Hockey Hebdo : Frank, après une saison très réussie en D1 et des matches amicaux prometteurs, on attendait beaucoup de ton équipe. Avec un peu de recul, comment analyses-tu votre saison ?
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Frank Spinozzi : Les raisons de notre saison difficile sont nombreuses. Mais la première chose que je tiens à dire, c’est que j’en assume l’entière responsabilité.
J’ai choisi les joueurs, mis en place les systèmes, coaché donc j’assume l’entière responsabilité de nos résultats. Je n’ai rien à reprocher à mes joueurs, ils ont fait de leur mieux, compte tenu des circonstances.
Quand je suis venu à Neuilly, les règles du jeu étaient claires. Je connaissais le contexte, le budget, les structures, la petite patinoire. Je l’ai accepté et je ne vais pas me réfugier derrière ces éléments aujourd’hui pour expliquer nos résultats.
Passer de D1 à Magnus est bien plus compliqué qu’on ne le pense. On a réussi l’an dernier à accrocher des équipes de Magnus (victoire contre Amiens en Coupe de France, notamment), mais ce n’est pas la même chose sur une saison. Cette année, on n’a pas battu d’équipe de haut tableau, contrairement à toutes les autres équipes.
HH : Que vous a-t-il manqué pour réussir votre saison ?
FS : Le nerf de la guerre c’est l’argent et nous avions le plus petit budget de la ligue, un budget qui doit se situer en milieu de tableau de D1. Pour être compétitif, il nous a manqué 2 compteurs, 1 défenseur de niveau international et 1 gardien de haut niveau, mais on ne pouvait pas se les payer, contrairement à la plupart des équipes.
Notre budget nous oblige à faire des paris au niveau du recrutement. On n’a pas été déçu par nos joueurs, mais il nous a clairement manqué un gardien fiable et capable de répéter les bonnes performances.
Une performance de gardien en début de saison nous aurait fait beaucoup de bien. Attention, je ne parle pas de notre 2ème gardien qui, lui, nous a donné satisfaction.
Lors du 1er match de la saison contre Gap, on mène 6-2 à 14’ de la fin pour perdre en prolongation et ce match nous est resté en travers de la gorge toute la saison. Je ne sais pas si on peut parler de tournant, mais on s’en rappelle encore.
C’est là qu’on aurait eu besoin d’une performance de gardien sur 5-6 minutes, on ne l’a pas eue et le doute s’est installé. L’an dernier, on avait un gardien capable de nous maintenir dans le match, de nous donner confiance, ça n’a pas été le cas cette saison.
HH : C’est le seul élément qui vous a fait défaut cette saison ?
FS : Non, bien sûr, mais c’est primordial d’avoir un bon gardien. Surtout quand on joue la moitié de ses matches sur une petite glace sur laquelle le palet revient très vite devant le but.
Mais, au-delà de ça, on avait un très bon groupe qui s’entendait très bien, avec des joueurs travailleurs et disciplinés. Mais avoir 1 ou 2 joueurs de caractère dans le vestiaire nous aurait été utile, notamment dans les moments critiques, quand il faut prendre les choses en main pour rassurer un groupe très jeune.
Nous avions beaucoup de joueurs jeunes, nos vétérans n’ont pas tiré le reste du groupe vers le haut. Nos leaders étaient jeunes et ont besoin de temps pour atteindre leur potentiel.
Nous avons du faire des choix, prendre des risques au niveau du recrutement. Je sais que notre Président travaille fort pour développer le budget et que ce qu’on a aujourd’hui, c’est à lui qu’on le doit. Il ne faut pas oublier qu’un de nos objectifs est le développement du hockey mineur et que notre budget se répartit entre l’équipe de Magnus, le mineur et l’équipe féminine. Il faut conserver cet équilibre. C’est vital à long terme.
HH : Si tu pouvais revenir en arrière, que changerais-tu ?
FS : C’est facile une fois que la saison est finie mais, encore une fois, la stabilité dans les buts nous a coûté cher. Une équipe comme Caen, son gardien lui a donné 4 ou 5 victoires, on n’a pas eu ce type de performance qui nous aurait donné beaucoup de stabilité et de sérénité. Tu ne peux pas aller en Magnus sans un gardien de haut niveau.
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HH : Retires-tu quand même des satisfactions de cette saison ?
FS : Ce n’est pas facile de trouver du positif quand tu finis dernier.
J’avais des joueurs extraordinaires au niveau de l’état d’esprit, de la cohésion, et de l’attitude. C’est ce qui a permis à notre groupe de ne pas exploser malgré les résultats.
