HH : Il y a une dizaine de jours, vous fêtiez vos 30 ans à la tête de la ligue. Est-ce qu'en 1986 vous vous attendiez à ce que l'aventure dure aussi longtemps ?
Non, pas du tout. En 1986, j'ai été nommé par intérim et l'intérim se poursuit depuis le 13 février 1986. Je ne m'attendais pas à être président pendant autant d'années mais si j'ai été en mesure de rester aussi longtemps c'est grâce à un personnel extraordinaire à mes côtés depuis tout ce temps. Certains sont là depuis plus de 20 ans et ils m'ont aidé beaucoup. Je n'oublie pas les propriétaires des clubs qui font du bon travail et semblent apprécier celui que je fais également pour me garder depuis ses années.
HH : Comment êtes vous arrivé à la tête de la ligue ?
Cela fait 40 ans que je suis avec la ligue. J'ai commencé dans les années 70 comme statisticien pour l'équipe des Draveurs Trois Rivières à l'époque, pendant 2 ans, puis j'ai rejoint le bureau permanent de la ligue, on était trois employés à l'époque. Tranquillement, j'ai gravi les échelons au sein de la ligue tout en passant par le poste de Directeur Général des Remparts de Québec pendant 5 ans. D'ailleurs, les 2 dernières années avec les Remparts, j'ai travaillé avec les Nordiques de Québec puisque l'équipe leur appartenait. Après je suis revenu travailler avec la Ligue Junior Majeur du Québec au poste de directeur exécutif (M. Dumont, qui occupait ce poste, a pris sa retraite) et en février 1986, le président de la la ligue (qui était un poste occupé à temps partiel) a remis sa démission et le bureau des gouverneurs a décidé de me nommer à ce poste par intérim et je suis là depuis 30 ans.
HH : Quel est la recette de votre incroyable longévité ?
Je pense que la première chose c’est ma passion pour le hockey, pour la ligue. Il y a toujours des défis, c'est ce qui me motive à me lever le matin pour me rendre au bureau puis à continuer de travailler comme je le fais depuis le tout début.
HH : Quand vous êtes arrivé au poste de commissaire, quels ont été vos premiers projets ?
Le premier projet était de mesurer que nos franchises puissent être en mesure d'opérer convenablement. L'élément sur lequel je me suis penché est celui des revenus et plus particulièrement de la commandite. Je considérais qu'il était important d'avoir de bons revenus de commandite pour permettre à nos équipes de s'assurer de pouvoir opérer dans les meilleures conditions. C'est là-dessus que j'ai commencé. Ensuite, je me suis attardé sur l'encadrement du joueur de hockey sur et hors glace.
HH : Quel est, d'après vous, votre plus grand accomplissement à la tête de la ligue ?
Je pense que c'est lorsque l'on a pris la décision de procéder à une expansion dans les Maritimes, à Halifax. Aujourd'hui on est fier d'avoir 6 équipes de la Ligue Junior Majeur dans la division Maritimes mais à l'époque c'était sans doute la décision la plus risquée que l'on pouvait prendre.
HH : Est-ce que c'est toujours la même passion qui vous anime pour développer le hockey junior Québecois ?
Tous les jours c'est la même passion. Je me lève tous les matins avec une série de choses à faire, de choses à penser et, à la fin de la journée, j'essaye de faire un résumé de tout cela pour m'assurer que tout est en place.
HH : Parlons du présent. Vous avez dernièrement eu un entretien avec Turcotte, des Remparts, dans le cadre de la nouvelle règle sur les bagarres. Votre volonté est-elle de réduire le plus possible les bagarres dans la ligue ?
La réglementation que l'on met en place a pour but d'assurer au maximum la sécurité des joueurs. Cela fait partie de l'évolution de l'encadrement que l'on donne aux joueurs.
HH : Autre modification votée cette année, celle du calendrier (voir notre news). En quoi cette modification est importante ?
