Hockey Hebdo : Bonjour Pascal. Est-ce que tu peux te présenter, en d’autres mots, en quoi consiste ton rôle ?
Pascal Loukianenko : Bonjour et tout d’abord bonne année 2009 à tous et à tous les supporters du RHE et à l’équipe de Hockey Hebdo. Je me présente ; je m’appelle Pascal. Tout le monde voit à peu près qui je suis. J’ai un rôle assez important au niveau de la glace. Mais sinon, me concernant, j’ai 40 ans, marié, 2 enfants ; un petit garçon qui s’appelle Alexis et une fille qui s’appelle Irina. Je suis heureux dans la vie, tout va bien et j’aime surtout mon travail. Déjà pour commencer, c’est important. Mon rôle, maintenant, à la patinoire est surtout de m’occuper de la glace, de l’accueil et de la sécurité des différents publics. Mais notre mission principale, c’est la glace. Sur une journée, on est la moitié du temps sur une surfaceuse. Notre mission prioritaire est l’entretien de la glace, connaître son épaisseur, quand est-ce qu’il faut l’arroser, le nombre de surfaçage, les différentes techniques par rapport à l’activité sur la glace. La température peut être changée ; par exemple, pour le patinage artistique, ils vont demander une glace molle, c'est-à-dire aux alentours de -5°C, alors que pour le patinage synchronisée ou le hockey sur glace, ils vont demander une glace très dure, environ -9°C. Déjà, ça, il faut le savoir, il y a beaucoup de choses qui rentrent en ligne de compte. Après, à nous de faire le nécessaire pour mettre à disposition une glace la plus proche de la demande. Cette année, nous avons eu une belle surfaceuse de la part de la ville ainsi qu’une tondeuse ; une tondeuse à bordure. Cette dernière est primordiale pour nous car il faut savoir qu’en moyenne, nous surfaçons entre 12 et 15 fois par jour du Lundi au Vendredi. J’ai travaillé avec François Legay et pendant 10 ans, c’était environ 450 à 500 surfaçages par mois ! Voire plus… Notamment pour toutes les grandes compétitions qui se sont déroulées ici, tels que les championnats du monde, les tournois préolympiques… Nous étions des fois à 25 surfaçages par jour. Un chiffre, si je dois faire le calcul, je dois être à pas moins de 30000 surfaçages.
H. H. : Quand même… Il y a peut-être une médaille à décerner (Rires)
P. L. : Cela fait presque 20 ans que je suis à la ville de Rouen. Je suis rentré en 1990 donc pour être précis, 18 ans. J’ai fais que cette mission ; chef de piste.
H. H. : Peux-tu nous expliquer comment se déroule un surfaçage ? Qu’est ce que tu mets sur la glace ? Qu’est ce que tu enlèves ? Pourquoi êtes-vous 2 alors que dans la plupart des patinoires, il n’y a qu’une seule personne ?
P. L. : 2 machines mais la mission est la même c'est-à-dire resurfacer la glace. Ce que l’on met dessus, ce qui brille, c’est de l’eau chaude, à 70°C. Et pour ramasser, nous avons une lame qui fait 2 mètres de long, comme une lame de rasoir, qui coupe la glace. Et le petit volant car je pense que tout le monde a du se demander pourquoi, qu’est ce que c’était, c’est le degré d’inclinaison de la lame. Si on gratte très fort, il n’y aura plus aucune trace sur la glace, celle-ci sera très belle et inversement d’où la présence parfois de traces ; l’inclinaison n’était pas assez forte. L’eau chaude permet de bien remplir toutes les cavités restantes, les microfissures. Car si on mettait de l’eau froide, celle-ci gèlerait instantanément. Mais il ne faut pas trop mettre d’eau chaude. Le choc thermique est assez important (70 et -8 !) donc il faut réguler la coupe, le débit d’eau et la vitesse. C’est question d’habitude. Après, pour rentrer dans les détails, sur une piste, il y a toujours des points hauts et des points bas. C'est-à-dire des endroits où il y aura plus ou moins de glace. C’est pour cela que dans les virages, l’eau coule sur les côtés et c’est à ces endroits qu’on est un peu plus haut.
