer. Et puis mon fils joue au club en U13, ce sport lui plait et plutôt que de venir le voir en simple spectateur, je m’investis.
J’ai la confiance des collectivités, des gens du club et tout ça me motive.
HH : Vous avez toujours eu de longues collaborations avec vos entraineurs, comment l’expliquez-vous ?
Quand je suis arrivé dans ce sport, on m’a expliqué que la clé de la réussite pour former des joueurs était de s’inscrire dans la durée avec un entraineur. Et depuis 24 ans je mesure combien c’est vrai. Je ne suis pas un homme de conflit, j’essaie de bâtir de bonnes relations avec mon entraineur. Ça n’empêche pas de se dire les choses. Mais je ne réagis pas négativement au premier accroc, au premier résultat décevant. Tu donnes ta confiance à un entraineur pour mener ton club, tu dois le soutenir. J’ai travaillé 10 ans avec Jérôme Pourtanel et on a fait passer le club de la D3 à la Magnus. L’arrivée de Frank Spinozzi correspondait à la fin d’un cycle avec Jérôme. Frank est quelqu’un avec qui je peux parler, il est à l’écoute. On n’est pas toujours d’accord, il aimerait aller plus vite mais il comprend le contexte de Neuilly et est très loyal avec l’organisation. La réussite c’est une histoire d’hommes.
HH : C’est compliqué de déveloper un club de hockey en Ile de France ?
Oui et non. Compliqué parce qu’il n’y a pas de volonté politique pour faire émerger un club en Ile de France et sans volonté politique on n’y arrivera pas. Pour franchir un cap, on a besoin d’un soutien politique. Pas forcément au niveau financier, mais c’est un effet boule de neige. Si les politiques affichent leur soutien, le monde économique suivra et nous aidera à nous développer.
Non parce qu’on existe, qu’on se développe grâce au travail des bénévoles, des dirigeants, du département et de la ville. Le département ne peut pas faire plus pour nous soutenir, la ville continue de nous aider comme je l’ai expliqué. Mais il faut une volonté politique pour nous donner de la visibilité. Peut-être que les championnats du Monde nous aideront.
HH : Pour conclure, pouvez-vous nous donner les premiers contours de l’équipe de Neuilly pour la saison prochaine ?
Frank Spinozzi est toujours sous contrat jusqu’en 2018 et travaille, en étroite collaboration avec moi, à construire l’équipe pour la prochaine saison. Nos ambitions resteront de nous qualifier pour les play-offs et de gagner le dernier match de la saison pour reprendre une expression que j’aime bien. On va continuer avec nos valeurs pour réussir.
On va annoncer beaucoup de resignatures et quelques arrivées. C’est une des meilleures années au niveau de la rapidité avec laquelle on a pu prolonger des joueurs qu’on voulait garder. On aura une belle ossature pour être aussi compétitif que la saison dernière.
Concernant le process pour construire l’équipe, il est assez classique. On évalue les joueurs à la fin de la saison régulière, on définit des priorités et on fait nos arbitrages budgétaires en fonction de ces priorités. Les JFL sont devenus un élément clé du recrutement et on s’attache à ce secteur en priorité. En évaluant aussi bien les qualités sportives que les qualités humaines et la capacité d’intégration dans notre organisation. On veut des joueurs de caractères mais on ne veut pas de joueurs qui font passer leur égo avant l’intérêt du club.