Deux facteurs importants. D'habitude, on commence la saison très tôt et nos joueurs vedettes sont avec leurs équipes dans la Ligue Nationale pour les camps d’entraînement. La deuxième raison, c'est la prochaine Coupe du monde de hockey qui va avoir lieu au mois d’août et septembre 2016. On va créer beaucoup d’intérêt autour du hockey et plus particulièrement chez nous au Québec où, à Montréal et à Québec, des événements vont se tenir : compétitions, camps d’entraînement, matchs hors concours qui vont susciter beaucoup d’intérêt. La saison commencera le 23 septembre.
HH : La LHJMQ compte 18 franchises (contre 20 aux autres équipes de la LCH). Une expansion est-elle possible ?
Non, il n'y a pas d'expansion de prévue au niveau de notre ligue à court et moyen terme. On est 18 dans la ligue, on veut penser à nos équipes déjà existantes. On ne pense pas à une expansion.
HH : Ouvrons le sujet des Patinoires. Le Centre Vidéotron est une formidable vitrine pour la ligue Junior Majeur. Peux-on imaginer d'autres grandes enceintes dans le futur ?
Pour nous autres, c'est certain qu'au milieu 90 quand on a pris la décision d'aller dans les Maritimes, l'une des raisons était la qualité des Arénas qu'ils avaient dans chacune des villes et ça a amené le Québec à construire ou à rénover en profondeur les amphithéâtres. A partir de là, ce qui est important pour nous, c'est s'assurer que nos équipes vont pouvoir continuer à opérer dans les villes où elles sont en place et, pour ce faire, il y en a qui vont avoir besoin de rénovations majeures, voire de constructions neuves et on travaille là-dessus.
HH : Le Centre Vidéotron est au cœur du débat avec le retour des Nordiques. Êtes-vous favorable au retour de ces derniers et avez-vous été consulté, de près comme de loin, par le projet de Québecor ?
Nous n'avons pas été consultés au niveau de la ligue nationale, je pense que lorsque l'on va arriver vers quelque chose de plus concret on va être consulté. Pour avoir une autre équipe du Québec dans la Ligue Nationale, on est favorable à un retour des Nordiques. Après il faudra travailler pour maintenir notre clientèle au niveau de la ligue mais ça va créer une belle vitrine pour nos joueurs de la Ligue Junior Majeur du Québec, ce sera une opportunité de plus pour eux d'être sélectionnés ou invités par la nouvelle équipe à Québec lorsque cela arrivera.
HH : En matière de sécurité, la ligue est un modèle avec des incidents extrêmement rares. Comment avez-vous réagi quand vous avez appris pour le jet de canette lors du match entre Rouyn-Noranda et Blainville ?
C'était un incident isolé et déplorable mais, de l'autre côté, je suis extrêmement content de la réaction de la sécurité et du service policier qui sont immédiatement intervenus suite à l'incident. Les actions ont été prises et je tiens à souligner l'incroyable travail de sécurité qu'il y a au niveau de l'équipe de l'Armada.
HH : Ces dernières années, peu de joueurs français ont évolué en Junior Majeur mais un, aujourd'hui, joue dans la Ligue Nationale. Quels souvenirs gardez-vous d'Antoine Roussel quand il jouait avec Chicoutimi ?
Je garde de très bons souvenirs du passage d'Antoine. C'était un joueur marquant avec Chicoutimi et une belle vitrine pour la Ligue Junior Majeur du Québec. On a également eu Philippe Bozon qui a évolué dans notre ligue pendant plusieurs années avant d'être une vedette dans la ligue Nationale. C'était des cas particuliers car, comme vous le précisez, il n'y a pas grand nombre de joueurs français qui viennent jouer au niveau de la ligue Junior Majeur du Québec mais eux ont bien performé et on est content qu'ils aient fait leur Junior chez nous.
HH : Pourrait-on envisager, dans l'avenir, une coopération plus étroite entre la France et le Québec pour que les joueurs français viennent jouer en LHJMQ ?
On est toujours ouvert à ce genre de possibilités mais, comme vous le savez, on a une réglementation pour des joueurs européens qui est quand même assez importante et bien structurée. Chaque équipe a le droit à deux joueurs en provenance d’Europe et, à cet effet-là, nos équipes pourraient toujours sélectionner des joueurs français mais il faudrait qu'elles s'assurent que le ou les joueurs français qu'ils vont choisir vont venir évoluer dans la LHJMQ au détriment de demeurer chez eux en France.