H. H. : et la tondeuse alors, à quoi sert-elle ?
P. L. : Alors, la tondeuse permet sur une bande d’à peu près 30 cm, collée à la balustrade, de redescendre les niveaux afin d’avoir une belle bordure et d’enlever toutes les impuretés. Au bout d’une journée, toute l’accumulation de neiges qu’il y a notamment à l’entrée des joueurs, cela fait un petit amas et cela gèle. Si ce n’est pas entretenu, la glace n’est pas de bonne qualité. C’est vraiment prépondérant de bien entretenir les bordures afin de réaliser un travail parfait. Bonne glace, bon travail = bonnes bordures.
H. H. : C’est fait, vous disposez donc de ce nouvel outil…
P. L. : Voilà même si vous la verrez très peu passer. Peut-être avant les matchs mais son passage demande environ une petite demi-heure. Mais avant la tondeuse, nous avions ce que nous appelons le abondant ; un appareil qui se croche sur la machine. On faisait un premier tour avec ; c’était une sorte de rabot qui fait les bordures.
H. H. : Et votre travail consiste aussi à intervenir sur la glace. Il arrive que l’on vous appelle pendant des matchs par exemple…
P. L. : Très très rarement. S’il y a de gros coups de patins, c’est qu’il y eu du patinage artistique. On peut nous demander un grattage afin d’éliminer cela. Il faut savoir aussi qu’une piste c’est 60 sur 30 mètres. Et donc sur 1 cm de glace, on laisse 18 litres d’eau. Multiplié par 4 donc 72 litres d’eau… On est au minimum à 4 cm d’épaisseur rajoutée. IL peut y avoir plus, par exemple 5 cm s’il y a de gros trous et 3 plus loin à un endroit moins accidenté donc en moyenne 4 cm. Et on peut augmenter l’épaisseur. Par exemple, pour la French Cup. C’est la hantise des surfaceurs car c’est pire qu’un match de hockey surtout sur le milieu, pas forcément sur le bord. 25 personnes qui font le même geste, je vous laisse imaginer. Mais on arrive quand même à gérer la chose.
H. H. : Combien cela prend-il de temps de réaliser un surfaçage ?
P. L. : Le temps réglementaire pour un match de hockey est de 15 minutes. L’avantage que nous avons, c’est d’avoir 2 machines. Mai faire une bonne glace demande du temps. Si nous voulons une bonne glace, il ne faut pas se précipiter. Mais nous devons gérer notre temps, c’est sûr. Mais le mieux est de rentrer 4 minutes avant la reprise car la glace à bien le temps de sécher et la qualité est optimale. A nous de bien gérer notre temps. En 5 minutes, la qualité ne sera pas bonne. Mais des fois vous avez les enfants qui font des démonstrations, cela ne nous fait pas forcément plaisir (Sourire) mais on s’adapte. C’est un plaisir tout de même de voir les enfants patiner devant un tel public. Cela les impressionnent donc nous passons outre.
H. H : Est-ce mieux d’avoir les enfants sur la glace ou les pom-pom girls ? Les coups de patins ne sont pas les même.
P. L. : C’est pareil. L’idéal pour nous est qu’il n’y ait personne qui monte. La glace a bien le temps de prendre comme cela.
H. H : Sinon, as-tu une anecdote à nous faire partager ?
P. : Oui. Notamment Rouen - Chamonix (Rires) D’ailleurs une fois en vacances, je rencontre un cuistot fans de Chamonix. On lui dit que nous sommes de Rouen, que c’était nous qui nous occupions de la glace. On en a rit, on a bu un coup ensemble. C’était la fête avec des gens vraiment très chaleureux là-bas. Il y a tellement d’anecdotes…
H. H. : Sinon, la demi-finale de Conti Cup avec un dernier match qui n’avait pas pu être joué parce que les compresseurs étaient tombés en panne.