Si nos partisans nous ont suivis, c’est qu’ils ont vu une équipe unie et qui a travaillé sans jamais abandonner. La présence de nos partisans est aussi une réussite. Certes, nos affluences restent modestes mais les partisans ne nous ont pas lâchés. Notre club de supporters nous a suivis en déplacement, s’est toujours bien comporté, a toujours eu des bons mots pour les joueurs.
HH : Des satisfactions individuelles aussi ?
FS : On a fait beaucoup de paris au niveau des jeunes joueurs, c’est une obligation pour une organisation comme la nôtre. Des paris, on va obligatoirement en perdre et en gagner.
Pek et Cacciotti ont été des satisfactions, ils ont travaillé fort toute la saison. Lebreton aussi, on lui a demandé de tenir un rôle de vétéran alors qu’il n’a que 22 ans.
On a vu à la fin de la saison que des joueurs comme Sherbatov, Martin et Bolduc se sont adaptés au niveau. Et ce temps d’adaptation est tout à fait normal pour des jeunes joueurs.
Birolini a fait beaucoup de progrès et j’ai apprécié la progression du jeune Breton. Labat constituait un pari en 2ème gardien, c’est un pari réussi. Il a atteint les objectifs que nous lui avions fixés.
HH : Dans quelles directions doit travailler Neuilly pour réussir à se stabiliser au niveau de la Magnus ?
FS : Une organisation comme Neuilly doit absolument développer le hockey mineur pour s’en sortir à long terme. Même si, à court terme, cela revient à priver l’équipe de Magnus d’un petit budget supplémentaire. La formation est quelque chose de très important et un des aspects de mon job que j’apprécie et qui a été déterminant au moment de choisir Neuilly. On a besoin d’avoir une base de 7 ou 8 jeunes du cru qui jouent en équipe première. Ca permet de développer un sentiment d’appartenance et de fierté du maillot que nous n’avons pas aujourd’hui. Villard a su développer ça et on l’a senti sur les séries, où le talent ne suffit plus pour faire la différence et où cette fierté décuple ton engagement.
HH : As-tu déjà commencé à penser à la saison prochaine ?
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FS : Après chaque saison, réussie ou pas, je prends un temps de réflexion pour évaluer ce que j’ai fait et ce que je veux faire. Cette saison, ma famille est restée au Canada (
seule une de ses filles l’a accompagné en France) et c’est un sacrifice humain important. Je sors juste de cette période d’évaluation de ce qui a été, de ce qui n’a pas fonctionné et de ce à quoi j’aspire pour la suite. Je pense que c’est très sain et que chaque être humain devrait passer par cet exercice.
Mais ce n’est pas une question de motivation. Les discussions avec mon Président se passent bien et je peux annoncer que je serai de retour à Neuilly la saison prochaine. Une saison sur laquelle nous avons, bien sur, déjà commencé à travailler.
HH : Vous allez certainement devoir rebatir une équipe, cela va occuper la majorité de ton temps dans les semaines et les mois à venir ?
FS : Bien sur, ça fait partie de notre job, c'est une des périodes les plus actives pour un Président et une phase importante pour le coach. On aimerait conserver certains joueurs pour capitaliser sur nos acquis. En parallèle je finalise également l'organisation des
stages que je vais encadrer cet été.
HH : C’était ta première saison en Magnus, quelle est ta perception de la Ligue ?
FS : Je vais faire le même constat que l’an dernier.
Je pense que cette ligue est un des secrets les mieux gardés du hockey européen.
Il faut arrêter de dire que la Magnus n’est pas une ligue de bon niveau. On voit des joueurs d’Extraliga avoir de la misère en Magnus.
Tous les ingrédients d’une bonne ligue sont réunis. Le niveau est bon, j’ai été impressionné par la qualité de l’encadrement, par les relations entre la fédération et les organisations. L’arbitrage est lui aussi d’un bon niveau, compte tenu du faible nombre d’arbitres. Bien sûr, ils peuvent avoir quelques mauvais matches, mais pas plus que nos joueurs n’en ont dans une saison.
Le problème d’un secret, c’est que peu de monde le connaît. Il manque juste un peu de médiatisation pour que tout le monde soit conscient de ce qu’est la Magnus et que le hockey se développe encore plus vite en France
HH : Un petit pronostic pour le titre de champion ?
FS : D’abord, je suis bien sûr déçu que mon équipe ne soit pas impliquée dans cette fin de saison. Après je n’ai pas de favori et peu m’importe qui gagnera. Je vais donc dire « que le meilleur gagne », une attitude que j’aurais aimée de la part de mes collègues qui ont, en majorité, souhaité le maintien de Villard dans un sondage réalisé par le Dauphiné avant les play down.
Mais je pense que le grand gagnant sera le spectateur. Tout le monde peut battre tout le monde, c’est le signe d’une ligue équilibrée et c’est la grande victoire de la Magnus cette saison.