HH : En parlant de la France, êtes-vous surpris de voir autant d'anciens de la LHJMQ évoluer dans nos championnats élite ? Certains jouaient encore l'an dernier en junior comme Simon Tremblay (Neuilly sur Marne) ou Raphaël Corriveau (Morzine).
Non, je suis pas surpris. Ce sont des joueurs avec beaucoup de talent, qui ont le profil pour évoluer en Europe. Ce sont des joueurs très rapides avec de belles habiletés qui cadrent parfaitement avec le style de hockey qui se joue en Europe.
HH : Connaissez-vous un peu le championnat de France ?
Je connais un peu le championnat en France car je connais bien Luc Tardif. Je connais ce championnat et je suis cela de la façon la plus appropriée possible.
HH : De tous les joueurs que vous avez vu passer, est-ce qu'il y en a un dont vous gardez le meilleur souvenir ?
Il y a plusieurs bons joueurs mais je dois dire qu'au niveau junior, un joueur comme Mario Lemieux a été un joueur dominant au niveau de la ligue, il n'y aucun doute là-dessus.
HH : Cela vous surprend-il que des médias "étrangers" fassent la promotion de votre ligue ?
Je ne suis pas surpris. La situation a beaucoup évolué au niveau de la Ligue Junior Majeur du Québec, on a fait un bon travail pour la mise en marché, la connaissance et ce que l'on voit aujourd'hui avec l'intérêt européen pour la LHJMQ n'est pas quelque chose qui me surprend.
HH : Avant de finir cet entretien, avez-vous déjà pensé à l'après-LHJMQ ?
Je n'ai pas pensé à l'après-Ligue Junior Majeur. Mes efforts, mon énergie, ma conscience, ma concentration et ma passion sont tournés vers la ligue puis, lorsque j'aurai terminé mon association, je prendrai le temps à ce moment-là de regarder ce que je pourrais faire par la suite mais, pour le moment, je suis dédié à 100% à la Ligue de Hockey Junior Majeur du Québec.
HH : En 30 ans de présidence, est-ce qu'il y a une anecdote que vous avez vécue que vous pouvez nous raconter ?
Oui, quand, dans les années 90, je suis arrivé avec l'idée de faire une expansion dans les Maritimes et d'aller jouer à Halifax, j'avais un gouverneur qui était propriétaire d'une équipe et qui était au comité exécutif qui avait dit aux autres personnes : j'aimerais qu'on vérifie la médication de notre commissaire car il doit être sous une médication très forte pour penser que notre ligue pourrait jouer dans les Maritimes. Il trouvait farfelu l'idée d'aller jouer là-bas et il pensait que j'avais pris une substance qui avait déstabilisé (rires) mon cerveau pour prendre cette mesure. Trois ans plus tard, c'est lui-même qui est venu me voir pour me dire : j'aimerais vendre mon équipe au Cape Breton et soyez assuré que j'étais revenu avec cette réplique : j'aimerais qu'on vérifie ta médication car ça n'a pas de bon sens que l'on aille au Cape Breton. On en rigole aujourd'hui mais, dans ce temps-là, c'était quand même assez intense.
HH : Pour finir, avez-vous un message à transmettre aux partisans de la ligue ?
Oui, c'est de les remercier d'être autant présents en nombre dans nos différents amphithéâtres de la ligue. C'est notre richesse, notre raison d'être d'avoir le support de nos amateurs et je peux leur garantir que je vais continuer à travailler avec nos équipes, nos dirigeants pour m'assurer de leur présenter un spectacle de qualité match après match.
Toute l'équipe de la rédaction de Hockey Hebdo tient à remercier chaleureusement le commissaire de la LHJMQ pour sa disponibilité et pour nous avoir accordé du temps afin de réaliser cette entrevue. Nous tenons également à saluer le travail du service communication de la Ligue, et particulièrement Photi Sotiropoulos pour avoir organisé cet entretien.
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