P. L. : Je m’en rappelle bien et le match était décalé toutes les 5 minutes mais rien n’avait pu être fait pour réparer tout ça. Mais sinon, en anecdote, c’est vrai que nous avons vécu de gros moments, Bolzano il y a quelques années, les coupes d’Europe, etc… Mais pour nous, tout s’est bien passé. Il n’y a pas trop d’anecdotes mais surtout des petites choses, des petits événements qui se passent. On est proches des joueurs, c’est ce qui est bien dans ce métier.
H. H. : Sinon, quel serait ton pire cauchemar ?
P. L. : Mon pire cauchemar serait de tomber en panne en plein milieu de la glace et aussi une fuite hydraulique de la machine. Et la machine ne décollerait plus de la glace.
H. H. : Si cela arrive, la machine ne peut plus être déplacée ?
P. L. : Voilà mais si cela arrive, ce serait indépendant de ma volonté… En tout cas, ce serait irrécupérable, une catastrophe...
H. H. : On va croiser les doigts à tous les matchs pour ne pas que ça arrive. Sinon, regardes-tu des matchs quand tu es à la patinoire ?
P. L. : Il faut savoir que quand il y a des matchs, à côté, il y a la séance publique. On est à droite, à gauche, à l’infirmerie mais sinon, oui, dès que l’on peut, on est collé à la vitre. Mais j’avoue que j’ai eu la chance de connaître les premiers matchs à Rouen, il y avait notamment Larry Hurras. J’ai travaillé à peine un an et demi dans l’ancienne patinoire. Après, ça était démolition, reconstruction… Je reste un peu nostalgique de cette époque, la belle montée en puissance de l’équipe, les Larry Hurras, Benoît Laporte. On voyait les joueurs à l’extérieur ; il y avait vraiment des liaisons amicales, Woodburn, Jean-Philippe Lemoine ; « La Grande Epoque ». Et à cette époque là, même quand je ne travaillais pas, je venais voir les matchs. C’était incroyable. Quand je suis arrivé en 1990, il y avait Claude Verret, Thierry Chaix. Et je me souviens que vous les supporters étiez allés à Düsseldorf. C’était retransmis à la radio, j’étais seul dans la patinoire et une fois que j’avais fait la glace, j’écoutais le match. Entendre la patinoire vibrée comme cela, c’est super. Un moment que j’aime tout particulièrement, c’est le soir, seul dans la patinoire, c’est un peu comme ton petit bébé… Elle nous aime bien, on s’occupe bien d’elle et elle nous le rend bien.
Dernière chose, un bon surfaçage, c’est minimum 45 minutes mais on nous laisse qu’un quart d’heure avant les matchs.
H. H. : Il faudrait limite, la faire 45 minutes avant un match histoire d’avoir une bonne qualité…
P. L. : Voilà et bien la laisser sécher. Le matin, la glace est bonne car des fois les entraînements commencent à 10h30, et on la fait à 8h30 donc les gens sont contents. Mais nous ne pouvons pas faire ça entre chaque créneau. Ce serait bien mais on ne peut pas se le permettre. Le temps…
H. H. : merci pour tout Pascal.
P. L. : je voulais ajouter une dernière chose. Je ne suis pas tout seul à faire cela. Nous sommes 5. Il y a Toni, Fabrice, Chantal et le petit dernier Damien. Je suis le plus ancien de cette petite équipe. Merci surtout à la ville et Mme Fourneyron (Maire de Rouen) qui nous a enfin fourni une belle surfaceuse que nous attendions depuis si longtemps.
H. H. : Merci encore et à bientôt Pascal.
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